✶ À la croisée des chemins ✶ (Kakashi X Hanare Fanfiction)

Partie 8 - La dure vérité

Avant de céder à l'accablement, Kakashi tenta de se rassurer en se disant qu'il portait toujours son masque de soie noire qui lui cachait la moitié inférieure du visage et que son apparence physique avait changé avec les années. Il était improbable qu'elle le reconnaisse.

Remise de ses émotions, la bouche d'Hanare se fendit en un large sourire qui le rendit mal à l'aise.

— Kakashi.

Ses maigres espoirs partirent en fumée.

— Ce regard détaché et calculateur, cette indomptable crinière de cheveux d'argent, ce fin menton coupé au couteau, cette attitude désinvolte... oui c'est bien toi! Je t'ai pourtant connu plus accueillant avec les étrangers!

Un vent d'hilarité agrémenta ses traits. Kakashi était pétrifié et préféra demeurer silencieux, incapable d'agencer ses pensées sous forme de mots. La jeune femme ne se laissa pas impressionner par son mutisme et poursuivit d'un ton léger.

— Peu m'importe que tu ne me reconnaisses pas, notre rencontre remonte à si longtemps. Dans tous les cas, j'étais venue t'adresser ma gratitude. Tu as prémuni ma mission de l'échec, préservé ma réputation de ninja, et fort probablement sauvé la vie.

Du chaos tourmenté qui embourbait son esprit, Kakashi nota tout de même l'ordre de ses remerciements. Davantage reconnaissante du succès de sa mission que de la continuité de sa vie, elle incarnait admirablement les préceptes ninjas aux yeux du rigoureux shinobi de Konoha.

« Ne laisse pas ses charmes embrouiller ta raison à nouveau. »

Sa peur de l'attachement revêtit la forme de la hargne.

— Je ne l'ai fait que pour protéger mon village.

Hanare resta médusée par le venin inattendu dans la voix du jeune homme. Elle était trop perspicace pour ne pas percevoir son regard fuyant qui évitait le sien et deviner qu'il cachait quelque chose sous cette façade hostile.

Elle lui jeta un coup d'œil aussi sombre que ses cheveux et posa ses mains sur ses hanches en une posture farouche.

— Quand je t'ai reconnu, je n'ai pas pu contenir mon plaisir d'avoir la chance d'être secouru, à deux reprises au cours de ma vie, par quelqu'un d'aussi honnête que toi. Ma joie s'est évanouie aussi rapidement qu'elle est apparue. Si seulement j'avais su que tu étais devenu un être aussi exécrable, je n'aurais pas perdu une seule seconde de mon temps à t'invoquer dans les nuages.

— Trouve toi quelqu'un de plus honorable à idolâtrer. Je n'ai rien de positif à t'apporter. Je ne suis pas quelqu'un de bien.

Ce fut la phrase de trop pour Hanare.

— Laisse-moi deviner.

Le ton de sa voix était calme et insondable. Loin d'amoindrir le poids de ses propos, cela ne la rendait que davantage intimidante.

— Tu as commis des erreurs qui ont causé des torts irréparables envers des gens que tu gardais près de ton cœur, torts qui ont façonné ta manière d'appréhender l'univers, te rendant froid, distant et scrupuleux. Tu as perdu des êtres chers et chaque perte a amené son lot de dur apprentissage, creusant le fossé entre toi et les autres. Tu passes trop de temps à pleurer tes morts que tu en oublies le monde des vivants et tu te perds sur le chemin de la vie! Tu évites tes amis par crainte de les affliger de tes ténèbres, sans réaliser que la noirceur provient de cette solitude même. Tu te caches derrière ce masque pour que personne ne voit ta tristesse ni ta honte, au point d'en perdre ta vraie identité.

Kakashi tressaillit. Elle le lisait comme un livre ouvert.

Elle s'était tant emportée dans sa tirade qu'elle ne sembla pas remarquer les morceaux de verre qui lui meurtrissaient la plante des pieds.

— Les émotions ne sont pas une faiblesse, Kakashi Hatake. Elles sont une force, une vraie belle force, pure et inépuisable. Il y a des moments où elles ne devraient pas être refoulées. Prends quelques secondes pour te demander si tu me serrais venu en aide si je n'avais pas pleuré, ce fameux jour, dans les plaines du Pays des Clés. Les émotions servent à ouvrir son âme aux autres et à s'entraider. Il y a des blessures que l'on ne peut guérir seul.

« Il ne faut pas me cacher tes blessures, tu sais. Je suis là pour veiller sur toi. »

Était-ce donc la réelle signification des paroles de Rin?

Le ninja aux cheveux d'argent pouvait sentir la vérité émaner des mots d'Hanare. Elle se préoccupait sincèrement de son bien-être et de celui des autres.

Ce qui ne rendait pas l'acceptation de sa philosophie plus facile pour le shinobi.

— Tu ne comprends pas. Je suis une malédiction pour mon entourage. À quiconque je m'attache, tous finissent morts ou blessés!

— C'est toi qui ne comprends rien! La seule personne que tu protège du deuil en t'éloignant des autres est ta propre personne! Paix méritée pour celui qui nous quitte, douleur infinie de celui qui reste.

Kakashi n'en pouvait plus du poids de la culpabilité. Il explosa.

— J'aurais pu te tuer, la cicatrice que tu portes à la hanche en est la preuve!

La jeune femme s'attendrit instantanément, comme si sa remontrance de l'instant précédent n'avait été qu'un rêve.

— Alors je suis contente que tu en sois le responsable, car j'aurai à tout jamais un souvenir inaltérable de toi. Une blessure n'est pas toujours quelque chose de négatif. Il s'agit parfois d'un carrefour que la vie nous offre pour se remettre en question et apprendre. J'espère que nous apprendrons beaucoup l'un de l'autre.

Le ninja de Konoha la dévisagea. Elle n'était plus la fillette en détresse qu'il avait un jour rencontré. Devant lui se tenait une femme forte, libre et confiante. Une femme qui ferait une différence dans le monde un jour, même s'il ne s'agissait que de son monde à lui.

Tant de chemins s'ouvraient devant lui. Pour l'instant, tous les choix qui lui étaient offerts existaient simultanément, mais les maintenir ouverts indéfiniment signifiait ne pas agir. Le plan de faire fuir Hanare de sa vie perdit soudain les couleurs de l'évidence quand d'autres possibles s'immiscèrent dans son cœur.

— Je vais te donner du temps pour réfléchir à ce que je t'ai dit. Il n'est pas trop tard pour réparer les pots cassés. Si tu changes d'avis, rejoins-moi demain à treize heures dans la cour intérieure pour ton expiation.

Cette dernière phrase, chuchotée d'une voix facétieuse entre les douces lèvres de la kunoichi, achevèrent d'ébranler les derniers piliers de sa volonté.

Alors qu'elle quittait sa chambre de manière aussi inattendue qu'elle y était entrée, un sourire perplexe se dessina derrière le masque de Kakashi.

Trouvait-elle réellement qu'il avait un fin menton coupé au couteau?