16 : Plaie, Panique, Peine (2019)

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Ici Gus a 11-12 ans

TW : abus physique et psychologique

Les mains dans la mousse, il essayait de faire la vaisselle efficacement alors qu'il voyait trouble, et malgré tous ses efforts, sa tête dodelinait. Sa mère ne l'avait pas laissé se reposer. Et quand le silence fut brisé par ce qui semblait être un vacarme assourdissant, le jeune garçon mit quelques instants à réaliser que celui-ci venait d'une assiette tombée au sol, et maintenant brisée en plusieurs morceaux. Et alors il se figea, le regard rivé au sol, sans même cligner des yeux. Et quand elle s'approcha d'un pas furieux, il se liquéfia. Ses yeux fuyèrent et ses mains tremblèrent.

"Une assiette brisée. Te rends-tu compte à quel point tu es incapable ?"

Gus n'arrivait pas à relever la tête, mais répondit en la secouant. Oui, oui. Je suis incapable. Il ne le vit pas, mais les yeux gris d'Anne s'assombrirent et elle l'attrapa par le bras en tirant.

"Réponds moi quand je te parle.
- Je suis désolé, fit-il d'une voix tremblante.
- Ce n'est pas assez. Je n'aurais jamais dû avoir d'enfant. Tu n'es qu'un poids. Mais au moins tu le sais.
- Désolé..."

Il balbutia, et elle n'apprécia pas. Sa main vola contre la joue de son fils, lui infligeant une gifle sèche et brutale. Il tourna la tête et baissa le regard, sans tenter de se défendre ni demander à la femme brune d'arrêter. C'était inutile, il le savait. Il risquait juste de se prendre une rafale de coups en plus. Celle-ci arriva néanmoins, et après plusieurs frappes d'affilée lui coupant la respiration, il ne put retenir un gémissement de panique.

Elle s'arrêta quelques instants, puis agrippa ses cheveux sombres d'une main et tira sa tête en arrière pour le fixer dans un silence glacial. L'instant parut sans fin, alors qu'elle semblait décider quelle serait sa punition, la mâchoire serrée. Plus il voyait les sourcils froncés de sa mère, plus il sentait toute force le quitter. Il était honnêtement terrorisé, et ne pouvait balayer l'idée qu'il finirait par mourir sous les poings de la femme un soir. Après un moment douloureusement long, elle le laissa tomber au sol et se pencha vers les éclats de céramique.

"Je croyais avoir été claire. Pas un bruit."

En apercevant le bout d'assiette briller au dessus de lui, il perdit toute contenance et lâcha seulement quelques mots, incompréhensibles mais définitivement suppliants, avant que la main ne s'abatte de nouveau. Sa mère avait bien réussi son coup. La douleur était aiguë et persistante ; ainsi elle continua à faire tomber plus bas que terre son fils, qui aurait fait de la peine à n'importe qui dans son état, mais pas à elle. Il n'arrivait pas à en voir le bout, prenant des inspirations hachées, quand une sonnerie de téléphone retentit. Tout s'arrêta soudainement, et elle se releva pour s'éloigner, comme s'il n'existait plus.

Elle décrocha avec une voix joyeuse, tout en tenant un bout d'assiette brisée dans la main, du sang sur les doigts. Alors qu'il essayait de se relever un peu, tremblant, il crut reconnaître la voix de sa tante, demandant comment allait la famille. Elle va très bien, et vous ? Une fois que le jeune garçon fut debout, se tenant au mur, il rebaissa honteusement son haut pour cacher les plaies qui s'y trouvaient. Personne ne devait savoir. Et même si aucune paire d'yeux ne l'observait, il se sentait à nu. Retenant sa respiration pour ne pas déranger la femme au téléphone, il resta immobile, alors que le sang s'épanchait sur le vêtement, attendant des ordres de la part de sa mère.

Après une discussion vive et agréable, tranchant singulièrement avec la dureté de son visage, elle reposa le téléphone et braqua ses yeux sur l'enfant, crispé. Le liquide gouttant sur le carrelage attira son attention. Évidemment, ce n'était pas car elle était inquiète. Tout en marchant vers le blessé, elle reprit la parole :

"Nettoie-moi ça. Et finis la vaisselle.
- O... Oui."

La femme lui fourra un torchon entre les mains, et quand elle disparut, il s'autorisa un soupir de soulagement. Il avait cru au pire quand elle l'avait fixé. Mais il devait seulement s'occuper des travaux ménagers, ce qui ne le changeait pas vraiment de d'habitude. Ignorant son dos meurtri, il essuya le sang sans un mot, presque heureux du dénouement de la soirée. Il avait eu de la chance. Beaucoup de chance. Et il ferait de son mieux pour que cela continue.

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