Chapitre 1: Metro, Boulot, Dodo.

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Métro. Boulot. Dodo. Cette phrase lui allait bien. Le matin, il se levait, prenait le métro, travaillait, rentrait, dormait. Une vie, la sienne, résumée en trois mots. Métro, la ligne 13, Boulot, serveur dans un petit restaurant, Dodo, dans un deux pièces de 17 m2. Pas de famille, pas d'amis, juste ces trois mots qui le rendaient dingue. Il soupira, la tête appuyée contre la fenêtre du métro, le paysage défilant à toute allure, puis un tunnel et tout devient noir.

Il habitait à une dizaine de minutes à pied de la station. En rentrant, il croisa des jeunes qui fument, des enfants qui traînent, des mamas avec leurs bambins. Il tapa le code de la porte d'entrée de l'immeuble, qui se referma derrière lui en grinçant. Il faisait froid et sombre dans le hall, et il se dépêcha de monter les escaliers, cinq étages, les marches avalées trois par trois. L'ascenseur était déjà en panne la première fois qu'il avait mis les pieds ici. Sa vieille porte s'ouvrit, en grinçant elle aussi. Il posa ses affaires, avala un verre d'eau à la cuisine/ salle à manger, puis s'assit sur son canapé/lit dans sa chambre/salon. Il regarda par la fenêtre, elle donnait sur une petite cour intérieure, qui servait de local à vélos et à poubelle. Un chat se tenait sur le couvercle de l'une d'elles, semblant regarder avec attention les pigeons perchés sur les rebords de fenêtres.

Décidant qu'il était tant de s'occuper de son repas du soir, il ouvrit le placard "Nourriture". Un vieux paquet de coquillettes le regardait tristement. Il l'attrapa et remercia quiconque eut créé les pâtes, de les avoir faites impérissables. Tout en mangeant ses pâtes à l'eau, il lu le journal acheté sur le chemin. Rien d'intéressant. La planète meurt, racisme, sexisme, guerre, immigration, maladies. Pas la joie quoi, mais rien de nouveau.

Puis, il ouvrit son courrier : facture, facture, pub. Rien d'intéressant. Il fit la vaisselle des deux derniers jours. Je pus quatre repas différents. Il est grand temps que je prenne une douche, ce sera la première de la semaine yeah... On était mercredi. Il faut bien économiser l'eau. En sortant de la mini salle de bain/ toilettes, il s'arrêta devant le miroir. Il était fendu au milieu mais tenait encore le coup. Mon brave miroir, récupéré de l'ancienne déco du resto. Il observa son reflet un moment, deux yeux bleus lui rendant son regard. Il lui semblait toujours que ce n'était pas vraiment lui. Comme un étranger. Il soupira pour la énième fois de la journée, puis enfila un t-shirt gris, une chemise militaire par dessus, un pantalon cargo noir. Il attacha ses cheveux blonds en queue de cheval. Il était tard, mais il décida de sortir sur le toit de l'immeuble, et assis sur un muret, il observa les étoiles en silence, rompant avec la monotonie de sa vie diurne.

Le ciel était magnifique, la pollution lumineuse ayant été par chance chassée par le vent.

Il se réveilla en sursaut. Il s'était endormi sur le toit. Pu-tain de mer-de ! Il courut, récupéra son sac contenant sa tenue de serveur. Il se tapa ensuite le sprint de sa vie dans les escaliers, évitant de justesse la mamie du troisième avec son cabas. Elle revient du marché. Bon sang, il est 7:30 ! Il avait une grosse demi-heure de retard. Merde. Il y tenait à ce boulot, c'était le seul qu'il avait réussi à tenir plus de trois mois sans se faire virer et sans démissionner en cours de route. C'était bien le seul resto à avoir accepté un type comme lui, sans diplômes, sans CV. Qui n'a jamais mis les pieds dans un lycée, qui n'a pas le bac. Qui n'a pas d'argent et qui habite le quartier des pauvres et des délinquants. Il piétina dans le métro. Plus vite, plus vite ! Il bondit dès que les portes s'ouvrirent, survola les escaliers et se remit à courir comme un fou. Il traversa sans regarder les feux, risquant son boulot et sa vie en même tant, mais cela n'avait aucune importance. L'un n'allait pas sans l'autre. Plus que deux cents mètres. Il avait réussi, il avait moins d'une heure de retard.

Il entendit un puissant coup de klaxon suivi d'un bruit de frein. Il eut juste le temps de tourner la tête pour apercevoir une camionnette qui fonçait vers lui, le petit bonhomme rouge du passage piéton, narquois. Une femme cria. Puis ce fut le choc, au ralenti. Le corps fut projeté sur plusieurs mètres, les os craquèrent, la tête cogna contre le bitume. Et sa vision, floue, qui devient noire, et puis plus rien.

Un ciel étoiléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant