Le Fleur de Macadam

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Lorsqu'ils passèrent la frontière de l'Empire pour entrer de nouveau sur les Terres de l'Aube, Durlan senti immédiatement la différence. Tout paraissait beaucoup plus banal. Il n'y avait plus aucune trace de magie, les arbres de l'Aube semblaient morts comparé à ceux de l'Empire, remplis de vie et de magie. Cette forêt enchanteresse les avait abandonnée. Il lança un dernier regard en arrière et il fut surprit de voir Selina lui dire au revoir. Il cligna des paupières et elle disparut. C'est simplement la forêt qui vous teste.

Savoir qu'il était de retour sur les Terres de l'Aube lui procura un frisson. Ici, il était bien plus en danger.

–Avec un peu de chance, Devon ne nous aura pas suivi sur l'Empire, avait dit Elecia.

Il espérait de tout cœur n'avoir jamais à croiser la route de ce Devon, il en avait même peur. Il n'était pas effrayé de retourner à Irindor, il en aura tout le loisir lorsqu'il sera en route avec le Sanglant, il avait peur que ses compagnons le laissent de bon cœur. Contre sa volonté, il s'était attaché aux trois chasseurs de primes, et même à Azlore qui n'était avec eux que depuis une semaine seulement.

Quelques mois en arrière, il était près à tout pour les quitter au plus vite et retrouver des alliés, à présent il n'en était plus aussi sûr. Grâce à cette vie il pouvait voyager aux quatre coins du monde, chaque jour était une nouvelle aventure. Sa vie à la Cour lui semblait terriblement lointaine et elle ne lui manquait pas. Il était devenu un nouvel homme, loin des humiliations et des insultes de Berengar, des nobles qui le toisaient comme s'il n'était qu'un cafard répugnant. Il se sentait libre, libéré de toute responsabilité, libéré des tourments.

–Alors Azlore, lança Murzol, qu'est-ce que tu sais faire avec ta magie ? Non mais parce qu'on ne sait rien de tout ça étant donné que la seule personne sachant pratiquer la magie que nous connaissons a décidé de nous le cacher !

Il avait volontairement haussé la voix afin qu'Elecia puisse bien l'entendre mais la jeune femme se contenta de l'ignorer.

–Pas grand-chose à vrai dire, avoua le garçon, mon maître m'a surtout appris à méditer, la médecine, les différentes langues présentes dans notre monde, l'Histoire des différentes Terres, royaumes et Empires. Je ne sais faire que de petites choses insignifiantes et très peu impressionnantes. Autant vous le dire maintenant avant que vous ne me demandiez de faire quelque chose de spectaculaire. Maître Ogshan était persuadé que l'apprentissage de la magie devait passer après celui des autres pratiques. Les druides retranscrivent l'Histoire après tout.

Azlore avait tendance à un peu trop parler et en dire beaucoup très rapidement et Durlan avait encore un peu de mal à s'habituer à son débit de parole. Mais c'était un gentil garçon qui mettait un point d'honneur sur le respect d'autrui et bien entendu sa méditation. Chaque soir, alors que les autres se ruaient se réchauffer autour du feu et manger, le garçon lui se mettait à l'écart et s'asseyait par terre durant de longues minutes, les yeux fermés et une étrange lumière verte émanant de ses mains.

–Si je ne le fais pas, avait-il dit, mon Don pourrait me consumer puisque je n'ai pas encore prononcé mes vœux, je ne suis donc pas protégé par la magie des druides.

Azlore s'était avéré être un garçon d'une extrême intelligence. Il lui arrivait de donner le nom de toutes les plantes qu'ils croisaient lorsqu'il s'ennuyait et Durlan trouvait cela intéressant. Alors que le bâtard appelait toutes les fleurs des fleurs, l'apprenti druide lui sortait des noms improbables. Pesara l'aurait adoré.

Il se senti soudainement triste. Il ne verrait plus jamais son professeur parce que Berengar avait encore une fois été aveuglé. Lady Eartha avait dû lui chuchoter quelques mensonges à son oreille et, comme à son habitude, le roi s'était emballé en suivant au doigt et à l'œil ce que lui racontait sa mère. Durlan était certain que la Reine Mère avait sa part de culpabilité, si ce n'était la plus grande. Il espérait au moins qu'ils avaient donné à Pesara des funérailles dignes de l'homme qu'il avait été.

Le Bâtard de l'Aube [Wattys 2020]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant