Textos #8

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[ Angel a eu son accident. ]

« Bonsoir Raquel. J'ai apprit pour votre ami. Je suis profondément désolé. »

Il attendit un peu. Encore un peu. Quelques minutes de plus. Et en renvoya un.

« Écoutez. Je dis ça pour votre bien. Lâchez cette affaire. Reposez vous. »

Et toujours ce silence agaçant. Il n'en dormait pas. Il avait entendu les messages. Les derniers mots, le crissement des pneus. Il s'était crispé sur sa chaise de bureau, les yeux écarquillés par la violence du choc sonore.

Il commença à écrire un message.
Qu'est ce que je

Mais deux vibrations le coupèrent. Ses doigts agrippèrent une seconde le téléphone devant la dureté des mots en face.

- Est-ce que c'est vous ?

Il remonta ses lunettes, perplexe. Nerveux. Agité. Mal a l'aise. Non, ça n'était pas lui. Mais il avait été voyeur, ça c'était indéniable. Responsable de son alcoolémie peut-être.

« Non. Non, Raquel. Je n'ai rien à voir avec ça. »

Il aurait du s'en tenir là. Mais les mots semblaient sortir tout seul du téléphone.
« Je n'aurais jamais fait une chose pareille. »

Il devrait s'arrêter.

« Ni à lui ni à vous. Je ne veux pas de mort. »

Il avait l'impression de l'entendre pleurer à travers le téléphone. Ou pas. Cette incertitude le tuait.

« Raquel. Inspectrice. Je vous promet, vous avez ma parole. Je n'ai rien fait. »

Il avait besoin qu'elle le croit. Et la réponse arriva.

- Je vous crois.

« Vous pleurez. »

- Pourquoi, il y en a dans ma chambre, des micros ?

Une vague part de lui se sentit coupable.

« Non. Bien sûr que non. »

- Allez vous faire foutre.

Il fronça les sourcils.

« Inspectrice. Calmez-vous. Vous êtes ridicule. »

C'était hautain : mais face à cette soudaine agressivité, il ne savait pas réagir autrement.

Son téléphone vibra. Plus de deux fois.
Et il se rendit compte que la femme qu'il venait plus ou moins d'insulter était en train de l'appeler.

Il laissa vibrer une fois. Deux fois. Trois fois. Quatre fois.

Le numéro qu'il n'avait même pas nommé, lui paraissait immense. Bien sûr, il avait un modificateur de voix, bien sûr, ce téléphone était protégé. Mais.

Mais lui, lui avait prévu d'appeler. À un certain moment, après une certaine conversation, pour la surprendre.

Il décrocha à la cinquième sonnerie.
Posa le téléphone contre son oreille, sans un mot.
Ça n'était pas comme sous la tente. Il n'y avait pas de publique, pas de gagnant, pas de perdant. Juste le silence, que l'inspectrice brisa en premier.

Et il entendit sa voix.

« Redites moi en face que je suis ridicule. »

Il resta silencieux. Ça n'était pas la même voix que sous la tente.

« Allez-y, Professeur. Vous n'avez pas entendu ? Redites moi en face que je suis ridicule. »

Le silence de l'entrepôt lui parut immense. Des réponses de formaient dans son esprit. Mais ne sortait pas.

« D'accord. Essayons autre chose. Êtes vous impliqué dans l'accident du

« Non. »

Il la coupa en pleine phrase. Peu importait.
Le silence se fit au bout du fils. Un silence gros, lourd, sec.

« Non, Inspectrice. Croyez-moi. Croyez-moi. Je n'y suis pour rien. Je n'aurais jamais fait de mal à votre ami. »

Le silence lui répondit.
Elle devait le croire.
C'était impératif.

« Inspectrice. Raquel. Est-ce que vous me croyiez. »

Un silence. Quelque chose qui sonna comme un sanglot.

« Inspectrice ? »

Une inspiration, à laquelle il s'accrocha.

« Je vous crois. »

Il détesta être assez malin pour entendre les sanglots dans sa voix. Mais avant qu'il ne puisse dire un mot, un long bip répétitif remplit le hangar.

Elle avait raccroché.

De vous à moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant