Tome II - I. depression

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Elle se laisse glisser lentement. Est-ce qu'elle espère le fond ? Elle n'en sait rien, elle sait juste qu'elle manque d'énergie, que son esprit est engourdi, bourbeux, et que son être se confine.

Elle se laisse glisser. Elle ne sait plus comment s'habiller, tout est gris. Elle laisse la maison tomber en lambeaux, plus personne ne vient déambuler dans les couloirs de sa vie.

Il ne veut voir personne. Est-ce pour elle un compliment ? Est-elle son unique complément ?

Elle se laisse glisser, de son corps, elle doute à présent. Qui voudrait l'aimer encore ? Pour ne pas les briser eux, elle plie et se replie. Elle se crée en creux.

Elle se laisse glisser, son cœur s'est dégonflé. Il n'y a pas si longtemps, il s'était remis à vibrer comme un tambour d'enfant, s'illuminer comme un feu follet, se soulever telle une brise joyeuse.

Elle s'était laissée attirer, par les mots enjoués, elle s'était laissée consumer, mais elle a renoncé et la musique s'est éloignée, désabusée, une musique de forain, la laissant comme pluie, désolée.

Elle se laisse couler, sans savoir où ni quand, le fond. Parfois, elle frémit encore au silence des mots qu'elle invente ou qu'elle assemble.

Elle sent un élan nouveau, c'est peut-être une illusion, juste un jeu d'esprit, elle croit qu'elle n'est pas vide, pas encore, pas tout à fait.

Et quand l'ultime porte se refermera ? Et si l'horizon se mure à jamais, si la source se tarit, pourra-t-elle encore voyager dans cet infiniment insignifiant ?

Comme un appel, un vertige auquel on ne résiste pas, elle se laisse couler. Et quand les mots ne perceront plus, ni dehors ni dedans, elle ne sentira plus de vibration. Allongée, elle laissera son âme voguer au large.

- Maïa ?

Il s'était remis à l'appeler par le nom sous lequel il l'avait connu. Son nom d'escort-girl.

Elle ne répondit pas. Depuis son retour de l'hôpital, elle n'avait pas lâché un mot. Elle se contentait d'avoir le regard vide et de faire de brefs signes de tête à Marcus, lequel commençait à avoir du mal à supporter ce comportement.

Lui aussi avait souffert. Lui aussi avait du mal à dormir la nuit et à se lever chaque matin, mais il ne s'empêchait pas de le faire.

- Maïa s'il te plaît, réponds-moi.

Elle tourna la tête vers lui, une larme au coin de l'oeil. Il n'en pouvait plus. Il ne pouvait plus la voir comme ça, se laisser aller, se laisser mourir.

- Maïa.

Il avait presque crié, ce qui avait fait sursauter la jeune femme.

- Excuse-moi, avait-il aussitôt ajouté en se rapprochant d'elle. Je voulais pas être agressif. Mais comprends moi Maïa... Ça fait une semaine que tu es rentrée de l'hôpital et tu ne m'as pas adressée un seul mot depuis. Je sais que tu as souffert, que tu souffres encore aujourd'hui et que ça ne va pas s'arrêter de si tôt, mais tu n'es pas la seule.

Anastasia avait ouvert la bouche et l'avait aussitôt refermée en entendant la sonnette de la porte d'entrée retentir.

- Parle moi.

La sonnette émit un second bruit, plus long que le premier, comme si la personne qui attendait à l'extérieur s'impatientait.

Marcus soupira et se releva avant de se diriger vers la porte d'entrée, sous le regard attentif de la jeune fille, qui se demandait qui pouvait bien venir les « déranger » en pleine semaine.

Elle tendit l'oreille afin d'entendre la conversation qu'entretenait Marcus avec le visiteur inconnu. Malheureusement, elle arrivait seulement à entendre la voix du mancunien.

- Oui elle est là. (...) Je ne pense pas que ce soit le bon moment, ni qu'elle ait vraiment envie de te voir.

Il ne lui fallut pas longtemps pour savoir de qui il s'agissait. Jesse, bien évidemment.

Il était venu plusieurs fois la voir à l'hôpital. Elle s'en souvenait, même si elle était dans le coma, elle l'entendait lui parler tous les matins, avant que Marcus arrive, pour éviter de le croiser.

Elle savait bien que la relation entre les deux « meilleurs amis » s'était clairement dégradée pendant son séjour à l'hôpital, mais elle ne savait absolument pas pourquoi.

- Arrête Jesse je te dis que c'est pas le moment. Rentre chez toi, Jena doit t'attendre.

Jena... Anastasia avait presque réussi à oublier son existence.

Elle crevait d'envie de se lever et d'aller parler à Jesse, de lui dire à quel point elle lui en voulait qu'il ne soit pas revenu la voir après son réveil.

Mais d'un autre côté, elle n'était pas en état, elle le savait. Et Marcus aussi.

- Oui c'est ça, je lui dirais que t'es passé.

La porte d'entrée claqua durement, ce qui fit sursauter la jeune femme.

Le mancunien revint quelques secondes plus tard dans le salon et son regard s'adoucit dès qu'il posa ses yeux sur Anastasia.

- Merci Marcus, chuchota-t-elle simplement.

𝙴𝚂𝙲𝙾𝚁𝚃 / 𝒥𝑒𝓈𝓈 𝐿𝒾𝓃𝑔𝒶𝓇𝒹Where stories live. Discover now