Chapitre 11

3K 485 9
                                    

Mon corps et mon esprit sont engourdis. La pire des sensations c'est d'être si vide qu'on arrive même pas à pleurer.
J'inspire profondément en fermant ma valise. Oui, je m'en vais. Ce n'est même plus pour ma survie, mais celle de mon enfant. Il arrive un moment où il faut savoir dire non. Ce moment est arrivé pour moi.
Je n'aurais pas tenu plus de deux mois, mais je défie quiconque de me dire que je ne suis pas une bonne femme. J'ai accepté ses sauts d'humeur, sa froideur, sa méchanceté gratuite. Je me suis humiliée en le suppliant de me choisir. Je l'aurais fait à nouveau sans hésiter. Je me serais rabaissée chaque jour s'il le faut. Jusqu'à ce qu'il m'accepte à nouveau.
Mais une autre femme, c'est ma limite. Je refuse de rester aux côtés d'un homme qui choisit une autre femme plutôt que moi. Amnésie ou pas. La polygamie c'est plus que je ne peux supporter.
Je ne vais pas me battre. Je n'en ai pas la force. Je ne peux mener qu'une bataille à la fois. Et je choisis mon enfant.
Il m'a trahie. Il nous a trahis. Il veut rester avec Astou, tant pis pour lui.
Tata Virginie. Je me demande comment elle va le prendre. Ce qui est sûr c'est que ma décision est prise et je ne reviendrai pas en arrière.
Je toque deux coups discrets à sa porte et elle me répond aussitôt.
- Ah ma fille. Entre, entre ne reste pas là bas.
Elle tapote le lit pour m'inviter à m'assoir. Je prends place et garde les yeux rivés sur mes doigts.
- Tout va bien ?
- Euh... Oui et non. Je voulais te remercier de nous avoir accueilli. Tu as été une mère pour moi ici. Toujours au petit soin pour moi alors que ça aurait dû être le contraire. Vraiment merci.
- Mais ce n'est rien ça. Isma c'est mon enfant et par conséquent toi aussi. Prendre soin des gens c'est quelque chose que j'aime faire. Ne me remercie surtout pas.
Je souris timidement.
- Et toi dis moi ? Comment tu te sens ? Comment va mon petit-fils ?
- Qui te dit que ce sera un garçon ?
- Je veux un mari alors t'as intérêt à m'en ramener un.
- Je vais voir ce que je peux faire.
- Voilà qui est mieux. Alors t'en as parlé à Ismaïla ?
- Pas exactement. En fait, je ne vais pas lui dire.
J'inspire profondément.
- Je rentre au Sénégal.
- Quoi ?
- Je.. Ismaïla et moi on est plus..
Je cherche à faire passer mon message avec tact. Finalement je sors juste ce que j'ai sur le cœur. Je lui raconte ce qui se passe depuis son accident. Comment nous étions avant. Comment tout a basculé hier soir.
- Je te comprends. Tellement plus que tu ne peux l'imaginer. Mon mari m'a quitté pour une autre. Et chaque jour, je regrette de ne pas m'être battue quand j'en avais l'occasion. Au fond de moi, je me demande toujours si ça aurait changé quelque chose. Je refuse de te laisser faire les mêmes erreurs que moi. D'autant plus qu'il y a un enfant au milieu. Aysha, tu ne peux plus penser qu'à toi même dans cette histoire. Tu sais quoi ? Laisse moi lui parler.
- Hors de question. Je me suis confiée à toi parce que j'ai confiance en toi. J'ai confiance que tu vas respecter ma décision même si tu ne me soutiens pas.
- Et votre enfant ? Tu vas priver ton enfant de son père ?
- Du tout. Il le verra quand il veut. Je ne suis pas cruelle non plus.
- Excuse moi d'avoir des doutes puisque le père en question n'est pas au courant. Et puis tu viens toi même de me dire que tu n'as pas l'intention de lui en parler.
- Bien sûr que je vais lui dire. J'ai juste besoin de temps. Je te promets que je vais lui en parler dès que je serai prête.
- Hum Aysha.
- Je te le promets tata. Promets moi aussi que tu vas garder le secret. Et que tu n'interviendras pas.
- Je ne peux pas te promettre cela. C'est quand même mon fils. Et je pense que tu fais une erreur. Et je suis censée être l'adulte ici. Je ne peux pas juste me taire.
Je la supplie jusqu'à ce qu'elle abdique, à contrecœur.
- Il y a autre chose. J'ai déjà fait mes valises. Je vais rester chez mon amie Nafi quelques jours. Le temps de trouver un vol. En fait, si je trouve un billet pour ce soir je le prends. Mais je ne peux plus rester ici. Je ne vais pas supporter de voir cette femme avec mon mari une fois de plus. Je suis assez stressée comme ça. Et jamais je ne me le pardonnerai s'il arrive quelque chose au bébé. J'espère que tu me comprends ?
- Je comprends. Même si ça ne me plaît pas du tout. J'aurais préféré que tu restes. Mais je vois que tu as pris ta décision.
Je la serre contre moi. Dans ses bras, je retrouve l'étreinte d'une mère.
- Quand est-ce que tu pars ?
- Là tout de suite, dis je en m'excusant.
Je retourne dans ma chambre, griffonne un mot pour Ismaïla et le lui laisse sur le lit. Il le verra à son retour de l'hôpital. Prenant un grand coup d'air, j'ouvre la porte et sors sans me retourner.
Tata Virginie me donne pleins de conseils. Puis m'accompagne contre son gré jusqu'au bas de l'immeuble pour que je prenne un taxi.
J'avais déjà prévenue Nafi de mon arrivée ce matin. J'ai toujours le double de ses clés alors cela ne pose pas de problème.
J'entre et laisse mes valises près de l'entrée. Ensuite, je m'installe sur le canapé et m'attaque à la réservation. Trente minutes plus tard, je confirme mon départ pour le surlendemain. 
Par orgueil, je refuse  d'utiliser l'argent de mon mari. Depuis notre mariage, Ismaïla me verse chaque mois de l'argent de poche. Je ne l'utilise que très peu alors j'ai quelques économies. Techniquement ça reste l'argent d'Ismaïla mais voilà. Le fait est que je devrais vider son compte à cet abruti. Tchippp
Pour m'occuper, je décide de cuisiner. Les placards sont un peu vide alors je sors faire les courses. En fait, c'est tout ce que je connais de Paris. Le supermarché près de chez Nafi, l'hôpital, l'appartement de tata Virginie. À part la patinoire, je n'ai absolument rien visité. Je n'ai même pas été à la stupide tour Eiffel. Je ne sais rien du shopping fou de Paris, ni de sa beauté ou de son histoire. Un désastre ce voyage.
Je remplis tout un caddie même si je ne serai plus là pour consommer les denrées. Un petit merci de ma part à Nafi.
À sa descente, elle me salue à peine que les questions s'enchaînent. Je lui raconte tous les détails. Tout comme tata Virginie, elle est contre ma décision mais ne peut que l'accepter.
Le lendemain, Nafi sèche les cours pour m'accompagner faire des courses. Quelques vêtements pour moi, des cadeaux pour ma famille et ma belle famille, même un coffret Yves St Laurent pour tata Virginie, et un parfum pour Nafi. J'ai littéralement enflammé ma carte. Mes économies viennent de fondre comme beurre sur poêle.
Me voilà prête à rentrer.

FlammeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant