Jour 10 : Puerto Chiapas (Mexique)

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Ecrit par Mély Adams l'actrice, Fizzy_18

Consigne : première accusation.


Je me souviens que la première fois que j'ai été contactée par mon agent pour passer un rôle, j'étais tellement stressée que pour éviter d'y penser je me suis mise à ranger la salle d'attente avant de passer mon audition.

Je crois que ça doit être la seule fois que je m'active autant pour ranger que maintenant. Il y a des femmes de ménage pourtant, mais je ne peux m'empêcher de le faire.

Ça m'évite de penser à lui. Et c'est clairement ce dont j'ai besoin. C'est dingue, pensé-je en frottant énergiquement le miroir de la salle de bain. Complètement dingue. Quelqu'un sur ce bateau a réussi à commettre un meurtre. Un meurtre en plein milieu de la mer, on dirait presque un film dramatique où on me demanderait de jouer dedans.

J'arrête de frotter et regarde mon reflet sans une grande concentration. Des flashs de mes souvenirs avec John me reviennent en mémoire. Je souffle longuement quand je repense à notre dispute.

Je ne m'étais jamais sentie aussi vivante et paisible dans les bras d'un homme. Certes je ne le connaissais pas vraiment à vrai dire je ne l'ai pas vraiment cherché. À chaque fois je coupais net à nos conversations. Enfin au début, je me suis peut-être sans doute attachée trop vite, mais je pensais que John souhaitait plus. On peut dire que je me suis trompée en beauté, il ne voulait que du sexe.

Comment j'étais censée ne pas m'attacher ? Ses regards quand il m'embrassait, ou encore son sourire amusé quand il ne s'arrêtait pas de toucher mon point sensible et que je lui disais d'arrêter. Je donnerais cher pour le revoir. Je me mords la lèvre pour stopper cette pensée. Le ménage, revenons au ménage...

Des cognements réguliers venant de ma porte me coupent brutalement dans ma séance de nettoyage. Je jette un rapide regard pour m'assurer que ce bruit vient bien de ma porte et que je ne l'ai pas halluciné. Malheureusement il existe des personnes dehors qui ont pour seul but de me pourrir la vie. Je parcours la suite rapidement et ouvre la porte.

Je hausse un sourcil et toise du regard les deux femmes qui se trouvent devant moi. Une femme brune dans la cinquantaine me fait face avec un simple sourire suivi d'un signe de tête pour me saluer poliment. L'autre doit être la jeune femme qui m'avait raccompagné à ma cabine la nuit dernière. Elle se force à me sourire pour rester professionnel mais son petit air dédaigneux ne trompe personne.

— Bonjour, Peyton Williams et voici ma secrétaire mademoiselle Isabelle Miller. Nous sommes ici pour vous poser quelques questions ?

Je plisse le regard vers elles, méfiante. Pourquoi une avocate réputée et son larbin viennent me voir ?

— À quel sujet ? leur demandé-je.

— John Harrison, celui qui a été victime d'un meurtre. Nous souhaitons connaître des informations le concernant.

— Devrais-je savoir des choses à son sujet ?

— Tout le monde sait que vous aviez une relation, intervient pour la première fois Isabelle. Est-ce que nous pouvons ?

Je sors de la chambre en attrapant ma carte magnétique puis claque la porte. Je leur adresse un sourire en leur proposant de parler autour d'un café.

Peut-être que je n'ai pas été très fine sur ce coup-là, mais je ne vais pas laisser des inconnues qui souhaitent me parler de John entrer juste parce qu'elles le demandent poliment.

Madame Williams me semble quelqu'un de droite et de juste, en revanche la femme qui la suit partout dans l'espoir d'avoir de l'attention dans le monde des affaires ne me paraît pas du tout quelqu'un de confiance. Déjà que je ne la donne pas facilement, alors avec elle, je ne lui confierais même pas une simple tâche d'assistante. Elle doit sûrement avoir eu pitié.

Chacune prend place à la table donnant vue sur l'océan et les laisse commander. Ce n'est que quelques instants plus tard une fois nos boissons prêtes que Peyton prend la parole :

— Où étiez-vous le soir de sa mort ?

Je bois une gorgée de mon café sans la lâcher du regard.

— Il me semble que cette question n'est pas une information sur la vie personnelle de John. On pourrait presque croire que vous pensez que j'ai un rapport avec son meurtre.

C'est le visage complétement fermé que je pose ma tasse. Comment peut-on croire que je l'ai tué ? Je crois que sur ce bateau la stupidité en est infestée.

— Pour quelqu'un qui avait une liaison avec lui, vous ne semblez pas plus touchée que ça.

Je tente d'ignorer son insinuation qui me comprime le cœur, comment peut-elle savoir ce qui me touche ou non ? Je m'en moque qu'elle ou n'importe qui doute de mon attachement pour mon amant. Je tiens à lui, même si ce n'était pas réciproque. Il le savait, c'est tout ce qui m'importe.

— Je suis actrice, répondis-je simplement. On apprend à canaliser nos émotions. Je pourrais pleurer maintenant sur commande, vous n'y verriez que du feu.

Comme si nous étions en pleine négociation, la grande avocate croise ses mains devant elle sur la table. Son regard devient sérieux, elle semble déterminée à me faire cracher le morceau. Dommage pour elle qu'il n'y en ait pas.

— La nuit dernière, Isabelle a retrouvé la carte magnétique de John dans votre sac. Il y a également un témoin qui vous a vu en pleine dispute avec lui, faire des menaces peut-être un mobile, actrice ou pas vous êtes suspectée de meurtre, me souffle-t-elle durement en vitesse.

Je leur jette un regard dubitatif à chacune, elles ont l'air d'être sérieuses.

— Je... Comme j'ai donné à John ma carte, il m'a donné la sienne. On se voyait presque tout le temps, je n'allais pas frapper à chaque fois.

J'évite d'apporter des précisions concernant ma dispute, avouer que je me suis pris un râteau n'est pas dans le plus flatteur. Certes ça arrive à tout le monde, mais dans mon cas, c'est une première.

— Si vous voulez réellement savoir où j'étais cette nuit. Allez voir notre capitaine.

Peyton et Isabelle s'échangent un regard lourd de sens, je me précipite pour clarifier la situation.

— Je n'ai aucune relation intime avec lui, j'ai simplement eu besoin de lui parler.

— De quoi ? me demande l'assistante, enfin secrétaire, bref, c'est pareil.

Je passe une main dans mes cheveux réfléchissant si oui ou non, je devrais en parler.

— J'avouais au capitaine que j'ai surpris sa femme en train de le tromper avec le marin.

Face à ma révélation, Isabelle ouvre soudainement les yeux surprise tandis que Peyton laisse échapper une petite moue en levant les yeux au ciel. On dirait bien que la femme du capitaine n'est pas très discrète.

— Je pense que j'ai répondu à tout ce que vous voulez savoir. Bonne soirée.

Je leur adresse un dernier sourire avant de me glisser avec fluidité en dehors de ma chaise et me dirige vers ma chambre.

J'espère au plus profond de mon cœur que cette ordure, qui a tué John sera punie pour son crime, voir peut-être qu'il mettra fin à ses jours face à sa culpabilité.

Je me demande ce qu'aurait pu faire John pour que quelqu'un lui en veuille à ce point ? Si le meurtrier avait été un tueur en série, il y aurait eu d'autres corps. On ne tue pas quelqu'un sans raison, je ne peux pas croire que John aurait pu commettre des choses susceptibles de mériter qu'on l'assassine.

Je pénètre dans ma suite en essuyant une larme qui se retient de couler depuis bien trop longtemps quand je pense à la vérité : ce n'est pas sous prétexte que je couchais avec lui que je connaissais John , donc en quoi j'ai le pouvoir d'imaginer qu'il ne méritait pas qu'on l'assassine. Si ça se trouve le meurtrier s'est juste défendu.

Je chasse cette horrible pensée de mon esprit puis je m'installe dans mon lit pour faire la seule chose qui me permet totalement d'oublier, dormir.

Murder PartyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant