Chapitre 13: Canis Major

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Garnaagh maugréa en redescendant dans les profondeur d'Orthanc. Il avait encore hérité de la tâche ingrate. Il avait dû traîner le corps du garçon jusque sur le toit de la tour, où il serait bien vite dévoré par les corbeaux. Le garçon n'était pas tout à fait mort. Garnaagh ne fit rien. L'achever ne faisait pas partie de ses ordres. Le couteau était toujours enfoncé dans la plaie. Il le laissa là. L'enlever ne faisait pas partie de ses ordres. Il l'appuya contre l'une des cornes de la tour. Le garçon grogna. L'orc hésita. Et après tout, pourquoi pas? Il décrocha de sa ceinture la fiole de breuvage, et en versa dans la gorge du garçon. Il alla pour la remettre à son côté, hésita. Il haussa les épaules et la posa entre les mains du garçon. Cela ne faisait pas partie de ses ordres.

Le temps passa et les nuages défilèrent tandis qu'orcs et uruk s'affairaient dans les profondeurs de l'Isengard.

Alexandre ne mourrai pas. Il reprenait conscience de temps en temps, avant de replonger dans la chaleur apaisante de l'obscurité. Sa poitrine était lourde, comme si quelque chose l'écrasait et l'empêchait de se soulever, empêchait l'air frais de parvenir jusqu'à ses poumons et d'inonder son corps d'oxygène. Chaque respiration était un effort. Il sentait le sang chaud s'écouler le long de ses côtes, ruisseler sur son bras et former une flaque toujours plus grande sur le sol. Il ne mourrait pas et ne comprenais pas pourquoi. Il s'était pourtant résigné. Simplement un cauchemar dont il allait enfin se réveiller.

Le temps passa et les nuages défilèrent. Il faisait de plus en plus froid en haut de cette tour. L'automne approchait.

Puis il fut capable de réfléchir de nouveau. La douleur ne l'en empêchait plus. Celle-ci, d'ailleurs, était étrange. Elle ne venait plus de son torse, ni de l'endroit où le magicien l'avait poignardé, ni même des blessures encore plus anciennes causées par l'orc. Elle venait de l'intérieur de lui-même, l'étouffait, comme s'il était enfermé dans une boîte avec trop peu d'air, mais c'était toujours plus supportable qu'auparavant. Il avait mal de partout, comme des courbatures. Chaque muscle, chaque os le tiraillait, le brûlait, l'écartelait. Il brûlait de l'intérieur. Les seuls moments de répit étaient lorsqu'il glissait dans l'inconscience, alors il arrêta d'essayer de réfléchir et passa le plus clair de son temps à somnoler.

Puis ces moments disparurent. Il avait froid tout le temps, et son inconscient ne lui offrait plus que des cauchemars étranges.

Un champ de bataille immense. Des corps à perte de vue. Des armures étincelantes. Le fracas du métal. La montagne qui crache une fumée plus noire qu'une nuit sans lune. Le cri du cor. Une silhouette sombre, au casque à pointes. L'odeur de la peur, de la sueur, de la mort. Les cris. La masse qui soulève des hommes par dizaines. Le goût du sang. Métallique. Le froid. L'obscurité. Et puis une lumière violette et la douleur. La haine. Le désespoir. La souffrance. Et puis une lame sombre, plus noire que la nuit, une lame qui tranche et déchire.

Alexandre se réveilla en sursaut. L'esprit toujours engourdi par le sommeil, il observa la poignée du poignard qui dépassait toujours de son abdomen.

'Tu devrais peut-être l'enlever.'

Alexandre sursauta. Waaa? Mais l'endroit était désert, il était seul. Il faisait noir, sans lune ni étoiles. Sous sa paume, le sol était lisse et semblait s'étendre à l'infini. Aucun bruit, pas de vent. Surnaturel. Où est-ce que...

' Dans ta tête. Ça va faire mal, mais l'orc a laissé la fiole, là.'

Le jeune homme resta sans bouger.

'Sans rire, la plaie risque de s'infecter. Va s'infecter, si tu continues à ne rien faire.'

Le garçon ne fit rien.

Un ciel étoiléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant