Chapitre 13

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Tout est prêt. Il ne manque plus  que Laetitia et Fabi. Je me suis vraiment prêtée au jeu. Oui, à mon grand âge. J'ai acheté du pop corn, des pizza, de la glace et même déjà sélectionné une liste de films à visualiser.
Cela me manque de vivre. Et rien que la perspective de penser à autre chose qu'à ma petite vie pathétique pendant une soirée, mon moral est boosté.
Ça fait des mois que je ne connais plus l'excitation. Que chaque jour se ressemble. Que la douleur, au lieu de s'atténuer, ne cesse de s'amplifier.
Aujourd'hui, au moins j'ai un poids en moins. Ou un en plus, je n'arrive pas à me décider. Après mon déjeuner avec Lae, je suis passée voir ma mère et je lui ai parlé de ma grossesse. C'est trop gênant d'avoir cette conversation avec mon père alors je lui ai demandé de s'en charger à ma place.
Maman était très excitée. Qui peut la blamer ? C'est son premier petit enfant. En plus, elle n'a entendu qu'une portion de l'histoire. Je n'ai juste pas pu m'ouvrir à elle. Surtout quand elle a commencé à me saouler avec les histoires de yebi. Je l'ai écouté d'une oreille distraite avant de m'en aller.
J'ai profité de la visite pour demander la permission pour que Fabi vienne passer la nuit à la maison. Maman m'a demandé d'inviter Satou aussi. Mais cette dernière n'a pas voulu la laisser seule avec les taches ménagères. Je commence à croire qu'elle a peur de sortir. Satou est d'une timidité maladive. Je n'ai pas insisté aujourd'hui. Mais il est grand temps qu'elle ait une vie. Et je compte bien faire quelque chose à ce sujet. Quoi ? Je ne sais pas encore. Mais je trouverai.
On sonne à la porte. Je ne me déplace pas sachant que Abou s'en chargera. Quelques secondes plus tard, j'entends quelqu'un hurler catastrophe.
- Je suis au salon, crié-je en retour.
Elle me rejoint avec un énorme sac de voyage.
- T'as l'intention d'emménager ou quoi ? Dis-je en riant.
- J'ai juste apporté des trucs au cas où. Et puis y a ma valise à make-up. C'est surtout ça qui prend de la place.
- Valise à make-up ? Pour dormir ?
- N'as-tu donc jamais regardé de film ? Hellooo ? Soirée pyj sans maquillage n'est que ruine de sommeil.
- Lol. Si tu le dis.
J'appelle Fabi pour voir où elle est. Elle me dit qu'elle est coincée dans les bouchons. En l'attendant, on s'apitoie chacune sur son sort. Répétant encore une fois, des détails dont on a déjà parlé ce midi.
Fabi nous trouve avachies sur un canapé, au bord de l'effondrement émotionnel.
- C'est quoi ces têtes d'enterrement ? Eh je ne suis pas venue ici pour ça dé moi.
- On est juste... un peu tristes.
- Tristes pour quoi ?
- Ibou m'a larguée.
- Quoi ? Mais pourquoi ?
- Et Ismaïla m'a officieusement larguée.
- Q-WAH ?
Elle lève les mains en l'air.
- Vous voulez me rendre folles toutes les deux. Qu'est-ce qui s'est passé ? Aysha, toi en premier.
Je lui fais un résumé de ce qu'elle a raté.
- Donc si je comprends bien tu as laissé ton mari tout seul avec une femme. Tu es partie en leur laissant le champ libre ? Mais Aysha est-ce que tout va bien dans ta tête ? Des fois, j'ai vraiment l'impression que de nous deux c'est toi la cadette.
- Que voulais-tu que je fasse ?
- Mais que tu t'imposes bon Dieu.
- En quoi faisant ? Et puis à quoi bon me battre puisque le principal concerné ne peut même pas me voir en peinture.
- À quoi bon te battre ? Tu veux que ton enfant grandisse sans son père ? Tu vois le style de vie auquel tu es habituée ? Tu veux le priver de tout ça aussi ?
- À quel moment c'est devenu à propos d'argent ? On avait peut-être pas tout ce luxe, mais on s'en est bien sortis. Cet enfant s'en sortira tout aussi bien. Je te parle de sentiments et toi tu me sors des bêtises à la con.
- Okaaaaaay les filles, on se calme, intervient Lae.
Je n'aime pas me disputer avec Fabi. Nous sommes tellement proches que j'ai l'impression de me tisonner à chaque fois.
- On est là pour se détendre pas créer de nouveaux problèmes. Ok ? Donnez vous la main.
Laetitia a le don de me mettre hors de moi.
- Inutile de me regarder comme ça. Comme vous vous comportez comme des enfants, je vous traite comme tel. Donnez vous la main. Et que je n'entende plus un mot de négatif dans cette maison. Fabi, désolée, tu es la plus jeune, tends la main.
Fabi et moi on la regarde en fronçant les sourcils. S'il y a une chose que tout le monde sait à propos de Laetitia c'est qu'elle ne laisse jamais tomber. Pour en finir une bonne fois avec cette absurdité, je tends la main à Fabi. Elle la saisit sans me regarder. Et nous voilà  transportées dans la cour de l'école primaire. C'est ridicule.
- Bien. Maintenant on met cet incident de côté et on poursuit le programme. Câlin de groupe.
Comme aucune de nous ne bouge, Laetitia menace.
- Câlin j'ai dit ! Wallah m'obligez pas à vous mettre au coin !
Sans le faire exprès, j'ai laissé échapper un rire. Fabi aussi.
- Câlin wesh !
On se retrouve toutes trois dans une rapide étreinte avant de «poursuivre le programme». D'abord, on enfile nos pyjamas alors qu'il eat à peine 20h. Ensuite, je réchauffe les pizza pendant que Lae s'occupe du pop corn. Puis, on s'installe devant l'écran plat pour regarder Think like a man pour la 72e fois. Après le tome 1, Laetitia propose une séance maquillage.
- Vous pensez que je vais trimballer tour ce matos pour rien ? Aucune chance.
Pendant qu'elle maquille Fabi, je reçois un appel de Maina. Je lui explique que les filles sont venues passer la nuit à la maison et elle semble vexée de n'avoir pas été invitée. J'ai beau insister pour qu'elle se joigne à nous, elle refuse.
Cette amitié avec Maina est assez nouvelle pour moi. Et honnêtement, j'avais besoin des miens. C'était un peu égoïste de ma part de ne pas l'inviter. Sauf que de nous toutes, c'est celle qui a le plus besoin de se détendre. Sa vie est en jeu. Alors que nos peines de cœur, nous allons nous en remettre.
- Les filles, on a une nouvelle mission. Maina. J'ai oublié de vous dire. Elle a un cancer du sein. S'il y a une personne qui mérite une soirée détente, c'est bien elle.
- Un quoi ?
- Cancer...
- Nooooooon !
- Seigneur Jesus !
Elles commencent à parler toutes les deux en même temps et je les arrête.
- Venez on va la chercher. Je vous explique en route.
Je mets un peignoir  par dessus mon pyjama et des pantoufles. Plus pour cacher mon ventre qu'autre chose. Je regarde Lae avec sa nuisette et Fabi avec son bout de t-shirt et leur passe des kimono aussi. Hors de question qu'on se fasse arrêter pour exhibitionnisme.
En dix minutes, on arrive chez mes beaux-parents.
Ils m'ont regardé de haut en bas sans rien dire. J'ai dû répéter les salutations pour qu'ils me répondent. Il faut dire qu'il ne m'ont jamais vu aussi débraillée. Fabi et Laetitia avec leurs kimonos, Fabi à moitié maquillée. Ils doivent se demander si on a perdu la tête. Ou s'il est arrivé quelque chose à Ismaïla pour que je me présente à cette heure-ci et dans cette tenue.
Je m'empresse de les rassurer.
- En fait, on a improvisé une soirée pyjama avec les filles et je me suis dit que ça ferait du bien à Maina de passer une soirée entre filles.
- Ahh, quelle bonne idée ma fille, sourit mon beau-père. Maina ? Maina !
On l'entend répondre au loin. Puis, elle se présente moins d'une minute plus tard. Elle nous tend les mains à toutes avant de demander :
- P'pa ? Tu m'as appelée ?
- Oui. Aysha est venue t'inviter à passer la soirée avec elle et ses sœurs.
- Puisque tu n'es pas venue à nous, la soirée pyjama est venue à toi. À toi de voir, on peut rester ici ou on peut retourner à la maison.
- Mais je vais au boulot demain.
- Laetitia aussi. Fabi aussi va en cours. T'as qu'à juste emmener tes affaires et tu n'auras qu'à y aller à partir de chez moi.
- Vas y ma chérie, commente belle-mère. Ça te fera du bien.
- Ok. Je vais chercher mes affaires.
- Attends je viens avec toi. Je vais demander à Nabou si elle a envie de se joindre à nous.
- Elle a un exam demain, je ne pense pas qu'elle pourra.
Je la suis quand même et propose pour la forme. Nabou décline et se remet immédiatement à ses révisions. Franchement, tant mieux. Elle m'énerve un peu dernièrement avec sa froideur.
Je retourne au salon et trouve Laetitia et Fabi sages comme des images. Eh ben. On devrait venir ici plus souvent.
Maina revient avec un sac et nous prenons congé. Alors que je m'apprête à sortir ma belle-mère me retient. Je sens déjà l'odeur des problèmes. Elle va certainement me reprocher de faire la fête pendant que mon mari est malade.
- Merci de prendre soin de Maina.
Iyeiiiiiii. Elle a dit merci ? J'exhibe toutes mes trente deux dents en répondant.
- Inutile de me remercier. Vous êtes ma famille maintenant. Et il n'y a rien que je ne ferais pas pour ma famille.
On se souhaite bonne nuit et je suis les filles.
Dès qu'on entre dans la voiture Laetitia est prise d'un fou rire.
- Mais esk guiss ngen niu ? Nio ngi melni ay clochards. (On ressemble à dés clochardes). J'arrive pas à croire que tu nous as traînés chez tes beaux-parents en robe de nuit. Aysha yow niit ngeu ? (T'es pas sérieuse Aysha). On aurait quand même pu se changer. Lii dh sagnou ma ko neteuli fen. ( Je n'oserai jamais en reparler)
Fabi elle aussi se met à rire.
- Motaxit titt negn ba meunou niu wax. Niunit ken demoul niu dess. Aysha bu weroul ben, niun niu doff niar. Comme topp negn ko. (Les pauvres étaient tellement choqués qu'ils ne pouvaient même pas parler. Mais s'il manque une case à Aysha, il nous en manque deux puisque nous l'avons suivie sans rien dire.)
À vrai dire, elles avaient catégoriquement refusé de descendre de voiture lorsque nous sommes arrivées. J'ai joué la carte de la grossesse. Comme quoi ils allaient moins remarquer mon ventre si on était plusieurs. Maintenant que j'y pense, nous sommes carrément ridicules. On ressemble à du n'importe quoi. J'ai trop pris la confiance. Jamais je n'aurais osé me présenter ainsi chez eux un an plus tôt.
- Mom key, enchaîne Maina, ngen melni niuy jouer films, di diay dramatique ak seni tokk pyjama. (C'est clair que vous avez été un peu trop dramatiques avec vos pyjamas)
- Il le fallait bien puisque tu ne voulais pas venir de ton plein gré.
- Je suis contente que vous soyez venues me chercher.
On retourne rapidement à la maison. Je sors un pot de glace  pendant que Lae termine le maquillage de Fabi.
- Je peux en avoir ? Demande Maina.
- Désolée je mange pour deux. Y en a dans le frigo. Va te servir.
- Paresseuse.
- Merci.
Ensuite, c'est au tour de Maina de se faire maquiller. Lae prend vraiment son pied. Elle propose même d'aller danser après ses chefs-d'œuvre. Mais personne ne lui répond. Si elle a encore de l'énergie, pas nous. Et demain, il y a école et boulot pour tout le monde excepté moi.
On met le tome 2 du film mais les filles s'endorment avant la fin. Lae dans le second  canapé, Maina dans un fauteuil, et Fabi sur le tapis près de mon canapé. Je me lève pour aller aux toilettes et revient m'allonger sans éteindre la télévision. Le bruit de fond va sans doute m'aider à m'endormir aussi.
- Désolée de t'avoir criée dessus tout à l'heure, chuchote Fabi. Je crois que j'étais juste blessée que tu ne m'en aies pas parlé plus tôt.
Je me penche vers elle.
- Tu dors pas ?
- Non.
- Moi non plus.
- T'es bête. Évidemment que non.
- Je suis désolée aussi. Je voulais te le dire mais j'ai ce stupide espoir que Smaïl reviendra. Et je ne veux pas qu'il y ait des tensions entre lui et tout le monde. Ne dis rien aux parents s'il te plaît.
- Je ne dirai rien.
Je suspecte quelques soucis de son côté alors je lui demande si elle veut en parler.
- Je ne sais pas.
- D'accord. Je suis là si tu as besoin.
Je m'allonge à nouveau. Quelques secondes plus tard, je l'entends me dire :
- Je pense qu'on va casser avec Babacar.
- Pourquoi ?
- On se dispute h24. Pour des bêtises. En plus, il me met la pression pour le mariage. Comment on est censés se marier si on arrive même plus à se parler ? Si on arrive même plus à se supporter ?
- Est-ce que tu l'aimes toujours ?
- Oui. Et lui, il t'aime toujours ?
- Je ne sais pas.
- Je dirai que oui puisqu'il veut t'épouser.
- Je suppose que tu as raison.
- Je pense que c'est dans l'évolution normale de toutes les relations. Tous les couples passent par ce stade où ils s'entretuent presque. Subitement vous vous disputez à propos de la couleur du ciel sans même comprendre pourquoi. Alors que tout allait bien. Partager la vie d'une personne c'est aussi partager ses différents problèmes, s'adapter à lui, l'accepter avec sa famille, ses amis, ses responsabilités. Parfois les différences d'éducation ou de culture trop marquées peuvent peser sur le couple aussi. C'est normal d'être différent l'un de l'autre. Ce qui compte avant tout, c'est d'arriver à un accord sur les questions centrales de votre relation. Et de partager une vision similaire de l'avenir.
Les moments de galère j'en ai connu aussi avec Ismaïla. Et j'aurais aimé que quelqu'un me dise que rien ne clochait avec nous. Qu'on apprenait juste à communier. Parfois, c'est vrai, il y a des différences fondamentales beaucoup trop marquées qui ne peuvent marcher sur le long terme. Mais la plupart du temps, c'est juste ça, une phase.
- C'est difficile de vivre avec quelqu'un. Inconsciemment, chacun veut changer l'autre pour qu'il corresponde à un idéal. Ou alors ce sont des frustrations ou des fautes du passé qu'on a pas digéré qui refont surface au cours des disputes. Il faut absolument que vous parliez du fond du problème. Vous êtes les seuls à le connaître. Les disputes incessantes dans un couple épuisent à la longue et séparent. Mais vous vous aimez. Alors essayez de mettre cette tempête derrière vous.
- Tu deviens de plus en plus mature, tu sais.
- Respecte moi, petite.
- Et tu comptes appliquer tes conseils ? Mettre la tempête derrière et tout ça.
- Ce n'est pas pareil Fabi, et tu le sais.
- Mais tu aimes ton mari non ? Alors bats toi, toi aussi.
- Il ne veut pas de moi. Il ne m'a pas appelé une seule fois depuis que je suis là. Ne serait-ce que pour me demander si je suis vivante. Que veux-tu que je fasse ? Je suis une inconnue pour lui. Une inconnue dont il ne veut pas. J'ai tout essayé crois moi.
- Pas tout non, jusque-là tu n'as rien été d'autre que docilité. Combats le feu par le feu.
- Quoique je fasse, je ne peux pas l'empêcher d'être avec une autre femme s'il le désire. Il a droit à quatre putain de femmes.
- Soit. Mais il te doit le respect. Il se doit d'être un mari pour toi, de prendre soin de toi, physiquement et mentalement. Réclame tes droits. Ne leur facilite pas les choses.
- Je suis d'accord avec Fabi, commente Maina.
Je me tourne vers elle.
- Je croyais que tu dormais ?
- Apparemment non. Et Fabi a raison. N'abandonne pas aussi facilement. Astou n'est pas méchante au fond, juste amoureuse. Je ne défends pas ce qu'elle fait. Seulement une femme désespérée fait des choses désespérées. Il serait peut-être temps que toi aussi tu fasses des choses désespérées pour récupérer ton homme.
- Je vais y penser.
On reste silencieuses pendant un moment. Puis on entend Laetitia.
- Je passe tout mon temps à pleurer. Pendant la pause, je m'enferme dans les toilettes et je pleure. J'ai l'impression que ma vie n'a plus aucun sens. J'ai tellement mal que j'ai l'impression que mon cœur va s'arrêter à tout moment. Et jamais je n'aurais cru que toute cette douleur ce serait Ibou qui la causerait. Je lui ai consacré presque 5ans de ma vie. On a été étudiant ensemble, on est entré dans le milieu professionnel ensemble. Avant qu'il ne trouve un boulot, chaque mois je lui donnait une partie de mon salaire. Je l'ai attendu jusqu'à ce qu'il soit stable financièrement. Et ce n'est même pas à propos de l'argent. Parce que tout ce que j'ai fait pour lui il me l'a rendu au centuple. Mais toute ma vie tournait autour de lui. C'est avec lui que je veux faire ma vie, c'est avec lui que je veux élever des enfants. Lui et personne d'autre. Et d'un coup paf. Il me lâche comme ça sans prévenir. Comment je fais pour oublier un homme qui ne considère pas notre relation assez importante pour se battre contre ses parents ? Comment je fais pour ne plus rien ressentir ?
- Tout ce que tu viens de nous dire, c'est à lui que tu dois le dire, dit Fabi. Il doit se battre. Et s'il refuse malgré tout, c'est qu'il ne te mérite pas. Et dans ce cas, tu vas devoir passer à autre chose. Même si ça fait mal.
- Je lui en veux tellement que je ne peux même pas lui parler.
- Je comprends tout à fait le sentiment, commenté-je. Mais s'il y a une seule chance que tu puisses le faire changer d'avis, fonce. Des parents qui ne sont pas d'accord, c'est gérable. Tant que ton mari te défend et que tu vis loin d'eux. Ma belle-mère ne me supporte pas et pourtant Ismaïla et moi on est très heureux. Enfin, on l'était.
Me rendant compte de ma bourde je m'empresse d'ajouter :
- Sans vouloir t'offenser Maina.
- T'inquiètes. Beaucoup de cœurs brisés par ici. Mais je remporte quand même la palme. Je vais perdre l'homme que j'aime parce que je n'ai plus confiance en moi. Et j'ai peur de mourir.
- Tu ne vas pas mourir, dit-on en chœur.
- Vous ne pouvez pas affirmer cela. Ce cancer peut m'emporter du jour au lendemain. Ou réapparaître un beau jour alors que je me pensais guérie. Je ne suis pas prête à mourir. Je ne suis pas prête. J'ai envie de vivre, de fonder un foyer. Je veux avoir le temps d'être une meilleure personne avant de partir. Parce que là là c'est chaud. Mon enfer c'est vraiment 50-50. Je veux des enfants, des voyages, vieillir, tout ça. Je ne suis pas prête.
- Avant de mourir, tu peux s'il te plaît m'offrir ta bague là ? Elle est trop belle.
- Laetitia ! m'indigné-je.
Maina se met à rire entre les larmes. S'il y a une chose que Lae sait faire, c'est dédramatiser une situation.
- C'est ma bague de fiançailles, mais je te la laisse sans souci. Au moins toi tu ne me traites pas comme une chose fragile.
- Pendant qu'on y est je ne t'aimais pas beaucoup jusqu'à très récemment.
- C'est très réciproque.
On rit toutes les quatre.
- Dire qu'on était censées se détendre. Et nous voilà toutes les quatre en larmes.
- Mais ça m'a fait du bien de parler, dit Maina.
- À moi aussi. Même si je ne m'attendais pas à être entendue par tout le peuple, ajoute Fabi.
- Bon, trêve de déprime là, dit Lae en s'asseyant. On pourra toujours s'y remettre demain. En résumé, toi, tu dois parler à ton mec. Toi tu dois récupérer ton mec. Toi tu dois avoir la foi ET rester avec ton mec. Et moi je dois faire entendre raison à mon mec ou passer à chose le cas échéant. En gros, on a un enfant à accueillir et trois mariages à concrétiser. On se donne rendez-vous dans une semaine pour faire le point. En attendant, par pitié, arrêtez de faire vos meufs waay. Bref, tu remets le film lcomme personne ne dort ?
- Dit la fille qui essuie ses larmes.
- Tu mets le film ou quoi ?
Je recule la bande et on fixe à nouveau l'écran.
Un enfant à accueillir et trois mariages qui doivent voir le jour. Je ne peux m'empêcher de repenser aux événements qui ont conduit à cet enfant. Une curieuse coïncidence d'ailleurs... La première fois que j'ai entendu parler de Babacar, a été le jour où Ismaïla m'a demandé de l'épouser. C'est peut-être un signe. Un signe qu'eux au moins s'en sortiront.

FlammeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant