Amour Prohibé

Prologue

France,1912

Si cela n'avait pas été pour faire plaisir à sa mère, Louise serait partie gambader dans la campagne pour y cueillir des fleurs et courser les lapins. Ses cheveux bruns reflétant les rayons dusoleil, la jeune fille attendait patiemment aux côtés de ses parents que les invités pour le dîner daignent enfin faire leur apparition.

C'était l'été de l'année 1912, Louise et ses parents habitaient un ancien manoir dans les Vosges. Ils coulaient des jours heureux, sans se soucier du lendemain. Mr Kremer, le père de Louise, était propriétaire d'une mine de charbon florissante, et Mme Kremer passait ses journées à lire, boire le thé avec des amies, ou à faire les boutiques pour trouver les dernières toilettes à la mode qu'elle porterait lors des soirées mondaines.

À dix ans, Louise avait déjà des idées bien arrêtées sur son avenir et sur les choses de la vie.

Petite pour son âge, elle avait hérité du corps frêle des Kremer et sa mère désespérait de la voir s'arrondir un peu. « Quand tu seras une femme, disait-elle, tu t'apercevras très vite que les hommes préfèrent les corps voluptueux aux brindilles ! »Elle le répétait sans cesse, mais Louise n'en avait que faire,elle était bien trop jeune pour penser à ça. Pour le moment elle se consacrait à ses leçons dispensées par Mlle Lemérec, ainsi qu'à son violon et son piano.

Son rêve était de devenir danseuse classique, mais sa mère avait le chic pour trouver l'argument-choc qui lui éviterait de payer les cours. Si au départ, cela avait été : « La danse, ce n'est que pour les filles aux mœurs légères. », le discours de Mme Kremer était récemment passé à une tout autre excuse : « Tu es trop vieille à présent ! Tu ne seras jamais assez souple. »

Louise riait sous cape, cela faisait maintenant quatre ans que son père lui payait des leçons de danse classique en cachette. Il ne voulait pas mettre en colère sa femme, mais faire plaisir à sa fille était aussi important à ses yeux. C'est ainsi que, depuis l'âge de six ans, la jolie brunette aux yeux marron faisait ses entrechats dans le dos de sa mère. Elle était devenue si souple que faire un pied dans la main –comprenez, lever la jambe au-dessus de la tête-au réveil était aussi facile que d'apprendre à un enfant à faire des bêtises.

Souvent, elle avait failli se faire surprendre à étendre sa jambe sur la rambarde de l'escalier pour faire quelques étirements. Heureusement, elle réussissait toujours à faire croire qu'elle voulait juste glisser jusqu'en bas de l'escalier. On la réprimandait alors pour cela tout en lui indiquant que c'était bien trop dangereux pour une petite fille. Peu importait, elle l'avait déjà fait des dizaines de fois, mais ça, elle se gardait bien de le révéler.

Ce jour-là, Louise n'aurait pas le droit de faire ce qu'elle voulait. Elle allait devoir demeurer sage, avec ses parents et leurs invités, et ce, toute la soirée.

Ils étaient en retard, sûrement la dernière mode en vigueur. Elle ne pouvait plus rester en place. Elle sautillait d'un pied sur l'autre tout en chiffonnant sa nouvelle robe.

─Tiens toi tranquille, veux-tu ? lui ordonna sa mère.

─Mais je n'en peux plus.

─Là n'est pas la question, une jeune fille de bonne famille se doit d'accueillir ses invités.

─Ce ne sont pas mes invités ! protesta Louise.

─Suffit !

─Mais maman !

─Ne m'oblige pas à te punir ce soir. Tu resteras avec nous, un point c'est tout ! Et ne fais pas cet air de chien battu avec moi jeune fille, cela ne prend pas.