Notevember 2019 et autres

4 : Encre, Précision, Choix (2019)

Ici Gus a 18 ans et Mawin ? Bonne question
Mawin appartient encore une fois à TheeAngora

TW : mention d'abus

Dans la pièce ne flottaient que des bruits doux et humides, de l'encre s'étalant sur une feuille soyeuse au pinceau se chargeant de la transformer en écriture en un mouvement du poignet. Pas une seule parole. Les deux hommes ne se regardaient même pas, trop concentrés sur le résultat de leurs efforts. Ils faisaient de la calligraphie, sans but particulier, du moins du côté de Gus. L'idée d'écrire ensemble sans échanger une phrase pouvait paraître surprenante, mais ils n'étaient pas les personnes les plus bavardes du monde. Un moment de calme leur convenait donc parfaitement pour nouer des liens entre eux.

Le plus jeune n'avait pas vraiment réfléchi sur son sujet avant de venir, et il s'était lancé sans vraiment penser, pour une fois. De l'hébreu. Il savait le comprendre, mais l'écrire était moins aisé. Même si les relations avec sa famille étaient extrêmement compliquées, sa culture était probablement la seule chose positive qu'il en ressortait. Une des seules choses qui l'avaient sauvé. Et au moins, le résultat était... plaisant. Il était loin d'être un professionnel comme l'homme aux yeux verts en face de lui, mais le rendu final aurait pu être pire.

Il releva la tête, jusque là courbé au dessus de la feuille blanche, et observa les gestes remplis de précision de Mawin. Il n'essayait pas de se faire discret, mais baissa le regard dès qu'il croisa celui de l'homme. Il se sentit coupable très vite ; il devait beaucoup aux parents d'Edurne, et il n'arrivait même pas à leur montrer une once de respect. Ils le logeaient sans rien de demander en retour depuis qu'il... depuis quelques semaines. Ils le nourrissaient. Ils étaient agréable absolument à chaque fois qu'ils lui parlaient. Et il essayait de leur rendre la pareille - bien qu'étant conscient qu'il ne pourrait jamais complètement repayer leur bonté - mais il était terriblement mauvais dès qu'il s'agissait de contact humain.

Alors il se faisait discret. C'était la solution de facilité, il le savait ; c'était ce qu'il avait fait toute sa vie, parler le moins possible pour ne pas attiser les colères. Ils le détestaient probablement, et ils avaient raison, mais le couple était assez aimable pour le traiter avec gentillesse malgré tout. Et Gus allait finir par devoir faire un choix : soit s'ouvrir un peu, soit rester un inconnu auprès des parents de la personne la plus proche de lui. Mais il n'était pas prêt. Vraiment pas. Pas aussi tôt. Il avait encore trop de mal à saisir seul l'ampleur de la situation ; en sortir après des années avait donné l'impression d'une claque, criante de vérité, mais brûlante tout de même. Sa mère était une personne terrible.

Et pourtant, alors qu'il s'éloignait d'elle, il se sentait de plus en plus mal. Il aurait dû être soulagé. Il ne l'était pas. Les souvenirs revenaient à l'attaque de façon encore plus violente que ne l'étaient les coups. La simple mention du mot "mère" le faisait tressaillir. Il avait envie de vomir dès qu'il voyait son propre corps, durement marqué par les années avec elle ; dès qu'il voyait son visage, il était face à elle. Elle ne le quittait pas. Et il avait envie de hurler. Mawin dût le remarquer, car sa voix brisa net le train de pensées du jeune homme, voyant que celui-ci fixait le vide depuis plusieurs minutes maintenant :

"Tout va bien ?
- Oui. Tout va bien."

Morale de l'histoire : aller voir un psy c'est bien