Chapitre 15

882 53 4
                                    

« There is a stranger that sleeps in my bed every night.
I call him stranger because I know nothing of him except lies.
There is a stranger that sleeps in my bed every night.
I want to call him that way because that way hurt less than giving him a name.
The name of the only boy who ever steal my heart.
The name of the only boy who ever break it apart.»

(Il y a un étranger qui dort dans mon lit chaque nuit. Je l'appelle étranger parce que je ne sais rien de lui à part des mensonges. Il y a un étranger qui dort dans mon lit chaque nuit. Je veux l'appeler ainsi parce que ça fait moins mal que de lui donner un nom. Le nom du seul garçon qui ait jamais volé mon cœur. Le nom du seul garçon qui l'ait jamais brisé en morceaux.)

Lando ne se sent presque pas vivant. Il a été tué de l'intérieur. Sa douleur est telle qu'il ne croit jamais pouvoir l'effacer. Mais il est jeune, oh bien sûr qu'il est jeune et pourra l'effacer, mais aux affres du désespoir il s'abandonne. Il a déjà versé trop de larmes.

La pensée de bientôt revoir George et Alex le fait tenir. Ce sera fini très prochainement. Tout sera fini. Il pourra oublier cette mauvaise expérience et ne garder que les points positifs. Avoir rencontré de bonnes personnes malgré tout.

Mais avant ça ...

Max et lui ont demandé à ce qu'une caméra leur soit prêtée. Ils répondront d'eux-mêmes à leurs « fans ». Sans artifices, sans mauvaises surprises. Il arrange l'angle pour le positionner sur le balcon, il n'y a quasiment personne. Son set-up paré, il allume la caméra, s'installe sur un fauteuil.

— Petite vidéo spéciale aujourd'hui puisque je vais vous répondre. Sans détour. Sincèrement.

Il prend une grande respiration, essayant de calmer la boule qui s'est formée dans sa gorge. Si compliqué.

— Oui je suis gay. Et je ne pense pas que ce soit quelque chose duquel je dois me cacher. Je pense qu'aujourd'hui, en 2020, les gens doivent se montrer plus ouverts et accepter ceux qui peuvent être différent. Aimer a-t-il déjà été un crime à vos yeux ?

Son regard se perd un instant dehors, il croit voir du mouvement dans le salon.

— Je suis différent. Et je ne le suis pas. Si ça ne vous plaît pas tant pis. Je ne fais pas Youtuber pour l'argent, je le fais parce que j'aime ça. Et je ne veux jamais, jamais, être jugé pour mes préférences parce qu'elles sont miennes. Pas vôtres.

Ses mains tremblent, il est moins assurée et elles sont moites. Il les essuie sur son jean.

— Je ne suis sûrement pas la personne la plus appropriée pour vous faire des leçons. Je ne suis personne après tout et être ici me l'a bien fait comprendre. Je ne suis pas assez important quand on me confronte aux autres. Mais ...

Un regard plongé dans l'objectif de la caméra, à la recherche de ses sensations, d'une réelle accroche. Quelque chose auquel accorder de l'importance. Une cause.

— Mais si vous voulez bien m'écouter alors sachez qu'il n'y a aucune honte à avoir. Il faut toujours être fier de soi, de qui on est. Même si ... même si ... ce n'est parfois pas facile.

Vidéo coupée. Il n'a pas énormément de cut à faire, elle est très courte après tout. Il se veut au plus naturel alors, finalement, il n'y change quasiment rien. En la postant, il sent sa petit bulle éclater et l'anxiété le submerge de nouveau.

Lando essaye de se calmer. Vraiment. Il ne veut attirer l'attention de personne quand ils sont probablement tous en train de s'amuser ou de converser dans le hall. Il ne veut pas les déranger. Il doit se gérer.

Ces crises ... ça fait longtemps. Ou il en a eu peu. Et ses meilleurs amis étaient là avec lui à chaque fois.

Sa vision se trouble et l'écran de son téléphone devient illisible. Respiration haletante. Il tombe au sol et se replie sur lui-même, genoux contre son torse dans une ultime tentative désespérée.

Rien ne l'a préparé à ça. Soyez qui vous êtes dit la société avant de vous planter un couteau dans le dos parce que vous êtes différent de la norme. Soyez sincère disent les gens avant de vous rejeter parce que vous n'êtes pas comme eux, ne pensez pas comme eux, n'êtes pas formaté comme eux.

Se défendre constamment. Épuisant. Plus les problèmes de cœur. Optionnels en quelque sorte. Si ce n'est qu'on ne contrôle malheureusement pas de qui on tombe amoureux. Un éternel cycle.

Ses pensées s'assombrissent. Et semblent disparaître petit à petit. S'effacer. Il manque d'air. Terriblement.

Deux mains se posent sur ses épaules comme pour le stabiliser, le faire s'accrocher à la réalité et il a l'impression terrible de ne rien voir, ne pas être conscient.

— Écoute-moi. Chut. Écoute-moi. Voilà. Maintenant tu vas suivre ce que je te dis d'accord ?

Sa main est déplacée et vient se poser à plat contre un torse.

— Tu sens ma respiration là ? Tu la sens ?

A travers le brouillard qu'est sa tête, il acquiesce vaguement.

— Très bien. Essaye de la suivre. Inspire et ... expire. Inspire et ... expire.

Tenter de se synchroniser à quelqu'un d'autre. Réapprendre à respirer. Être aidé. Sous ses doigts, le corps se soulève et sa respiration le suit à son tour avant de redescendre. Plusieurs fois. Une, deux, trois fois ... calmement. Petit à petit. Le noir disparaît et sa vision se stabilise. Deux bras forts se sont enroulés autour de lui pour le maintenir.

Carlos.

En réalisant cela, il a un sursaut et l'espagnol, le croyant encore dans sa crise, lui caresse doucement le dos pour tenter de l'apaiser.
Et le pire est que cela marche. Cela fonctionne sur lui, il sent tout son corps s'affaisser, il se sent ... aller mieux.

Ils restent comme ça pendant quelques instants. En silence. Comme ayant peur de la vérité qui se cache derrière. Ou du moins c'est ainsi qu'il se sent. Toujours. Compliqué de jauger les sentiments des autres, de les savoir, de les connaître.

— Corazón ...

Il ne dit rien, il se tait et se dégage de l'étreinte lentement. Il ne sait pas s'il a envie de l'entendre. Peu importe ce que le plus âgé a à dire. Il n'en peut plus. Il veut juste que tout se finisse. Il veut retourner au moment où il ne savait encore rien de l'amour. Son cœur bat dans sa poitrine.

Il déteste ce sentiment.
De l'espoir.
Voilà ce que c'est.

🏁🏁🏁🏁🏁

Cette partie m'a donné l'idée de ce petit poème, je voulais introduire ce chapitre par celui-ci. Lando qui se confronte à son public, c'est un peu plus introspectif et c'est plus centré sur lui, je pensais qu'il était bon de s'attarder dessus. J'espère que ça vous a plus !

A 12M ChoiceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant