Chapitre 13

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Le Ziegfeld Folies... Louise avait beau avoir entendupartout qu'il était inspiré des Folies Bergères, elle ne pouvaits'empêcher de croire qu'elle allait entrer dans une maison clause.Après tout elle n'était jamais allée au cabaret de Paris, et samère lui avait tellement souvent rabâché qu'elle finirait dans unde ces « bouges de folies bergères » qu'elle en avaitconclu que ça n'était pas un endroit respectable, tout du moinspour une jeune femme de bonne famille.

Même si elle s'accrochait à l'idée que jamais Emma nel'emmènerait dans un bouge, elle gardait la boule au ventre et lagorge sèche.

Le chauffeur les déposa devant le cabaret sur l'avenuede Broadway. Une affiche immense annonçait les actrices enreprésentation le soir même. Marilyn Miller, Helen Morgan, NoraBaye et surtout Louise Brooks ; Louise avait tellement entenduparler d'elles, qu'elle avait l'impression de les connaître. Elleétait impatiente de les voir sur scène.

Louise repéra Andrew dès qu'elle passa les portesd'entrée. Dans son costume gris sombre, il semblait sûr de lui etcomplètement à sa place au milieu des hommes qui buvaient en verreau bar en attendant d'entrer dans la salle. Les femmes étaientinstallées sur des banquettes disséminées un peu partout etdiscutaient joyeusement.

Donovan la salua avec son verre à demi rempli d'unliquide brun. Louise ne comprenait pas ce besoin chez les hommes detoujours boire de l'alcool lorsqu'ils sont en société ou bienencore lorsqu'il rentrent du travail. Son père ne buvait que lorsdes repas mondains, c'en était peut-être la raison. Il étaitl'exemple même que l'on pouvait garder les idées claires pouraffronter le quotidien.

Andrew termina son verre d'une traite et pris congé deses interlocuteurs avant de se diriger vers Louise et Emma.

—Bonsoir mesdames,dit-il en faisant un baise-main aux deux femmes avant de placer samain dans le bas du dos de Louise afin de la guider vers unfauteuil.Installez-vous bien confortablement, je vais vous chercherdes rafraîchissements.

Ce fut à ce moment précis qu'Ugo décida de faire sonentrée dans le cabaret.

—Tu étais au courant ?demanda Louise à Emma.

—Non, mais c'étaitprévisible ! Ugo a des parts de le Ziegfeld, il a dû apprendrela présence d'Andrew et est venu protéger ses affaires.L'espionnage industriel, tout ça tout ça.

—Ou bien, c'est encoretoi qui as tout manigancé !

—Comment peux-tu penserde telles inepties ?

Emma semblait réellement outrée. Pour la premièrefois depuis plusieurs semaines, Louise eu envie de la croire. Lescoïncidences pouvaient arriver.

—J'espère seulementqu'il ne va pas...

Elle ne termina pas sa phrase. Ugo venait de la voir. Illa fixait si intensément que le monde autour d'eux parut s'effacerl'espace d'une minute. Son sang tapait à ses oreilles et sarespiration s'accéléra. Comment allait-il se comporter ? Elleéprouvait des difficultés à comprendre ce qu'elle ressentait.Avait-elle envie qu'il la revendique devant tout le monde ? Oubien voulait-elle qu'il fasse comme si de rien n'était ? Lesdeux situations lui posaient des cas de conscience. Elle savaitqu'elle devait espérer la deuxième solution, mais elle n'arrivaitpas à en être convaincue.

—Lucia ?

Andrew était revenu auprès d'elles et lui tendait unverre.

—Oh ! Merci,pardon, j'étais ailleurs.

Il suivit son regard, mais Ugo était déjà parti.


Ilsentrèrent dans la salle de spectacle. Çan'était pas exactement ce à quoi s'était attendu Louise. Ellepensait trouver des fauteuils rouges alignés sur plusieurs rangées,mais au lieu de cela, il y avait bon nombres de banquettes entourantdes petites tables.Toutes étaient tournées vers la scène quisemblait petite mais surmontée de lourds décors. Ils prirent placepratiquement sur le premier rang, ils avaient une vue parfaite. Emmaà sa droite, Andrew vint s'asseoir à la gauche de Louise enpositionnant son bras sur le dossier presque autour du cou de lajeune femme. Louise se raidit. Elle n'appréciait pas cetteproximité.

Amour ProhibéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant