Chapitre 20

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Maman Satou

En tant que mère, on a le poids du monde sur les épaules. En plus de nos propres erreurs, on doit aussi payer pour celles de nos enfants. Parce que cette société nous tient responsable de chacun de leurs échecs. C'est injuste mais c'est ainsi.
Aysha est encore jeune. Et malgré qu'elle soit une femme mariée, c'est une idéaliste. Je pense qu'elle n'a connu que le bonheur avec son mari. Enfin, principalement. C'est leur premier réel heurt. Par conséquent, elle pense qu'une rupture est la seule solution. Mais elle a tort. De plus, je m'inquiète énormément après ce que j'ai entendu la dernière fois. C'est assez dur pour moi d'avoir cette conversation avec ma fille. Ma génération n'est pas connue pour ses talents de communication.
Je la retrouve dans la chambre avec Fabi. Elle semble perdue dans ses pensées.
- Aysha. Ya ngi tok. (T'es là)
- Oui.
- Tu peux nous laisser seules un moment Fabi ?
Fabi se lève. Je sais qu'elles en parleront probablement plus tard mais je préfère qu'on ait un peu d'intimité.
- Aysha. Tu as dû remarquer que je n'ai pas du tout participé à la conversation tout à l'heure. Je ne savais pas quelle position adopter. Je dois t'avouer que depuis la conversation que j'ai entendue l'autre jour avec Ismaïla, j'ai un peu peur.
- Peur ?
- Oui. Il me semble que cet homme, Zac c'est ça ? J'ai cru comprendre qu'il se passe quelque chose entre vous. Je pensais que c'était juste ton ami. Qu'est-ce qui se passe Aysha ?
- Rien, maman. Ismaïla est très jaloux, c'est tout.
- Est-ce qu'il a des raisons de l'être ?
Elle ne répond pas.
- Si les relations hommes-femmes sont vues d'un mauvais œil c'est pour cette raison. C'est pour éviter ce genre de situations. La tentation est une réalité. Parle moi ma fille.
- Il ne s'est rien passé entre Zac et moi.
- Le problème ce n'est pas qu'il se soit passé quelque chose ou non. Mais plutôt est-ce que vous avez eu envie qu'il se passe quelque chose ?
- Honnêtement, Zac a été très présent. Et je me suis beaucoup attachée à lui.
- C'est à cause de lui que tu veux divorcer ?
- Non !
- Je ne veux pas que tu fasses une erreur. Tu sais Ismaïla depuis que tu l'as amené ici, il n'a été qu'un modèle de perfection. Tu n'as manqué de rien et nous non plus. Il a pris soin de toi, t'a couvert d'amour et de respect. Des erreurs, il en a commis. Il en commettra encore. Tout comme tu en as commis et tu en commettras. Tout comme tu es en train d'en commettre. Je n'ai pas besoin de te rappeler qu'une femme mariée ne devrait pas penser à un autre homme.
- Donc moi je n'ai pas le droit mais lui si ?
- Tu auras beau t'egosiller, la société pardonnera un homme infidèle. Mais une femme infidèle ? Tu vas te faire lyncher sur la place publique. C'est injuste mais c'est comme ça. En plus, cet homme, tu ne le connais pas. Qui te dit qu'il ne sera pas pire ? Au moins, on sait que ton mari a été manipulé. Mais jamais il ne te ferait du mal intentionnellement.
- Tu sais ce qu'il m'a dit quand on s'est vu ? Que j'étais une femme adultère et que l'enfant que je portais n'était pas le sien. Tu t'imagines ?!
- Il a fait ça ?
- Il a fait ça key !
Les hommes aussi, ils sont difficiles à défendre.
- En tout cas, Ismaïla en terme de teranga desselatoula dara. (Que n'a-t-il pas fait pour toi)
- Arrêtez chaque fois qu'une femme vous parle de ses problèmes, vous ramenez le sujet à tout ce que son mari a fait pour elle. Ce n'est pas parce qu'il m'a offert le monde sur un plateau que je dois me taire et supporter n'importe quelle maltraitance de sa part.
- Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Les hommes sont tous pareils. Degn nan ku né goor baxna sa baye mo takh. Waay man sa ndeye bo ma ladione sa mbirou baye, bayi ko. (On dit qu'on ne défend les hommes qu'à cause de son propre père. Mais si moi je te parlais de ton père, tu ne voudrais plus rien avoir à faire avec lui.) Il n'y a pas une sorte de maltraitance que je n'ai pas subie ici. Et pourtant je suis toujours là. Si je n'étais pas restée, toi et tes frères ne seraient pas là. C'est après le piment que vient le miel. Et crois moi, si tu penses quitter un enfer pour un paradis, tu te trompes. Et puis franchement, un homme qui tourne autour d'une femme mariée ne m'inspire pas confiance.
- Il n...
- Non inutile. Tu ne m'as pas donné de détails mais je ne suis pas bête. Cette amitié est plus que tu ne le prétends. J'aimerais pouvoir dire que je ne te juge pas, mais c'est faux. Ce que j'ai à dire c'est que ton mari a été irréprochable jusqu'ici. Tu peux encore sauver ton mariage. Au lieu de t'engager dans Dieu seul sait quoi. On mérite tous une seconde chance. Tu crois vouloir divorcer mais tu ne sais pas ce que c'est que le divorce. Mentalement, socialement. Tu en réalises pas ce que ça va te faire de te détourner de cet homme.
- Ça fait des mois qu'on ne se parle pas. Alors c'est tout comme.
- Des mois où tu te savais être sa femme. Des mois où tu as porté son enfant. Crois moi cette solitude ci et celle à venir sont diamétralement opposées. Le divorce c'est en dernier recours. Avant d'en arriver là, il fait d'abord essayer de réparer. Essaie de réparer avant d'avoir des regrets pour le restant de tes jours.
Avant de venir la trouver, j'étais inquiète. Je le suis encore plus, maintenant. Elle n'a pas idée de ce à quoi elle s'expose.
J'espère juste qu'elle va prendre la bonne décision.

FlammeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant