Chapitre 2

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Maître James se pointe alors que je pleure encore de rire.

-Je vois que cette proposition vous enchante. Je pensais devoir batailler, c'est bien que vous le preniez comme ça.

-Vous avez un couteau sur vous ?

Elle perd son sourire et écarquille les yeux de surprise.

-Je vous demande pardon ?

Elle croise les bras et me jette un regard noir.

-Dois-je vous rappelez que nous sommes dans la salle d'interrogatoire d'un poste de police ? Et puis que feriez-vous d'un couteau ?

-Je vais me couper les couilles pour vous en faire un joli porte-clefs et me tailler les veines pour signer votre parchemin de sorcière avec mon sang. Comme ça vous aurez ma virilité et ma liberté parce qu'en lisant votre papelard c'est tout ce que ça m'inspire...

-Vous avez une conception d'une nouvelle vie bien lugubre.

-Un centre de désintoxe vous êtes sérieuse ?

-Vous préférez peut-être qu'on vous considère encore comme un enfant et repartir dans un centre de redressement jusqu'à votre majorité avec l'obligation d'aller en cours : discipline, rattrapage de votre retard scolaire et résultats corrects compris ?

Je grimace et elle reprend.

-C'est ce que je pensais, donc soit c'est le centre puis la prison pour quelques années soit c'est la proposition qu'on vous a faite. Ne faites pas le gamin ou le gros dur et choisissez ce qui est le mieux pour vous, pour votre avenir. Ça serait dommage de gâcher vos plus belles années. Avec l'armée, vous pourrez aider les autres, voyager tout en déchargeant votre ressenti sur l'ennemi. Avec les forces de police, votre passé sera un atout majeur car vous pouvez cerner et appréhender au mieux les personnes commettant des délits. Et il y aura toujours un facteur risque si vous recherchez l'adrénaline.

Je l'écoute et mon cerveau essaie d'assimiler tout ce qu'elle vient de me débiter. Je ne sais rien faire d'autre que ce que je fais maintenant. Dealer, bouffer et dormir, c'est mon quotidien. L'école, ça fait des plombes que j'y ai pas mis les pieds et de toute façon les cours ça ne m'a jamais intéressé à part peut-être la chimie voire le sport et encore ... Le centre de redressement, j'ai donné aussi. Côtoyer des abrutis et des brutes sans cervelles très peu pour moi. Y'a trop de discipline dans l'armée et je supporterais pas de devoir baisser les yeux ou fermer ma gueule face à des gradés. Être flic et arrêter des gars comme moi, ça serait ironique et trahir ce qui m'a maintenu en vie ces dernières années. Dealer fait partie de moi... même si j'avoue que serrer des mecs qui se pensent plus malins que les flics serait grisant...

Dans tous les cas, va falloir apprendre des trucs et se bouger le cul... Tout ce que je déteste.

Ou alors y'a la prison... ça doit pas être si terrible, des horaires pour chaque « activité », mais pas besoin de bosser...et après tout, j'ai jamais rien fait d'autre que dealer... je pense pas qu'on emmerde les dealers en prison si ? Mais bon je serais enfermé, ce que je déteste plus que tout et je devrais me faire petit avant d'intégrer un groupe qui surveillera mes arrières. C'est bien connu qu'en prison, vaut mieux éviter d'être seul...

Ah putain, je ne sais pas quoi faire. Si seulement je pouvais revenir en arrière, je le buterais de mes propres mains ce connard. Tout ça c'est de sa faute. C'était censé être une petite session de vente light dans un coin que je connais comme ma poche avec des habitués. La routine quoi.

Mon ventre se rappelle à moi avant mon mal de tête magistrale. La procureur me regarde et se marre. J'y crois pas, la sorcière se fout de moi. Elle doit se délecter de me voir dans une situation de faiblesse et de soumission.

-On dirait que vous avez faim... C'est vrai que j'aurais pu ramener autre chose avec le café que vous n'avez pas bu. Vous croyez peut-être que j'ai craché dedans.

Ce ne serait pas un soupçon d'insolence dans sa voix ? Je l'aime bien tout compte fait.

-Que voulez-vous ?

-Un Pepsi et des M&M's.

-Il est 9h du matin.

Elle me dit ça avec un regard réprobateur comme un parent le ferait. Je la regarde l'air de dire « et alors ? Je prends ce que je veux t'es pas ma mère. » elle lève les yeux au ciel.

-Vous êtes un vrai gamin.

Elle soupire bruyamment et sort de la pièce en emmenant mon café non consommé et son gobelet vide.

A peine deux minutes plus tard, elle revient avec mon précieux petit déjeuner que je n'attends pas pour engloutir. Narquois, je lui lance une petite phrase :

-Ma mère m'a appris à n'accepter des adultes que des trucs fermés hermétiquement comme ça pas de mauvaises surprises.

J'accompagne la fin de ma phrase d'un clin d'œil explicite. Puis je rajoute tout sourire :

-Et sinon, vous pouvez m'emmener aux toilettes et me la tenir ?

Elle cligne des yeux et me répond en souriant :

-Je ne suis pas payé pour ça, en revanche l'agent Briggs sera ravi de vous accompagner aux toilettes. Pour ce qui est de vous la tenir, je suis sûre que vous êtes assez grand pour le faire vous-même.

Elle pointe du doigt le document sur la table et ajoute :

-Signez et vous serez libre... enfin jusqu'à lundi.

La sale garce, elle sait y faire. Je l'interroge du regard pour qu'elle poursuive.

-Lundi à 15h, nous avons rendez-vous chez la juge Diana Sarris pour qu'elle valide le dossier et scelle votre casier judiciaire. Enfin si vous acceptez le deal.

Trop pressé de sortir de ce trou à rat, je signe à la va vite et elle se lève. Elle jubile triomphante et me lance alors qu'elle s'apprête à ouvrir la porte :

-Essayez d'être sage ou alors très discret jusqu'à notre rendez-vous de lundi. S'il vous arrive quoique ce soit d'ici là, nous ne pourrons plus rien pour vous. Oh et une dernière chose, ne soyez pas en retard. Bonne journée Monsieur Adler, passez un bon week-end.

Elle part sans que je puisse lui répondre et quelques minutes plus tard, un des deux flics qui m'ont « cuisiné » me fait face et m'enlève les menottes. Il me fait signe de le suivre dans un des bureaux, me montre un document et me pointe un stylo du menton puis une case sur une feuille. Je prends le temps de lire, pas question de se faire avoir comme un couillon. Une fois fait, il me regarde et me fais un signe de tête pour m'indiquer une direction que je prends comme un con. Vraiment bizarre ce mec. Une fois libre, la première chose que je fais c'est de m'éloigner le plus possible du centre-ville et de ce commissariat. Je rentre enfin chez moi, prends une douche et dors. A mon réveil, je constate qu'une journée de liberté vient de me passer sous le nez. Et merde. Lundi va arriver bien plus tôt que prévu.

Troublante UsurpationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant