Ils ont 25 et 26 ans
TW : idk.. Probablement aucunEdurne marmonna en se retournant de nouveau pour être dans la position la plus confortable possible malgré son ventre. Elle n'arrivait même plus à se reposer et avait lutté pour finir son déjeuner. Gus se désintéressa du texte ancien qu'il lisait pour l'observer. Il travaillait dans le lit à ses côtés, mais elle savait aussi bien que lui qu'il ne pouvait pas faire grand-chose de plus pour l'aider. Après une énième tentative de sieste, elle abandonna et garda les yeux ouverts en posant une de ses mains sur lui.
"J'arrive pas à dormir...
- Je vois ça... Je ne vois pas trop comment t'aider. Peut-être que ce que je suis en train de lire t'ennuierait jusqu'au sommeil.
- A ce point ? C'est si ennuyeux que ça ?
- Je trouve ça passionnant. Toi, sauf si le droit rabbinique au dix-huitième siècle t'intéresse...
- J'avoue que c'est pas mon sujet de prédilection... C'est pour la thèse ?
- Oui. Mais même si le texte est remarquable, je ne suis pas sûr de l'utiliser au final...
- Oh... Tu penses que tu auras fini de l'écrire avant qu'Eshee aie dix ans ? demanda-t-elle avec un sourcil levé.
- Une attaque sans fondement, répliqua Gus d'une voix amusée, posant son travail sur le côté pour croiser les bras puisqu'elle semblait vouloir discuter. Oui, probablement. C'est même sûr. Avant ses cinq ans, par contre... exagéra-t-il légèrement.
- Eh bien... J'ai hâte qu'elle sorte en tout cas. Je veux voir à quoi elle ressemble ! J'espère qu'elle sera grande comme toi...
- Hm. Grande, d'accord. Comme moi, je n'espère pas...
- J'aimerais bien être grande moi...
- Il y a des inconvénients... On me regarde déjà dans la rue et je suis un homme. Pour une femme, je n'imagine pas...
- C'est vrai... Tant qu'elle est un peu grande alors. Un mètre quatre-vingt ça doit être bien...
- Sûrement. Je ne m'en souviens pas vraiment. J'ai eu l'impression de gagner trente centimètres en une semaine.
- C'était un peu mon impression aussi... Ça a pas dû aider les problèmes de dos.
- Un autre inconvénient à ajouter à la liste.
- Après si ça se trouve ça vient d'autre chose. Ta posture ou... commença Edurne, préférant au final ne pas en dire plus. Si seulement les médecins existaient pour que tu ailles leur demander.
- Si seulement, répondit-il vaguement."Elle ne protesta pas. Ce n'était pas la peine, aucun d'entre eux deux ne céderait, et elle pouvait comprendre son appréhension sur le sujet même si cela l'inquiétait. Elle souffla en se redressant légèrement après une contraction. La naissance ne pourrait pas arriver trop tôt, elle était à bout et avait épuisé quasiment tout son courage.
"Enfin bon, reprit-elle. Ce à quoi elle va ressembler, ce n'est pas très important. Elle sera parfaite de toute façon.
- Je n'en doute pas.
- ... Même si... je pense qu'elle te ressemblera.
- Ça... Nous verrons bientôt.
- J'aimerais bien qu'on puisse déjà lui parler...
- Mais tu lui parles déjà de temps en temps...
- C'est vrai... Toi non par contre.
- Je ne suis pas certain qu'elle puisse m'entendre ou me comprendre... Mais je peux essayer.
- Tu ne t'imagines vraiment pas qu'il y a une chance ? Tu crois bien en un dieu après tout.
- Ah bon ?"Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais Gus s'était déjà penché pour parler en ce qu'elle supposait être de l'hébreu près de son ventre. Aucun mot ne lui était familier car elle n'avait réussi à retenir que des expressions en arabe, mais il parlait doucement et avec un léger sourire. Il reposa ensuite son regard sur elle, allongé sur le côté et presque détendu.
"Qu'est-ce que tu lui as dit ?
- Rien de très original. Que j'avais hâte qu'elle arrive et que je l'aimais. Et qu'il ne fallait pas qu'elle te fasse trop patienter...
- C'est mignon, sourit aussi Edurne. Et qu'est-ce que tu voulais dire juste avant de lui parler ? Avec ce "ah bon ?"...
- Je ne pensais pas que ça t'intéresserait tellement...
- Tu en parles tellement peu... Je suis curieuse.
- Ce n'est pas si passionnant que ça... Est-ce que je crois en un Dieu unique, exactement comme décrit dans les textes ? Peut-être pas. Est-ce que je crois en quelque chose de plus grand que nous, en une puissance supérieure... J'imagine que oui. C'est difficile de penser autrement, j'ai été élevé avec cette croyance, fit Gus en se redressant pour être assis. Et j'y tiens.
- Mais alors, pourquoi... Euhm, je sais pas comment poser cette question de façon respectueuse j'imagine. Tout ça, ça te vient de ta mère et sa famille. Alors j'aurais pensé que tu l'aurais rejeté.
- Je peux comprendre la pensée, mais non. Ça m'a aidé pendant tout ce temps.
- Donc, c'était comme une arme contre elle...?
- Non. Pour qu'il s'agisse d'une arme, il aurait fallu qu'elle fasse couler le sang, je suppose. Et je... ne l'ai jamais utilisé contre elle. Même si ça allait à l'encontre de tout ce en quoi elle était censée croire aussi...
- Comme une protection plutôt alors..
- Plus qu'une arme en tout cas. Ça me permettait de penser à autre chose... De parler à quelqu'un même s'il n'y avait pas de réponse, évidemment. Et ma famille ne m'a jamais fait de mal... J'ai de bons souvenirs de célébrations comme Pessa'h avec mes grands-parents et mes cousins... Elle ne se préoccupait pas vraiment de moi dans ces moments là.
- Mais on ne fête rien nous... Ça doit te manquer... commenta Edurne, les yeux humides.
- Ce n'est pas grave. De toute façon, si on parle de Pessa'h... C'est censé être fêté avec la famille... alors j'ai tiré un trait dessus. Je ne peux pas vous imposer ça. Vous ne pouvez pas comprendre, répondit-il en touchant légèrement la joue brûlante d'Edurne de sa main. Tu as chaud ? Je peux t'amener de l'eau.
- Je veux bien..."Il se leva immédiatement après un signe de tête pour aller dans la cuisine. Edurne le regarda s'en aller en soufflant, un poids sur la poitrine. Elle se redressa comme elle put, et glissa ses yeux vers la fenêtre. Comme depuis les quinze derniers jours, le ciel était gris et il pleuvait. Cela finissait de l'achever. Elle était coincée à la maison toute la journée et les nuages étaient si épais que le soleil peinait à atteindre la chambre. Elle avait mal partout. Et elle en pouvait s'empêcher de penser en boucle à leur conversation, et finit par renifler. Ce fut littéralement la goutte de trop quand Gus lui tendit le verre d'eau. Elle but une gorgée, puis fondit en larmes et enfouit son visage entre ses mains après avoir posé le verre sur la table.
"Edurne..."
Elle n'arriva pas à répondre, secouée par les sanglots. Le fait d'entendre sa voix, toujours aussi tendre quand il lui parlait, l'attristait encore plus. Elle posa sa tête contre l'épaule de son conjoint quand celui-ci se rapprocha, et le laissa l'enlacer. Il était si rarement à l'initiative d'une étreinte qu'elle en oublia presque son malheur, alors qu'il caressait ses cheveux de gestes légers. Il fallut quelques minutes de silence à Edurne pour reprendre son souffle et s'écarter vaguement. Gus lui tendit un mouchoir en gardant une de ses mains dans son dos.
"Désolée... Je suis juste tellement fatiguée... soupira la jeune femme en essuyant ses larmes dans le tissu.
- Ce n'est rien... Es-tu sûre que c'est seulement à cause de la fatigue ?
- C'est surtout à cause de ça... Et puis je... Je me sentais juste mal. Pour toi.
- Ah... Pourquoi ?
- C'est juste... Tu disais que tu avais dû tirer un trait sur tout ça. C'est triste... J'ai l'impression de ne pas faire d'effort...
- Je ne t'en ai jamais demandé. Je suis très heureux comme ça. Même quand j'étais tout seul, je n'étais pas très pratiquant, tu sais...
- Oh... Peut-être que tu voudrais une cérémonie quand elle naît ? Je sais pas...
- Edurne, répéta-t-il en secouant légèrement la tête. Ça ira. Ce serait de toute façon compliqué avec la synagogue, elle ne serait pas forcément considérée juive.
- Mais pourquoi ?
- De façon traditionnelle, ça se transmet de façon matrilinéaire. Par la mère.
- C'est un peu injuste...
- Je sais. C'est sujet à débat... Dans tous les cas, ce n'est pas la peine, vraiment. Je suis déjà content d'avoir pu lui choisir un deuxième prénom.
- C'est vrai, renifla Edurne en s'adossant de nouveau contre le coussin et posant ses mains sur son ventre. Taliyah. C'est bien prononcé comme ça ?
- Oui, c'est parfait.
- Qu'est-ce que ça veut dire déjà ?
- Je ne l'ai pas vraiment choisi pour sa signification, mais plutôt car il est beau... Tal veut dire rosée en hébreu. Donc... rosée du matin ou du ciel, selon les traductions.
- Ah oui, c'est ça, se rappela Edurne en hochant la tête. C'est poétique. La rosée du matin, c'est un peu un symbole de renouveau. Ca va bien avec une naissance..
- C'est vrai. Un symbole de soulagement et d'espoir... La rosée est souvent mentionnée dans les textes. C'est une bénédiction. J'imagine que j'ai bien choisi..."Il ne la vit pas acquiescer, trop concentré sur son ventre pendant quelques secondes. Il rencontra ensuite son regard et eut un sourire, tout comme elle. Elle était ravie de voir qu'il ne semblait presque plus angoissé par l'arrivée de leur fille. Cinq ans plus tôt, il lui avait opposé un non catégorique quand elle avait parlé d'enfants, mais ils se retrouvaient pourtant maintenant dans le silence. Les mots étaient inutiles pour expliquer ce qu'elle allait représenter, ou bien peut-être étaient-ils trop nombreux pour tous les prononcer. La guérison et la paix, la douceur de leurs peaux sous leurs mains, la tranquillité sans ombre grise planant par dessus eux, la tendresse d'un baiser, des sacrifices qui n'avaient pas été vains. Et le bonheur.
Nannn c'est trop choupi je pleur 😭
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Notevember 2019 et autres
Storie breviChallenge commencé et en partie terminé 2019. Revu et terminé en 2024. En gros comme le writober mais en novembre parce que j'ai envie d'écrire ( je suis désolée sur ce jeu de mots vraiment terrible avec note et November )