Durlan de l'Aube

481 64 10
                                    

200 ans plus tard

« Au nouveau roi de l'Aube ! Hurla un homme ivre en levant sa chope de bière.

–Au roi Berengar ! Lui répondirent une bonne dizaine d'autres en l'imitant. »

Les chopes s'entrechoquèrent et des rires résonnèrent dans la taverne. Voilà plus d'une semaine que le roi Berengar avait été couronné, suite au décès subite de son père, le feu roi Hunter, et pourtant le peuple continuait à fêter cela comme s'il venait de l'être. Peut-être ne se sont-ils pas rendus compte qu'une semaine était passée. Pourtant, ça n'empêchait pas Durlan, de venir tous les soirs dans cette auberge autant pour noyer le deuil de son oncle que pour célébrer l'ascension de son cousin.

« Allez Durlan, s'écria son ami Oger, souris, amuse-toi, bois de la bière et prend une putain ou deux dans ton lit ce soir. »

Le prince renifla et son nez se retroussa lorsque ses yeux butèrent sur l'une des filles de joie qui ne cessait de lui faire de l'œil depuis son arrivée.

« Très peu pour moi, déclara-t-il.

–Tu n'as pas le sens de la fête !

–Pas le même que toi tout du moins. »

Durlan s'empara de sa chope et la termina d'une traite. Il avait besoin d'oublier. Oublier que son oncle, son protecteur, était définitivement parti, que son cousin, celui qui semblait tant le détester pour ce qu'était son propre père avant de connaître sa mère, avait accédé au trône et souhaitait certainement le voir partir, et qu'il n'avait presque plus d'alliés à la Cour. Qui voudrait du fils d'une princesse et d'un fermier ? Seulement les gens du peuple, quand ils ne s'amusaient pas à le charrier sur son sang royal, mais il savait que c'était bon enfant.

« Je suis sûr que l'une d'elle serait ravie de compter un prince parmi ses clients, renchérit Sagar.

–Et bien le prince a des principes et fréquenter des prostituées n'en fait pas parti, rétorqua Durlan. »

Ses deux amis se mirent à rire de bon cœur, ce qui lui arracha un sourire.

« Excusez-nous Votre Altesse sérénissime, plaisanta Oger en effectuant une révérence grossière, ce qui ne manqua pas de le faire rire.

–Tu ne sais même pas ce que veut dire séré... machin ! Répliqua Sagar.

–Bien sûr que je sais, Durlan me l'a dit une fois. »

Le principal concerné leva les yeux au ciel, aussi amusé qu'exaspéré par les chamailleries de ses deux amis déjà bien amochés par l'alcool. Il aimait être en leur compagnie, avec eux tout était plus simple. Pas de manières, de bienséance, il pouvait être n'importe qui. Mais même s'il disait détester la vie à la Cour, au fond il aimait le confort qu'elle lui apportait.

Trois chevaliers firent leur entrée et, après lui avoir accordé un signe de tête respectueux, il se commandèrent un verre pour aller se prélasser sur quelque divan en compagnie de putains. Il détourna le regard et se tourna vers le tavernier qui essuyait machinalement des verres. Oger et Sagar s'étaient fait embarqués par deux femmes et étaient montés à l'étage. Ils ne redescendront pas avant demain. Il sentait sur lui les lourds regards des chevaliers et ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'œil dans leur direction, ne comprenant pas ce qu'ils voulaient.

Il tentait de les ignorer mais il n'arrivait pas à se sortir de l'esprit leurs regards. Serait-ce son cousin qui leur aurait demandé de le surveiller ? Ce serait bien son genre. Il décida alors de lui en parler lorsqu'il le verrait. Il n'était pas un petit garçon qu'il fallait chaperonner sans cesse. Il détestait cette sensation d'être espionné, que ses moindres faits et geste étaient analysés. Il termina sa boisson et décida qu'il était temps de rentrer au palais. Rester seul devant un bar ne l'intéressait pas.

Le Bâtard de l'Aube [Wattys 2020]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant