2 : Miroir, Verrou (2019)

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Ici Gus et Edurne ont 21 ans.

TW : anxiété

Malgré les tremblements de son corps et le rythme irrégulier de ses inspirations, le jeune homme réussit à fermer la porte de la salle de bain sans un bruit, à part le petit clic caractéristique du verrou. Il se sentait déjà mal, et il n'avait pas envie de se rajouter de la culpabilité en réveillant la personne dormant dans le lit de la pièce d'à côté. Une fois enfermé, il laissa l'attaque d'anxiété le ronger complètement. Glissant le long du mur jusqu'au sol en se retenant à peine au lavabo, il mit son visage dans ses mains, le cœur s'affolant de plus en plus. Ça allait passer. Il avait l'habitude. Il arriva à garder un peu d'optimisme pendant quelques secondes, mais les derniers lambeaux de celui-ci s'évanouirent quand des bribes de souvenirs agressifs remplacèrent le décor de la salle de bain dans son champ de vision.

Ce ne fut que plusieurs dizaines de minutes plus tard qu'il eut enfin la force de se relever, s'appuyant lourdement - enfin, autant que ça pouvait l'être vu son faible poids - pour se mettre debout. Fixant d'abord ses mains noueuses qui ne cessaient de tressauter, il leva ensuite ses iris noirs vers le miroir en face de lui. Le brun était trop grand pour se voir entièrement, mais il apercevait tout de même chaque petite tension sur son visage, déjà creusé sous ses yeux par des cernes et au niveau des joues par sa maigreur. Rien qu'il ne connaissait pas déjà. Et pourtant il avait ce besoin de re-découvrir son visage après chaque crise de panique. S'assurer que tout était bien là et que physiquement, il n'avait rien.

Il se mit de l'eau froide sur le visage, évitant de plonger la tête dans l'eau pour ne pas faire remonter de mauvais souvenirs, et pour se réveiller un peu plus. Il n'arriverait jamais à se rendormir avant que le réveil sonne ; il était déjà 4h et il devait être prêt à partir à 7h. Il n'avait plus qu'à faire en sorte de rester silencieux pour qu'Edurne passe une nuit tranquille. C'est en voyant le rai de lumière qui s'échappait de sous la porte qu'il se rendit compte qu'il avait probablement failli à la tâche. Il s'essuya avant d'ouvrir l'accès à la pièce. Elle attendait juste devant la salle de bain, se frottant les yeux et ébouriffant encore plus ses cheveux châtains déjà en désordre.

"Désolé.
- Je m'en remettrai... Ça va ?"

Elle lui parlait d'une voix endormie mais dans laquelle pointait de l'inquiétude. Il se sentit coupable de la préoccuper à cause de ses problèmes personnels, tout en ayant l'impression d'être privilégié quand il vit qu'elle lui souriait malgré tout. Elle avait la main légèrement avancée vers lui, sous-entendant que s'il voulait un contact, elle était là. Qu'avait-il fait pour la mériter ? Le brun entremêla leurs doigts avec douceur en répondant d'une voix presque inaudible :

"Ça va mieux.
- Sûr ? insista-t-elle, étant plus que consciente qu'il avait tendance à mentir bien vite à ce sujet.
- Est-ce que j'ai l'air si mal que ça ?
- Non- n'essaye pas de changer de sujet ! s'exclama la jeune femme d'un ton affligé malgré son air amusé. Non, t'inquiète pas, tu as toujours l'air aussi fatigué que d'habitude.
- Merci."

Il ne se dérida pas, mais son visage se détendit ; les commissures de ses lèvres se relevèrent légèrement et il eut un air moins strict. Il se laissa entraîner par Edurne, qui baillait malgré son pas vif et dynamique, sans pouvoir vraiment résister non plus ; elle arrêterait si elle sentait qu'il ne voulait pas être tiré, mais elle avait aussi probablement le double de sa propre masse musculaire. Elle l'emmena dans leur petite chambre avant de s'asseoir sur le lit en laissant glisser la main du brun.

"Allez. Viens. Même si tu n'arrives pas à te rendormir... C'est mieux que de rester debout tout seul.
- Je... suppose.
- J'ai toujours raison."

Il ne discuta pas plus longtemps et la rejoignit, tous deux allongés sur la couette malgré les températures glacées à l'extérieur. Il se laissa aussi faire quand elle l'enserra peu à peu, qu'il se retrouva la tête contre l'épaule d'Edurne, ses cheveux de jais s'étalant un peu partout, et qu'il sentit la respiration régulière de la jeune femme faire bouger imperceptiblement certaines de ses mèches. Ce n'était pas la première fois qu'ils se retrouvaient dans cette position, mais il en retirait à chaque fois un certain bien-être. Elle émanait chaleur et tendresse. Il ne se plaignait pas.

"Tu vois que c'est pas si mal !
- Tu as toujours raison. Tu l'as dit toi-même.
- Héhé. Bon, par contre, ce serait dommage de rater le début des cours, fit-elle en prenant son téléphone pour vérifier qu'elle avait bien mis un réveil."

Edurne reposa ensuite celui-ci sans grande délicatesse, avant de baisser les yeux vers Gus. Il avait l'air vraiment vulnérable ; en même temps, il l'était. Elle savait que ce n'était pas sa responsabilité de faire en sorte qu'il se sente mieux mais elle ne pouvait s'empêcher de faire des efforts en ce qui le concernait. Après tout, sans lui elle mangerait certainement des plats surgelés tous les jours à côté d'un évier rempli de vaisselle sale, et il était étonnamment doué pour la motiver pour les cours. Et puis, elle voyait bien que plus les mois passaient, mieux il se portait. L'évolution était lente, mais elle était là. Elle savait que c'était en grande partie grâce à elle, et elle était surtout pleine d'espoir par rapport à leur avenir. Tout allait bien se passer.

Est-ce qu'elle a raison de penser ça ? Bonne question.

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