Notevember 2019 et autres

23 : Fleurs, Printemps, Changement (2024)

Imagine reprendre ce challenge 5 ans après nan je rigole mais imagine quand-même
Edurne 32 ans/Gus 32 ans/Eshee 6 ans
TW : aucun, peut-être vague mention d'abus ?

Edurne écoutait Eshee raconter sa journée depuis quelques minutes déjà, toutes les deux assises dans le salon. Elle était allée la chercher à l'école, puisqu'elle avait tout le temps du monde en congé maternité. Elle s'ennuyait tellement lors de ses journées toute seule qu'elle avait presque envie d'aller récupérer sa fille avant le début de l'étude, mais Eshee insistait pour rester avec ses amis. Elle allait donc faire les courses quand elle se sentait en état. Maintenant, elles n'attendaient qu'un retardataire qui rentrait du travail. Alors qu'Edurne allait faire remarquer qu'il avait prévenu de quinze minutes de retard et que le retard allait bientôt être de seize minutes, la porte d'entrée s'ouvrit.

"Désolé pour le retard. J'étais occupé avec l'administration, glissa l'homme en se débarrassant de son manteau rapidement.
- L'administration de la fac est pourtant si efficace...
- J'aimerais. J'essaye toujours de préparer la liste de livres pour l'année prochaine à aller chercher chez tes pères, mais ils rechignent à collaborer avec une autre librairie, fit-il avec un rapide soupir avant de se concentrer sur Edurne et Eshee.
- Papa ! Je vous ai ramené quelque chose de l'école !
- Ah oui ? Quoi donc ?
- Dépêche-toi de venir voir. Elle voulait pas me montrer avant que tu arrives !"

Il se pressa donc de s'asseoir à côté d'elles, et Eshee sortit une carte pailletée, recouverte de fleurs bleues dessinée par ses soins, de son cartable. Il sortit donc ses lunettes de vue pour les poser sur son nez en fronçant légèrement les sourcils, et Edurne retint un commentaire comme quoi il avait exactement les mêmes maniérismes que Turnm.

"C'est... Une carte pour vous ! Parce que en fait dimanche c'est la fête des mères mais la maîtresse elle nous a dit que tout le monde a pas de maman à qui donner cette carte donc en fait on a fait une carte pour les gens qu'on aime donc voilà c'est pour vous, débita-t-elle à toute vitesse.
- Ohhh, sourit Edurne les yeux brillants. C'est très mignon. Merci beaucoup !
- J'ai tout dessiné et écrit toute seule !
- C'est très beau, la complimenta Gus. Merci.
- Vous aimez bien ? demanda Eshee pour être vraiment sûre.
- Oui, beaucoup.
- Bon! Je vais ranger mes affaires alors !"

Et elle les quitta sans plus de manière pour aller dans sa chambre. Sa mère fit la moue quelques secondes ; elle allait lui proposer un câlin. Mais elle reporta vite son attention sur le cadeau.

"C'est très réussi, cette carte, commenta Edurne en la tournant entre ses doigts. Elle écrit quasiment mieux que moi. "Ce n'est pas difficile, en même temps.", ajouta-t-elle en prenant une voix grave et un ton posé, anticipant sa réponse.
- Aie... Je suis trop prédictible, maintenant. Nous devenons barbants.
- On dirait bien. C'est pour ça qu'on va avoir une deuxième fille d'ailleurs, ça nous fera du changement !
- C'est sûrement pour ça, oui.
- Hmm. Ca te rappelle pas de souvenirs cette carte ?
- ... Non. Pas vraiment ?
- Oh... Ca me fait penser à quand... Tu sais, on devait être en CE1. On se connaissait pas depuis longtemps. C'était aussi le jour de la fête des mères. Ils nous avaient forcé à écrire une carte avec "maman" dessus... Même si j'expliquais que j'en avais pas... Je m'étais plainte toute la journée, j'avais dû ramener une carte avec écrit "bonne fête maman !" à mes pères...
- Je suppose que ça me dit quelque chose. Nous avions dû dessiner notre mère au dos, je crois...
- Oui, c'est ça !
- Comment avaient réagi Mawin et Turnm ?
- Ils voyaient bien que j'étais triste et que j'avais pas voulu leur donner ça... Ils me l'ont pas vraiment montré mais j'imagine qu'ils étaient tristes aussi... souffla Edurne en posant sa main sur son ventre instinctivement, puis posant ses yeux sur Gus qui avait lui-même le regard distant. Pardon, j'avais pas réfléchi. C'est vrai que tu as dû la ramener à ta... mère. Enfin, j'imagine que tu lui avais pas donnée...
- Si, si... Je m'étais bien appliqué dessus et je lui avais donnée.
- Oh- mais... J'aurais pensé que, enfin... Je compatis, ils nous avaient fait écrire "je t'aime" dessus en plus...
- Ce n'est pas comme si je le pensais pas à ce moment-là.
- Ah bon ? Mais...
- Je ne sais pas. A ce moment-là... répéta Gus en hésitant un instant. Je me disais encore que... elle... m'aimait aussi. Même si je ne comprenais pas pourquoi elle me faisait ça. Bien sûr que je l'aimais. A six, sept ans... nos parents c'est quasiment toute notre vie, non ? J'avais tellement peu d'amis. Seulement toi. Tout ce qui comptait pour moi c'était de lui faire plaisir, fit-il en secouant légèrement la tête, comme s'il s'épanchait trop. Enfin, bon.
- Oh, lâcha Edurne d'une petite voix, la gorge serrée. Et la carte ?
- Elle l'a jetée, bien sûr. Et elle a fait ce qu'elle faisait d'habitude.
- Bon... Désolée d'avoir parlé de ça...
- Pas de problème."

Elle eut un air pincé en voyant qu'il mentait tout de même à moitié, ses yeux s'étant creusés en l'espace de la conversation. Elle le força gentiment à la regarder en posant sa main sur sa barbe, qu'il laissait enfin pousser après ses demandes suppliantes. Il comprenait très bien ce qu'elle voulait dire sans un mot, aux commissures repliées de ses lèvres et à l'intensité de son regard. Et elle n'avait pas besoin qu'il parle pour savoir qu'il s'excusait avec un sourire léger. Elle eut un visage satisfait et se renfonça sur le canapé avant de sursauter.

"Ah !
- Qu'est-ce qu'il y a ? Ça va ?
- Oui oui. Elle m'a juste donné un gros coup là ! Sens ça, continua-t-elle en prenant sa main pour la poser sur son t-shirt tendu.
- Hum...
- ...
- ...
- Visiblement elle me préfère déjà. Pas de coup pour toi...
- Je devrais survivre. Surtout puisqu'elle sera là dans trois semaines...
- Eh oui..."

Ils échangèrent un nouveau sourire, et quelques secondes plus tard Edurne l'embrassait. Eshee revint dans le salon à ce moment-là et les regarda en clignant des yeux, puis tira la langue. Les adultes et leurs manières bizarres...

"J'ai des devoirs en maths !
- On dirait que le devoir t'appelle...
- Je crois bien, acquiesça Gus en rejoignant sa fille après un baiser furtif sur la joue d'Edurne, qui fut tentée de revenir à la sieste entamée avant d'aller chercher Eshee. Tu n'aurais pas oublié "s'il te plaît" par hasard ?
- Si... S'il te plaît abi*, fit la petite fille qui avait de toute façon déjà ramené sa trousse et son cahier.
- Ay, ay**, répondit-il en continuant en arabe comme elle, ravi de la voir utiliser la langue.
- C'est encore les divisions... C'est compliqué...
- Je me doute, hayati***. Aller, regardons ça."

Edurne les regarda les yeux mi-clos, retombant déjà de fatigue, confortablement installée sur les coussins. Il passait toujours autant de temps que nécessaire avec Eshee sur ses devoirs. Il avait raison, en même temps. À cet âge là, les parents étaient indispensables. Un vent doux de fin de printemps entra dans la pièce par la baie vitrée et fit flotter ses cheveux quelques secondes. Elle sourit un peu plus et ferma complètement les yeux pour prendre un repos bien mérité.

*papa en arabe (bon je crois que c'est évident)
** oui en arabe
*** ma vie en arabe