XIII - best friends.

196 15 9
                                    

- L'information doit être publique demain...

J'entre dans la cuisine alors que ma mère se tait pour laisser l'homme à l'autre bout du téléphone répondre. Elle a l'air pressée de finir ce coup de fil, probablement à cause des festivités de ce soir. Un gala entre vieux cons – riches, bien évidemment – auquel je suis conviée.

- Demain matin. C'est mon dernier mot.

Ma mère salue négligemment son interlocuteur avant de raccrocher et de se précipiter dans la salle à manger.

- Georges, j'ai oublié de vous dire de rajouter un couvert.

Ma mère a toujours voulu avoir un major d'homme s'appelant Georges, comme dans les vieux films. J'ai toujours trouvé ça ridicule. Je suis sûre qu'elle espère que sa vie ressemble à un conte de fées : de l'argent en veux-tu, en voilà, des femmes de ménage et des domestiques pour chacune des tâches quotidienne, des amis friqués et mielleux, des enfants hautement diplômés et intelligents...

Cependant, il y a toujours un petit canard noir dans un décor – presque – parfait. Et ici, il s'agit de moi.

- Qui as-tu invité de plus pour te cirer les chaussures, maman ?

Ma mère me lance le regard noir et haineux dont j'ai l'habitude. J'y ai droit plus souvent qu'à mon tour, depuis que je suis revenue.

- Pour ton prétendant, ma chérie.

Je ne sais pas ce qui me donne le plus la nausée. Devoir inviter mon prétendant ou le surnom affectif qu'elle m'a donné pour s'entraîner à avoir l'air tendre avec moi devant les invités.

***

Ma mère veut rencontrer Marcus ? Eh bien, elle va être bien déçue. La seule personne qu'elle verra ce soir sera Eden. Eden, mon merveilleux meilleur ami qui m'a avoué ses sentiments et que mes parents – ou plutôt ma mère et mon beau-père – détestent. L'ambiance sera au maximum ce soir.

Cependant, il faut d'abord que je prenne mon courage à deux mains pour appuyer sur cette sonnette. Car comme je viens de le rappeler, je dois d'abord m'expliquer sur les sentiments qu'Eden a envers moi.

J'ai plusieurs possibilités à ce moment-là. La première serait d'y aller cash. Je lui dis que je ne suis pas amoureuse de lui, mais qu'il restera toujours mon meilleur ami. Le problème est que je pourrais le perdre totalement.

La seconde serait de lui proposer de faire une balade et de le jeter dans le canal pour le noyer. Mais encore une fois, je risque de le perdre.

La dernière, et je suppose que c'est la meilleure, est l'improvisation et l'explication en douceur.

J'ai donc opté pour la dernière avant d'appuyer sur la sonnette, n'attendant que quelques secondes avant que la porte ne s'ouvre.

- Je ne suis pas en train de te jeter dans le canal.

Je ne sais pas ce qui était le plus gênant. Le fait d'avoir mélangé les trois possibilités ou d'avoir dit une imbécilité devant un homme d'une quarantaine d'année.

Je suppose que vous vouliez parler à Eden.

-  Euh... oui, ce serait préférable.

L'homme m'invite à entrer poliment et je finis par le suivre dans la salle à manger où une femme est assise, une assiette vide devant elle.

- Je suppose que vous devez être Ana. Mon fils m'a énormément parlé de vous.

- Oui, c'est bien moi.

Je n'avais jamais rencontré les parents d'Eden. En réalité, il ne m'en a jamais beaucoup parlé.

Il m'avait juste dit qu'après avoir refait sa terminale ici au Angleterre, ses parents avaient été profondément blessés de ne pas le voir revenir en France. Je me suis d'ailleurs sentie responsable de ce choix, parce que c'est moi qui lui avais demandé de rester, suite à l'accident de voiture.

Encore une fois, j'avais été égoïste, comme je le serai aujourd'hui.

Des pas se firent entendre du couloir à ma gauche et Eden apparut soudainement, nous découvrant tous en train de le regarder.

- Bonjour, mon ange.

Mon ange ? Depuis quand m'appelle-t-il comme ça ?

Autant le surnom qu'il venait d'employer était étrange, mais le fait qu'il soit venu jusqu'à moi pour déposer un chaste baiser sur mes lèvres, comme si la situation se produisait tous les jours, était carrément bizarre.

Pendant que ses parents se regardent émerveillés, mon meilleur ami –  ? – me fait les gros yeux, me faisant comprendre que je dois jouer le jeu au maximum.

- Il fallait que je te parle mais puisque tu es occupé avec tes parents, je vais vous laisser, mon cœur.

Je lui sors mon plus beau sourire hypocrite, lui faisant bien passer le message que c'était une fois mais pas deux.

- Vous ne dérangez absolument pas. Au contraire, nous aimerions en savoir davantage sur notre future belle-fille, déclare sa mère.

- J'aimerais beaucoup, mais ma mère organise un grand dîner ce soir et...

- Juste le temps du dessert, s'il vous plait, supplie son père.

J'ai finalement accepté, parce que je le dois bien à Eden. Il a tellement fait de choses pour moi et ce serait égoïste de ma part de le laisser baigner tout seul dans ses mensonges.

- On peut aller parler juste quelques secondes dans la cuisine, bébé ?

Mon dieu, ça ne me ressemble tellement pas. Et ce n'est pas à lui que je m'étais imaginé servir ces mots-là un jour.

Nous quittons la salle à manger pour nous rendre dans la cuisine sous les yeux émerveillés des deux parents d'Eden. C'est sûr que ce n'est pas tous les jours qu'on rencontre sa future belle-fille.

- Je peux savoir ce que tu leur as raconté ? ma voix est sèche.

- Ça ne va quand même pas te tuer de faire la comédie pendant quelques minutes. Tu l'as tellement fait auparavant que ça ne devrait pas te causer de problèmes.

Je manque de lui mettre une gifle – une qu'il aurait déjà dû recevoir quand il a informé ma mère de mon sublime métier.

Je déteste les personnes qui rabattent les erreurs des autres dans une dispute. Un peu comme Marcus.

Ma foutue conscience me crie soudainement que le mancunien aurait déjà été pardonné de l'avoir fait, lui.

- Peut-être, mais je ne devrais pas avoir à jouer ce genre de scène avec tes parents.

- Ah oui, parce que tu es amoureuse de Marcus, pas de moi.

- Effectivement, je ne suis pas amoureuse de toi, Eden. Mais tu te trompes au sujet de Marcus.

- C'est que tu te voiles la face, dans ce cas.

***

𝙴𝚂𝙲𝙾𝚁𝚃 / 𝒥𝑒𝓈𝓈 𝐿𝒾𝓃𝑔𝒶𝓇𝒹Where stories live. Discover now