8 : Captivité, Attente, Solitude (2019)

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Ici Gus a ~10 ans.

TW : abus physique et psychologique, un peu de description à moitié gore

"Reste ici. Si tu essayes de t'échapper..."

Elle n'eut pas besoin de finir la phrase. Tous deux savaient très bien qu'elles seraient les conséquences d'une tentative de fuite. Elle lâcha un dernier regard froid à son fils, au sol, et ferma la porte du placard à clef. Pendant quelques instants, il resta immobile, dans la position dans laquelle il était tombé après avoir été poussé à l'intérieur de la petite pièce. Puis il releva la tête en retenant un gémissement de douleur. Celle-ci surpassait toutes les autres sensations de son corps. Poussant son corps vers le haut grâce des bras frêles, même pour un enfant, il se mordit l'intérieur de la joue, comme il avait l'habitude de le faire pour étouffer son corps quand celui-ci voulait exprimer son mal-être de façon vocale.

Une fois assis, il tenta de garder la tête droite malgré la douleur qui fusait de sa tempe qui saignait. Elle l'avait frappé plusieurs fois de ses pieds, car il avait osé faire du bruit quand elle lui infligeait des coups de ceinture. Ceux-ci, il pouvait encore les sentir s'abattre sur son dos et laissant des traces cuisantes. Ils avaient rouvert des plaies récentes et creusé de nouvelles blessures ; son dos n'était plus une surface plane depuis longtemps. Au contraire, il s'y trouvaient des sillons épais, irréguliers, qui n'avaient visiblement pas bien guéri. En voyant la masse de chair purulente et sanglante qu'étaient les résultats des coups, on ne pouvait s'en étonner. Il sentait le mélange entre la pus et l'hémoglobine dans son dos, et s'il n'avait pas aussi mal, il en aurait frissonné de dégoût. Mais que pouvait-il y faire ? Il n'avait même pas de t-shirt pour l'essuyer, et encore moins de désinfectant.

Il savait que les cicatrices n'étaient pas laides de façon inhérente. Mais les siennes l'étaient terriblement. Ce n'était plus un dos, c'était un relief de tissu cicatriciel pour lequel sa mère n'avait aucune pitié. Elle prenait d'ailleurs sûrement un grand plaisir à le laisser pourrir plusieurs heures en captivité, alors que la chair était à l'air libre. Il ne savait pas exactement combien de temps il allait passer ici, et n'aurait aucun moyen d'avoir l'heure. C'était les moments où l'attente était la plus dure. Devoir rester éveillé à cause de la brûlure de la ceinture. Devoir se plier en deux car il rentrait à peine dans le placard à balai. Devoir faire attention à tout pour ne pas laisser de traces sur les objets l'entourant. Et la solitude.

Cela faisait un mois que sa vie se résumait à ça, et qu'elle lui rappelait à quel point il détestait l'été. Il n'était pas sorti. Il n'avait pas vu Edurne... C'était juste sa mère et lui. Son père était encore en déplacement pour au moins deux semaines. A quoi servirait-il, de toute façon ? Le garçon le connaissait à peine. Et bien que moins violent que sa femme, l'homme n'hésitait pas à lui infliger des gifles, cuisantes du fait de sa force et de sa taille. Dont Gus n'avait vraiment pas hérité. Il était faible, maigre et plus petit que la plupart de ses camarades. Et cette opinion n'était que renforcée par la façon dont il s'était à peu près allongé, gisant sur le côté, le dos toujours humide. Pitoyable.

Des minutes interminables s'écoulaient alors que la douleur ne faiblissait pas. Il en tremblait presque, mais pas une fois il n'eut envie de pleurer. Ses yeux étaient totalement secs, fixant la petite fente sous la porte qui lui indiquerait si le soleil se réveillait. C'était son seul repère dans le temps, ça et le tic-tac redondant d'une horloge dans la cuisine, sur lequel il essayait de se concentrer pour oublier ses blessures, sans succès. Combien de temps encore ? Combien de fois ? Il lui semblait que les raclées ne finiraient jamais. Il lui restait encore plus d'un mois de séquestration avant de retourner en cours pour ne se faire frapper que le soir.

Mais il ne pouvait pas se plaindre. Ce serait être égoïste. Nombreux étaient ceux dont la vie était bien plus dure, et au moins, il avait un toit, et de la nourriture assez régulièrement pour survivre. Il ne pouvait pas se plaindre. Alors il restait silencieux, ravalait tout cela et allait à l'école comme si de rien n'était. Méritait-il vraiment de l'aide, de toute façon ? Sa mère ne pouvait pas le frapper sans raison. Il y avait forcément une explication, et il ne doutait pas qu'elle était enracinée dans sa manière de vivre, de parler ou de penser. Alors, il se faisait discret et ne parlait que si on lui demandait, exécutait les ordres et prenait les coups sans se défendre.

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