Ecrit par Skorvyn, le marin.
Consigne : entre 1.000 et 2.000 mots.
Sujet : embarquement.
Une brise fraîche balaie les quais, tandis que les gens se tassent auprès du pont d'embarquement d'un bateau de croisière. L'alizé porte les effluves de poissons grillés que concoctent les pêcheurs, tout juste revenus de leur pêche. Appuyé contre des caisses en bois prêtes à être embarquées sur le paquebot, je fume tranquillement une cigarette, guettant la foule trépidante d'impatience. J'ai longtemps aimé l'air marin, mais aujourd'hui, je le redoute. C'est la première fois que j'embarque pour une croisière de plusieurs jours, en compagnie de mon formateur, et ami, le capitaine du bateau. Les nuages gris s'étirant à l'horizon m'inspirent de mauvais présages, mais je n'ai pas envie de rater l'occasion d'amasser un peu d'argent.
— Perkins ! Tu tombes bien, viens m'aider.
Un des membres de l'équipage, certainement plus âgé que moi, m'interpelle. Je me redresse et m'approche de mon interlocuteur pour l'aider à soulever une des nombreuses caisses de provisions. Je garde ma cigarette en bouche le temps de monter dans le paquebot déposer le chargement, puis de redescendre sur le quai. De retour à l'extérieur, je souffle la fumée grisâtre qui commençait à m'irriter la gorge.
Puis je décide de retourner m'asseoir sur les caisses, pour reprendre mon observation de la foule. Je secoue délicatement le bâtonnet de tabac entre mes doigts, faisant s'envoler les cendres. Je porte de nouveau la cigarette à mes lèvres, pour la énième fois de la matinée. Mon esprit se vide petit à petit de toutes pensées positives, trop occupé à ruminer les idées noires. Je ne dois faire aucun écart. Je n'ai pas le droit à l'erreur. Surtout pas.
Mes yeux s'arrêtent sur une femme portant difficilement ses bagages. Je me relève et marche à sa rencontre pour lui proposer mon aide. C'est alors que je la reconnais : la femme du capitaine. Ses cheveux bruns virevoltants autour d'elle lui donnent un air léger. Je m'approche encore en dessinant un sourire sur mon visage, et en retirant ma cigarette de ma bouche pour la saluer.
— Madame... susurré-je en mimant une révérence des plus courtoises.
Cela lui arrache un rire amusé auquel je réponds par un autre sourire.
— Avez-vous besoin de mon aide ? questionné-je, en indiquant ses bagages.
Elle esquisse un nouveau sourire en répondant par l'affirmative. Alors j'écrase ma cigarette au sol du bout du pied avant de soutirer les valises de mon amie, pour les amener dans le paquebot.
Je gravis les marches une à une, jusqu'à parvenir à l'intérieur. Suivi de près par la femme du capitaine, je me dirige vers l'aile reculée comprenant les suites appartenant au personnel du paquebot. Jouant l'homme galant jusqu'au bout, je dépose les bagages devant la bonne porte. Cependant, en me redressant, je croise son regard et celui ci m'indique qu'elle n'est pas satisfaite.
— Pourrais-tu m'ouvrir la porte ? Je n'ai pas encore récupéré mes clés.
— D'accord, pas de soucis.
Je m'exécute en décrochant le trousseau de clé qui pend à ma ceinture, et déverrouille la porte de sa suite. Elle entre en récupérant chacun de ses bagages et je décide de la laisser s'installer tranquillement.
Je m'éloigne donc en marchant calmement, les mains dans les poches, lorsque je l'entends refermer sa porte. Je regarde l'heure sur ma montre et m'aperçois que le paquebot ne va pas tarder à partir. Je prends alors la direction du hall d'accueil pour voir si l'équipage a besoin de mon aide avec les clients.
Mais en passant devant l'une des nombreuses suites, j'intercepte des bribes de conversation traduisant clairement une altercation. De nature curieuse, je m'approche à pas de loup de la pièce où deux hommes s'échangent des piques. En jetant un coup d'œil, je parviens à reconnaître Monsieur Crowley, le capitaine du paquebot, en face d'un autre homme que je ne connais pas.
Il n'a pas l'air bien méchant, cependant son air contrarié face au capitaine traduit un inconfort certain. De ce que je comprends, je devine qu'ils parlent d'un problème d'attribution des cabines et que cela dérange fortement le deuxième homme. Trouvant cela peu intéressant finalement, je décide de les laisser à leur querelle pour m'acheminer vers le hall et accueillir le reste des passagers.
Je pousse les lourds battants en bois et entre dans l'immense salle aux teintes rouges et dorées et aux lustres luxueux. Tout brille, tout est lumineux, et cela a le don d'émerveiller les voyageurs qui ne cessent de prendre chaque objet en photo, aussi ridicule soit-il. Je soupire de lassitude face à tant de superficialité avant de me diriger vers le bar situé dans le hall pour aider les quelques collègues qui s'y démènent. Au vu du nombre de visiteurs, il me semble plus judicieux d'aider ici que dans la salle des machines, où j'ai l'habitude de passer la plupart du temps.
J'emprunte la porte menant aux vestiaires du personnel et y récupère mon tablier, que je m'empresse de nouer à ma taille, avant de ressortir.
Quelques personnes sont assises, d'autres debout. Certaines ont à boire, d'autres attendent encore. Par quoi commencer ?
Je distingue une jeune femme brune assise toute seule, l'air quelque peu ennuyée. Je m'approche d'elle, pour prendre sa commande, sans pour autant sourire chaleureusement, comme le font les autres barmans.
— Bonjour, vous désirez ? interrogé-je.
Elle lève promptement ses yeux clairs vers moi, semblant s'éveiller d'une micro-sieste. Elle met un certain temps à répondre à ma simple question, et cette perte de temps me fait serrer les poings. Je suis tendu. Pour si peu. Il faut que je me reprenne, sinon je risque de commettre des erreurs tout le long de la croisière. Je respire profondément, attendant toujours sa réponse.
— Euh... Hum. Je vais juste prendre des cacahuètes.
Des cacahuètes ? Juste des cacahuètes ? Est-ce qu'elle sait sur quel bateau elle est ? Je ne pense pas. Premièrement, elle a l'air totalement perdue, deuxièmement, elle prend juste des cacahuètes dans le meilleur bar, se situant sur le meilleur des bateaux de croisière.
— Ce sera tout ?
Elle hoche énergiquement la tête et je sors une petite coupelle pour y verser ses cacahuètes. Je la lui dépose devant elle en l'observant sortir un petit calepin pour y noter quelques mots.
— La note est à quel nom ? demandé-je en m'apprêtant à écrire sur le registre des suites.
— Mia Wilson. Comme ça se prononce, précise-t-elle, en me regardant écrire.
Mia Wilson, Mia Wilson. Mathieu Crowley m'a nommé chaque personne particulière qui embarquait avec nous et je suis persuadé avoir entendu ce nom-là sortir de sa bouche. Ça doit être l'actrice.
Non, impossible. Elle serait forcément accompagnée par sa manager ou quelqu'un d'autre. Peut-être que c'est l'avocate alors. Non, il me semble qu'elle s'appelait Madame Williams.
— Vous êtes écrivaine, n'est-ce pas ? m'informé-je alors. Désolé d'être indiscret, on m'a prévenu de votre venue et je voulais simplement vérifier.
Son regard croise le mien et elle écarquille légèrement les yeux.
— Oui, c'est ça.
Je hoche doucement la tête.
— D'accord. Bienvenue, alors.
Je peins un sourire faussement chaleureux sur mon visage avant de finalement la laisser vaquer à ses occupations pour reprendre les miennes.
Je remarque alors la présence d'autres invités que Mathieu a mentionné. L'avocate Madame Williams sirote un cocktail, en compagnie de l'autre avocat dont je ne me rappelle pas le nom. Je reconnais ensuite l'actrice, Mély Adams, assise dans un sofa et visiblement en train de lire un script. Je balaie les environs des yeux mais ne vois pas les autres invités de mon capitaine. Ils doivent certainement être dans leurs chambres, en train de s'installer.
Un bruit sonore résonne dans le paquebot et fait battre mon cœur plus promptement. Je souris pour moi-même, connaissant parfaitement la signification de cet écho. Le bateau a quitté le port, nous voilà partis pour vingt-trois jours à naviguer dans les eaux salées du Pacifique.
VOUS LISEZ
Murder Party
Mystery / ThrillerVous avez à la fois une âme d'enquêteur et d'écrivain en vous ? Vous êtes au bon endroit ! Bienvenue dans la Murder Party, façon écrivain. Embarquez sur un navire d'exception pour une croisière inoubliable de vingt-trois jours. Résolvez l'énigme q...