Chapitre I

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NewYork, 1920


Dix-huitans, plus que trois ans avant la majorité en France. Et il en allait de même aux États-Unis, où ses parents avaient décidé de fuir laguerre, huit ans auparavant. Plus que trois années avant l'émancipation et la liberté et elle pourrait enfin se consacrer entièrement à la danse. Depuis qu'ils étaient arrivés à NewYork, elle avait pris une place considérable dans la vie de Louise.Chaque jour, la jeune femme s'entraînait, mais elle n'oubliait pas pour autant la musique, son premier amour. En changeant de pays, Amalia avait fini par accepter la vocation de sa fille. Cependant, tant qu'elle vivrait sous son toit, elle refuserait obstinément qu'elle en fasse son métier. Elle ne s'était pas mise en colère devant Louise, mais celle-ci savait pertinemment qu'elle avait dû le faire payer à M. Kremer.

Aujourd'hui,tout cela lui semblait bien loin, Louise s'était habituée à cette nouvelle vie. Au lieu d'habiter à la campagne, ils vivaient désormais à demeure au Dakota Building. Un immense hôtel qui longeait le côté ouest de Central Park. Juste en dessous des chambres de bonne, le propriétaire avait fait aménager une salle de danse avec parquet, barre et miroirs. Louise avait accès à la salle de musique à volonté, tant et si bien qu'elle ne sortait quasiment jamais de l'hôtel, à part pour faire un tour dans le parc ou bien aller faire les boutiques lorsqu'elle avait besoin de nouveaux vêtements ou bien de chaussons de danse.

En arrivant en Amérique, Louise s'était fait une seule véritable amie qui habitait aussi l'hôtel, Emma, enfin Emmanuelle, mais elle se faisait appeler par son diminutif qui faisait plus américain. Plus âgée de quatre ans, elle était arrivée avec ses parents de Marseille dans son enfance. Alors qu'elle n'avait que 16 ans, elle fit la connaissance d'Elijah Edwards. Elle fut attirée par cet homme d'âge mûr qui, à 30 ans, était très séduisant, très influent et aussi très riche. Il avait acheté l'appartement du Dakota Building à sa femme pour qu'elle puisse profiter de NewYork pleinement et en particulier de Manhattan.

Grande et avec des formes pulpeuses, Emma ne possédait pas les critères de beauté qui avaient cours en 1920. Elle avait juste fait couper ses cheveux blonds en un carré court avec frange. Pour le reste, comme elle aimait le dire à Louise, elle ne pouvait pas se couper la poitrine pour entrer dans une case. Elle n'était pas une amazone ! Son caractère bien trempé aurait pu la mettre dans des situations dangereuses très souvent si l'influence et la notoriété de son mari ne l'avaient pas sauvée.

Même si le couple formé par Mr et Mme Edwards semblait dépareillé aux yeux du monde en raison de leurs quatorze ans d'écarts, ils étaient unis et indissociables.

Emma était une femme libre de sortir comme bon lui semblait, et très souvent sans son mari. Ainsi elle retrouvait ses amis dans les cabarets et les restaurants les plus prisés de New York. Louise quant à elle était cantonnée à passer ses soirées en compagnie de sa mère ou de Mme Lemérec qui commençait à se faire vieille. Autant dire que ses soirées se résumaient à écouter le tic-tac de la pendule et lire des livres. Ses parents sortaient ou recevaient très régulièrement, mais à présent, ils laissaient leur fille tranquille et elle les en remerciait malgré l'ennui.

Emma et Louise s'étaient très vite liées d'amitié. Ayant charmé Mr et Mme Kremer, c'est tout naturellement que Mme Edwards était devenue le chaperon de Miss Kremer. Louise lui en était extrêmement reconnaissante et ne cessait de le lui dire, ce qui agaçait fortement son amie. Grace à Emma, Louise pouvait ainsi sortir de chez elle et découvrir la vie en dehors de son cocon familial devenu trop petit et étouffant pour elle.


Ce mardi-là, Emma décida d'emmener Louise chez une nouvelle couturière, apparemment très courue par la haute société new-yorkaise, qui sauta sur l'occasion, car elle avait besoin de nouvelles robes et de tissus.

Amour ProhibéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant