Chapitre 13

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Plusieurs mois ont passés depuis ma demande de changement de service sans qu'aucun retour ne me soit parvenu et j'ai pas envie d'aller pleurer au sergent pour connaitre la réponse. Je commence à croire que c'est mort. Je n'ai pas revu le lieutenant Moore depuis plus d'un mois. Il est sûrement sur une grosse affaire. Ça m'emmerde un peu car les enquêtes sur lesquelles je bosse, se résument donc à nouveau aux bagarres dans les bars et petits délits mineurs. Le « moi d'avant » vient encore se manifester et me conseille vivement de me barrer, qu'il n'a de comptes à rendre à personne. Qu'après tout, il a rempli sa part du contrat et que désormais il est libre de tout engagement.

À peine mon service terminé, je me change et fonce à ma voiture. Arrêté à un feu rouge, je regarde dans le rétro central avec un mauvais pressentiment. Comme un signal d'alerte qui se serait mis en route. Depuis ma sortie du poste, j'ai la désagréable impression d'être observé et suivi.

Avant d'arriver près de chez moi, j'emprunte diverses directions au cas où je serais filé mais ne remarque aucun véhicule suspect. Je me gare et rejoins mon appart. Je pose mon sac en entrant et fonce au frigo me prendre une bière. Après la journée de merde que je viens de passer, j'en ai plus que besoin. Une fois terminée, je prends mon blouson et mes clefs pour aller me chercher à manger.

Je suis de retour devant ma porte en un quart d'heure. La sensation qu'un truc cloche est toujours là. Je dégaine mon flingue tout en ouvrant ma porte. J'allume et découvre le lieutenant Moore en plein milieu de mon salon. Aussitôt, je rengaine mon arme, prend la bouffe sur le palier et referme la porte.

-On peut savoir ce que vous foutez chez moi ? Et puis comment vous êtes entré ? C'est vous qui me filez le train depuis le poste ?

-Et ta politesse, tu t'es assis dessus ? On dit d'abord bonsoir.

Voyant que je ne réponds pas, il enchaîne

-On t'as jamais appris à poser une question à la fois petit ? Je suis pas un suspect en interrogatoire.

Je soupire bruyamment pour lui montrer qu'il me casse bien les couilles. Ici, on n'est pas au poste. On est chez moi donc sur un pied d'égalité. Je rejoins ma cuisine avec ma bouffe et commence à manger.

-À défaut d'être poli, tu pourrais me prouver ton hospitalité en m'offrant une bière.

Je le regarde et montre le frigo du menton. Je lui aurai bien fait un doigt d'honneur mais ça reste un supérieur hiérarchique et je le trouve sympa. Quand j'ai fini mon repas, je le regarde et lui lance :

-Sinon vous comptez répondre ? Si c'est pas le cas, la porte est là-bas.

-Oui je t'ai suivi depuis le poste jusqu'ici et j'ai forcé ta serrure pour entrer. Pas trop mal soit dit en passant.

-Vous êtes venu pour parler bricolage ?

-J'ai besoin de toi.

Je le regarde avec surprise. Ça fait un mois que je ne l'ai pas vu du tout au poste et il arrive comme une fleur en me demandant de l'aide. Faites que ce soit pas personnel surtout si ça implique une femme...

-Euh ok... enfin ça dépend de quoi on parle.

-Depuis quelques temps, j'enquête sur un gang assez important qui opère à New York. Je sais pas pourquoi mais j'ai la conviction que le monde de la drogue ne t'est pas inconnu et je me dis que tu serais parfait pour une mission en infiltré sachant que personne connaît ta tête à la brigade. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai gardé ta demande bien au chaud avant de te proposer.

-Attendez, vous avez quoi ? Vous me dites de faire une demande de changement de service pour bosser à la brigade sous vos ordres. Moi, bonne pomme, je fais ce que vous me dites pour ensuite apprendre que ma lettre n'est jamais arrivée à destination et maintenant vous débarquez sans prévenir dans mon appart pour me dire que vous voulez que j'infiltre un gang pour vous ?

-C'est ça et j'ai besoin de toi pour avoir les infos qui me manque pour les faire plonger. Ça va être long pour arriver au bout mais je suis sûr que je peux avoir confiance en toi. Alors t'en es ou pas ?

-Va me falloir des détails. Je m'engage pas à la légère surtout dans un gang.

Il sort un calepin de sa veste et on s'installe à la table.

-Ils se font appeler les Ghosts of the shadow.

J'hausse un sourcil avant de lui balancer :

-Attendez-vous êtes sérieux là ? On dirait un nom d'équipe de foot ou un vieux gang de motards.

Sans me répondre, il reprend comme si je n'avais rien dit :

-On ne sait pas où est leur QG ni combien ils sont et avec qui ils collaborent. Ils pourraient être affiliés à tous les gangs connus. On ne sait rien non plus de la provenance de leur marchandise, juste qu'ils vendent les drogues habituelles et qu'ils sont présents au moins à Manhattan, dans le Bronx et font peut-être des livraisons jusqu'à Staten. Pour le reste, je compte sur toi pour combler les blancs.

Quand il a fini de parler, je prends le temps de réfléchir car c'est un gros risque sachant le peu d'infos qu'il a. Je pourrais me faire dézinguer rapido.

-En gros vous savez que dalle. Vous les trouvez où vos indics ? Au rayon Alzheimer d'un hospice, dans un cimetière ?

-Et sois respectueux un peu tu veux. Les indics ça court pas les rues, surtout pour ce qui concerne les stups. Ils risquent leur peau pour quelques petites infos rémunérées.

-Ah parce qu'en plus vous les avez payés pour ça, vous avez vraiment de l'argent à jeter par les fenêtres.

-On peut revenir sur l'affaire où tu veux voir mon bilan comptable ?

-Ouais c'est bon... et sinon votre indic a une passerelle ? Ou va falloir que je fasse tout le boulot ?

-Je peux organiser une rencontre d'ici la fin de semaine.

-Ok et si j'accepte, comment ça va se passer au niveau du boulot ?

-On va te faire une mutation bidon pour que les collègues y croient. Comme tu n'es pas là depuis longtemps, tu seras oublié assez facilement. Un bleu reste un uniforme sans visage. Tu garderas ton appart mais tu n'y viendras plus le temps de la mission. D'ailleurs, si tu as des affaires auxquelles tu tiens, mets-les au garde meuble ou chez une personne de confiance. Tu toucheras toujours ton salaire mais comme tu auras une autre identité, un autre appart et un autre compte bancaire, tu n'auras pas besoin d'y toucher. Oh et si tu as des proches...

-J'en ai pas.

-Tant mieux, ça facilite la chose.

Quelques cadavres de bouteilles de bières plus tard, j'accepte enfin le deal. Je vais retrouver mon ancienne activité sauf que là c'est sous couvert de la police, si ça c'est pas le pied ? L'ancien « moi » est content et jubile. Toute cette normalité commençait à le gonfler.



On se retrouve mercredi si tout va bien. 

Merci pour vos lectures et vos comm'.

S

Troublante UsurpationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant