Elle était seule, il faisait froid et nuit. Cette même rue qui tous les jours était pleine de vie, de rire et de discussions était silencieuse et tellement sinistre qu'on aurait dit deux rues différentes, l'une menant au paradis et l'autre directement en enfer.
Et pourtant elle n'avait pas peur, elle etait déjà rentrée tard des milliers de fois et à chaque fois elle a dû passer par là car sa maison est juste au bout, elle en connaît tous les recoins, toutes les ruelles, toutes les impasses, elle a passé toute sa vie ici et connaît tout le monde, ensemble ils forment une grande famille et s'entraident quoi qu'il arrive. Cette rue aussi effrayante qu'elle puisse paraître la nuit lui a toujours inspiré confiance, c'est fou mais elle pensait que si un jour il devait lui arriver malheur les murs se refermeraient sur elle et la protégeraient et grâce à ça elle s'est toujours sentie protégée, en sécurité.
Elle ne pensait pas que ça allait être différent, pourquoi ça le serait d'abord?? Au même endroit, à la même heure et dans les mêmes conditions les mêmes choses ne sont-elles pas censées se produire?? C'est-à-dire une rentrée saine.
Mais elle se fit agresser et complètement tabasser, on tenta même de la violer, on lui déchira ses vêtements, lui cracha au visage et le bouquet final fut le coup au crâne qui l'assoma juste avant qu'ils déguerpissent allarmés par l'arrivée de quelques gens réveillés sûrement par le vacarme des coups retentissants.
Après un charmant séjour à l'hôpital, le bilan est tel: Deux côtes petées, une dent cassée, la cuisse droite fendue sûrement résultat de son refus d'ouvrir les jambes, de nombreux bleus, éraflures et surtout le moral brisé, la peur au ventre.
Elle était enragée, elle se demandait pourquoi on s'en était pris à elle, est-ce qu'ils avaient un profil précis et qu'elle y correspondait ou bien c'était par hasard??! Ce quartier qui l'a vu grandir est désormais son lieu de tourment, elle ne sortait plus, elle avait peur de tout, de tout le monde et surtout elle détestait ces putains de murs, elle qui croyait qu'ils seraient toujours là pour la protéger, et pourtant ils étaient aux premières loges et n'ont rien fait, au contraire ils l'ont tenue alors que ces gens cagoulés la tabassait et déchirait son soutif en commentant la rondeur de ses seins de salope.
Désormais elle se sentait sale, impure et s'auto détestait alors que tout au fond dans sa tête il y'a une voix qui lui disait que ce n'était en rien sa faute, elle se souvient qu'elle avait froid ce soir là, peut-être qu'elle n'était pas assez habillée?? Tout motif était bon pour trouver en quoi elle avait merdé parce que certaines fois on pense se sentir mieux quand on sait pourquoi certaines choses nous sont arrivées alors on est même prêt à créer des raisons.
Elle n'arrête pas de se remémorer tous ces coups les uns plus douloureux que les autres, toutes ces insultes les unes plus blessantes que les autres et elle se voit au sol les vêtements déchirés et tous ces prédateurs autour, elle a été sauvé par le gong, mais peut-on vraiment appeler ça se faire sauver?? Violée?? Non!
Humiliée, tabassée, injuriée, détruite??? Oui!!Ce quartier n'était désormais plus le sien, cette rue n'avait plus aucune joie à ses yeux même pendant les journées, et pourtant la vie continuait comme si de rien n'était.
Cette rue qui l'a vue grandir l'a trahie, c'est pareil pour les gens. Comment faire confiance à nouveau alors que ses agresseurs étaient cagoulés??? Qui lui dit que l'un d'eux n'est pas cette personne qui lui souriait pendant la matinée??
Elle n'arrive plus à dormir la nuit, fait des cauchemars dès qu'elle ferme les yeux, elle a des sautes d'humeurs et est exécrable mais qui peut lui en vouloir???
Elle voit un médecin qui lui assure qu'elle finira par aller bien et malgré ses doutes elle veut bien y croire mais aujourd'hui encore elle est au stade où elle se demande où sera-t-elle en sécurité si même dans cette rue qu'elle chérissait elle ne le pouvait? Elle est horrifiée en sachant que la réponse est Nulle Part.