Louiseaccueillit les douceurs sucrées avec bien plus d'élan que lereste du repas. Le chocolat et les fruits étaient son péchémignon. Elle fut heureuse de ne pas avoir trop mangé avant, ainsielle pu faire honneur aux tartes et gâteaux joliment disposésdevant elle.
Àchaque bouchée qu'elle prenait, elle fermait les yeux, comme sic'était la chose la plus délicieuse au monde. Il sembla à Ugoque le chocolat avait sa préférence, vu le son que sa gorgelaissait échapper. Il s'aperçut qu'elle aimait mélanger lesfruits au cacao et se délecta de voir ses lèvres les enveloppersensuellement.
—Si vous ne cessez pas de me regarder ainsi, j'arrêtede manger.
—Pourquoi ?
—Cela me gêne, voilà tout. Qu'est-ce qui vous faitsourire ?
—Vous, répondit-il. Vous êtes une danseuse et cela vousmet mal à l'aise d'être observée.
—C'est votre façon de me regarder qui n'est pas...correcte.
—C'est-à-dire ?
—Vous me regardez comme si vous alliez me dévorer sur lechamp !
—Sur le champ, peut-être pas, en revanche, entre desdraps de soie, il y a de fortes chances.
—Ugo !
—Ne soyez pas si surprise. Vous connaissez très bien mesintentions en ce qui vous concerne. Par contre, je ne sais rien desvôtres.
—Je n'en ai aucune ! Je pensais passer une soiréeen votre compagnie, afin de mieux vous connaître puis rentrer chezmoi.
—Voilà un programme que je vais m'empresserd'améliorer...
—M. Abatucci, je ne...
—De quoi avez-vous peur ? Laissez-moi être votrecavalier pour cette nouvelle danse, lui murmura-t-il.
Lecorps de Louise réagit instinctivement à cette phrase. Cepouvait-il qu'un homme ait une telle emprise sur elle alors qu'ilsne se connaissaient pas réellement et qu'ils ne se côtoyaient quedepuis peu de temps ? Elle craignait sa propre réaction.Jusqu'où était-elle prête à aller ? De par son éducation,elle ne devrait même pas avoir ce genre de pensées. À dire vrai,elle n'aurait même pas dû être présente à cette soirée.
Leurpromiscuité lui parut soudain déplacée. Cela ne l'avait pourtantpas dérangé lorsqu'ils étaient derrière cette colonne etqu'elle s'était retrouvée les jambes enlacées autour de lataille d'Ugo. Mais elle voyait les choses sous un angle nouveau.Que pensaient les gens de leur couple ? Avaient-ils l'aird'être plus que des amis ? Elle se fit l'effet d'unesotte. À quoi s'était-elle attendue au juste ? Il allaitfalloir trouver une porte de sortie. Elle frémit en pensant à cequ'il avait apparemment prévu pour eux. De peur oud'anticipation ? Elle n'en savait rien. Pour la premièrefois de sa vie, elle ne savait pas ce dont elle avait envie.
—Je n'ai pas peur, dit-elle d'une voix plus fluettequ'elle ne l'aurait souhaité. Et qu'est-ce qui vous dit quec'est une nouvelle danse pour moi ?
—Oh Lucia... Vos yeux sont incapables de mensonge.
Lestables avaient été soulagées de l'argenterie et l'on demandaaux invités de bien vouloir se lever afin de pouvoir les enlever etne laisser que les chaises autour du parquet. Voilà une coutume queLouise ne connaissait pas, mais ils furent prévenus qu'un buffetde friandises et de vins était dressé dans la pièce d'à côté.La Baronne prenait décidément grand soin de ses invités.
—Avant d'enlever nos masques, dansons une dernièredanse ! Quoi de mieux qu'un Tango pour sublimer cette soirée ?
Lacomplainte d'un violon se fit entendre. Louise adorait cette danse.Encore une qu'elle avait apprise contre la volonté de sa mère.Une jeune femme ne danse pas le Tango !C'est tout à fait déplacé !Déplacé ? Certes, mais tellement féminin !
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Amour Prohibé
RomanceFrance 1912. Une jeune fille âgée de 10 ans attend impatiemment devant le manoir vosgien de ses parents que les invités de ceux-ci daignent faire leur apparition. Louise Kremer est pleine de vie, intelligente, et passe son temps à faire tout le cont...