Jour 11 : Guatemala

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Ecrit par Peyton Williams l'avocate senior, auragostini

Consigne : veut enquêter car la victime est le président de la société secrète. 


Je fais les cents pas dans ma chambre, attendant impatiemment le retour de Louis. Je me demande encore ce qu'il avait bien pu aller faire chez John. Dans quelle sale affaire s'est-il mis ? Heureusement que c'est moi qui ait trouvé sa gourmette et pas la police, on irait droit à la catastrophe sinon ! Mais bordel, à quoi pense-t-il ? J'espère sincèrement qu'il a une bonne raison d'avoir vu John. Je stoppe toutes ces interrogations en entendant la porte de notre suite claquer. Je sors de ma chambre et me retrouve face à mon fils, le visage mi-figue mi-raisin.

— Où étais-tu ? demandé-je avant même qu'il n'ait le temps de prononcer le moindre mot.

— Je me baladais sur le pont, pourquoi ?

Il a le même regard méfiant et suspicieux que lorsqu'il se retrouve à interroger la partie adverse au tribunal. On a beau dire mais travailler ensemble depuis si longtemps nous a appris à nous connaître et à déceler l'un chez l'autre la moindre émotion. C'est ce qui fait notre force au tribunal mais aujourd'hui, dans cette chambre, j'ai l'impression que c'est notre plus grande faiblesse.

— J'ai trouvé ta gourmette... réponds-je en lui tendant la chaîne en argent.

À en croire l'expression de joie et de soulagement qui traverse son visage, je commence à comprendre ce qui le préoccupe depuis hier. Pourtant quelque chose me dit qu'il n'y a pas que ça. Il ne me dit pas tout.

— Tu l'as trouvé où ? me questionne-t-il presque naturellement.

— Dans la chambre de John...

Le ton de ma voix se fait de plus en plus froid et accusateur. Je n'y peux rien, je n'arrive pas à le cacher.

— Qui est John ?

Je n'arrive pas à déceler si cette interrogation est sincère ou bien une façon de brouiller les pistes.

— L'homme qu'on a assassiné il y a trois jours

À en croire sa réaction, ou plutôt son absence de réaction, j'en conclus qu'il le savait. Mais alors pourquoi cherche-t-il à le cacher ?

— Qu'est-ce que tu es allé faire là-bas ? repris-je, bien déterminée à en savoir plus.

— Attends je rêve ou tu me soupçonnes ? Je connais cet air suspicieux ! rétorque Louis, visiblement agacé.

— Je veux juste savoir ce que tu faisais dans sa chambre, répliqué-je d'un ton calme. Il aimait trop les femmes pour passer aux hommes, lâché-je avec ironie.

— Tu le connais bien, on dirait ? s'amuse-t-il.

Une provocation...  Ainsi commencent nos traditionnelles joutes verbales dès lors que nous ne sommes pas d'accord. Ce qui malheureusement arrive assez souvent.

— Ce n'est pas de moi dont on parle...

Constatant que je n'obtiendrais probablement rien de lui, je me sers un verre de scotch, espérant oublier cette conversation désobligeante.

— Alors c'est lui ? poursuit-il.

Je lui adresse un regard interrogatif. J'ignore totalement à quoi il fait allusion.

— L'homme que tu pressens pour devenir le futur associé de Pearson-Williams !

Même au beau milieu de l'océan c'est toujours son obsession : savoir qui sera le prochain associé du cabinet et donc mon successeur.

— Qu'est-ce qui te fait penser ça ? demandé-je par curiosité.

— Dans sa chambre j'ai trouvé un code pénal et un dossier d'instruction d'une affaire vieille d'il y a cinq ans. C'est un ténor du barreau, c'est ça ?

Je reste silencieuse face à ces propos, le laissant poursuivre. 

— Il fera mieux que moi, c'est ça ? Tu mettras son nom sur la porte aussi ? 

— Alors c'est ça qui te préoccupe ? Avoir ton nom sur la porte, Pearson-Williams-Grey ? rétorqué-je pas vraiment surprise.

— J'ai largement les compétences pour !

— Sortir d'Harvard et passer le barreau ne suffit pas à faire un bon avocat ! fais-je remarquer avec bon sens.

Louis est un excellent avocat mais il n'est pas prêt. Il ne connait pas tous les rouages du milieu, si je n'étais pas là pour le conseiller, il ferait trop d'erreurs.

— C'est bien pour ça que notre cabinet ne recrute que des gens d'Harvard ! tente-t-il de me le faire remarquer avec bon sens.

Comme si je ne le savais pas. Ses théories me font sourire. Il s'adresse à une des meilleures avocates de Londres et il pense encore pouvoir me déstabiliser. Je reprends la parole calmement.

— Tu penses que John est avocat parce qu'il a un dossier d'instruction dans sa chambre, un code pénal et que j'ai passé du temps avec lui ?

Il acquiesce timidement. À cet instant, je vois dans ses yeux qu'il commence à douter. Je suis en train de gagner, encore plus facile qu'au tribunal.

— Donc se fier aux apparences fait de toi un bon avocat ? questionné-je avec bon sens.

— Je vais chercher des preuves là où je pense en trouver !

Sa défense prend l'eau... Ce qui est assez ironique quand on sait que nous ne sommes que sur un bateau et qu'il n'a pas de juge ou de jurés à convaincre. Il n'est définitivement pas prêt à avoir son nom sur la porte.

— Des preuves de quoi ? Tu te laisses berner par tes propres émotions et cela ne fait pas de toi un bon avocat !

— Mais ça fait de moi le meurtrier idéal ? Il me pique le poste que je mérite depuis des années donc je le tue pour l'évincer ? suppose-t-il espérant me faire réagir.

Au fond je doute de sa théorie, il s'agit de mon fils. Mais au-delà de ça, j'aimerais surtout qu'il comprenne qu'il fait de ma succession au cabinet une affaire personnelle.

— C'est à toi de me le dire ! Je ne suis pas là pour juger... constaté-je avec bon sens.

— Tu es avocate, tu es là pour défendre et faire valoir les intérêts de tes clients... Dommage que tu en sois incapable avec ton propre fils !

Je n'ai même pas le temps de répliquer quoique ce soit que Louis claque la porte, telle une furie, visiblement blessé par notre discussion. Au fond, aurait-il pu tuer John ? Je ne le pense pas. Il n'a pas le sang-froid pour. 

Murder PartyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant