Chapitre 16

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Aysha

Les hôpitaux. Je n'y ai jamais passé autant de temps qu'au cours de ces six derniers mois. Je suis progressivement en train de développer à leur égard une certaine phobie. Vivement que tout cela se termine.
Aujourd'hui, Maina se fait opérer. Ça devrait être rapide, l'histoire d'une heure. Deux au maximum.
La décision a été difficile pour elle. Perdre un sein entier. Elle avait le choix entre une tumorectomie c'est-à-dire une simple ablation de la tumeur ; une quadratectomie ou ablation d'un quadrant du sein ; ou encore une mastectomie totale. Le choix entre une chirurgie radicale ou conservatrice.
Le problème qui se posait c'était de garder son intégrité en tant que femme. Puis vivre avec une peur constante que quelques cellules aient échappé au cours de l'intervention. Et qu'elles recommencent à proliférer. Ou alors se faire enlever tout le sein. Payer le tribut psychologique mais avoir plus de chances de survie sur le long terme.
Personnellement, j'aurais choisi de garder mon sein, quoi qu'il m'en coûte. Mais Maina a préféré la solution radicale. Elle ne veut pas avoir à revivre ce calvaire. Et je la comprends.
Après la chimiothérapie, elle prévoit d'aller se faire une reconstruction mammaire à l'étranger.
Tout ça est déprimant à souhait. Mais cette femme est forte. Je le sais parce qu'à sa place, je n'aurais jamais pu faire un choix. Encore moins le sien.
Je regarde ma belle-mère égrener son chapelet. Elle me fait de la peine. Au risque de me prendre un râteau, je me rapproche d'elle et lui prends la main. Elle lève les yeux vers moi mais ne dit rien. Je sens même une légère pression de sa part. Quel progrès.
En fait, toute la famille est là. Papa Mamadou et Karim sont dans le jardin et Seynabou est sortie il y a quelques minutes répondre à un appel.
On reste comme ça, main dans la main, jusqu'à ce que les médecins viennent nous dire que l'intervention s'était bien passée. Qu'ils n'avaient même pas eu à lui faire de curage ganglionnaire, quoi que cela puisse être.
Maina est en salle de réveil, alors on ne pourra la voir que ce soir au plus tôt. Le médecin nous conseille de rentrer et revenir un peu plus tard. Karim décide de se rendre au bureau finalement, alors je propose de ramener la famille à sa place.
Lorsqu'on arrive, maman Fatim me demande de rester passer la journée avec eux. Sa proposition me surprend. Mais on est sur la bonne voie. J'accepte sans hésiter. Le malheur a vraiment le don de rapprocher.
- Tu as parlé à Ismaïla depuis ce matin ? Me demande papa Mamadou.
- Non pas encore.
Je retiens mon souffle pendant quelques secondes de peur qu'il me demande de l'appeler.
- Je vais l'appeler pour le mettre au courant.
J'exhale de soulagement. Beaucoup trop tôt. Avant qu'il n'ait eu le temps de composer, Ismaïla l'appelle. Mon beau-père lui explique brièvement la situation et au lieu de raccrocher, il me passe le téléphone. Qu'est-ce qu'on est censé se dire ?
Il me demande comment je vais ? Si tu voulais vraiment savoir mon pote, il fallait me rappeler depuis le temps. Je suis tellement en colère que je n'arrive pas à faire la comédie, même pour ses parents. Mes réponses sont sèches et brèves. Il a autant hâte de se débarrasser de moi alors il raccroche en une minute. Ce n'est pas ce que j'imaginais pour notre première conversation téléphonique. Alors là, pas du tout. De la colère, encore et encore, c'est tout ce que je ressens.
Ma belle-mère me regarde bizarrement pendant que je rends le téléphone à son propriétaire. Elle ne fait cependant pas de commentaire. Quelle évolution.
Le yendou se passe relativement bien, comparé à tous ceux que j'ai passé ici. Pas d'animosité de maman à moi. Une première.
On retourne à l'hôpital un peu après 17h. Maina est maintenant installée dans une cabine privée. Dès qu'elle nous voit, elle se met à pleurer. Sa mère aussi. Mes larmes montent mais si tout le monde pleure, qui va rassurer qui ?
Papa Mamadou tient un petit discours sur comment on doit accepter la volonté divine. Que Dieu me pardonne mais en ce moment, j'ai du mal à accepter quoi que ce soit. Tout ceci est trop injuste.
Les larmes finissent par s'estomper. Enfin, jusqu'à ce qu'Ameth, son petit ami, se présente. Elle a tellement pleuré que je suis sortie prendre l'air. Je n'en pouvais plus.
Je me rends au jardin en ressentant le besoin de parler à quelqu'un. J'essaie sans succès de joindre Laetitia, Fabi et Nafi. C'est juste un de ces jours !
Je consulte mes messages et en vois un de Zac. On se parle souvent ces derniers jours. Je suis passée de carrément obsédée par sa personne à une sorte d'amitié avec lui. Je doute que mon entourage voit cette amitié d'un bon œil alors je n'en ai pas vraiment parlé. Selon la société, les femmes mariées n'ont  pas le droit d'avoir des relations amicales avec le sexe opposé. Seulement moi, j'ai besoin d'une oreille en ce moment.
Au lieu de lui envoyer un message, je l'appelle. Ça sonne dans le vide. Évidemment. C'est toujours comme ça. Chaque fois que j'ai vraiment, mais vraiment envie de parler, tout le monde est injoignable.
Heureusement, il me rappelle presque immédiatement.
- Aysha Sy. Ou bien c'est Aysha Hanne ? Comme vous les femmes vous forcez après le mariage. Di fater fater lou sen sant yi ? (Vous faites genre vous avez oublié vos noms de famille)
- Ça se voit que t'es pas marié. Quand tu le seras, toi même tu vas forcer les gens à utiliser ton nom de famille et non celui de ta femme.
- Absolument pas. Trop macho pour moi.
- On verra bien.
- On verra key. Ça va sinon ?
- Bien et toi ?
- Je vais très bien alhamdoulilah. Un peu occupé par les projets tout ça. Mais assez excité malgré tout.
- Ah cool.
- Par contre, t'as une petite voix toi. T'es sûr que tu vas bien ?
- Oui juste quelques trucs de famille mais ça va.
- Tu veux en parler ?
- Non.
Je suis trop bipolaire, incroyable.
- Parle moi plutôt de tes projets.
- Bah on s'apprête à lancer une marque de vêtements avec les gars.
- C'est vrai ? Man dh may nek sen premier client. (Je serai votre première cliente)
Il rit. Ça fait du bien d'avoir une conversation normale avec quelqu'un. Ne pas parler de maladie, de douleur, de sentiments. Juste une conversation normale. On se parle encore quelques minutes, puis je retourne dans la chambre de Maina.
Je les trouve en pleine discussion pour savoir qui va passer la nuit avec elle. Je propose de rester. Je suis le choix le plus logique puisque Nabou ne peut pas se permettre de rater ses cours pendant tout la durée de l'hospitalisation. Et je ne vais pas laisser ma belle-mère passer la nuit alors que je peux très bien le faire.
Ce n'était pas prévu certes. Mais j'ai mes médicaments dans mon sac. Et pour le reste, je vais gérer.
Finalement, on tombe d'accord et ils s'en vont nous laissant seules. Le dîner arrive mais Maina n'y prête aucune attention.
- Comment tu te sens Maimouna ?
- Tu ne m'as jamais appelé Maimouna.
- Comme tu es toute sévère key, moi aussi. Non sérieusement, comment tu te sens là maintenant ?
- Comme une femme à qui il manque un sein ?
- En échange, tu vas en avoir un absolument parfait, qui ne va pas tomber ni rien.
- Mais à quel prix. Je regrette ma décision. J'aurais dû faire la lobectomie.
- Ne dis pas ça. Je ne comprenais pas ton choix au début, mais là, je crois que c'était la meilleure des solutions. Tout ce pour quoi on doit s'inquiéter à présent, c'est à quoi ressemblera ce nouveau sein. Honnêtement tu peux m'affirmer que si tu avais fait la chirurgie conservatrice tu ne serais pas en train de le regretter en ce moment ?
- Non.
- Non, parce que tu serais stressée à l'idée que le cancer réapparaisse à nouveau. Aucun des choix n'était parfait. Toute cette situation, rien n'est parfait. Il y a une chose qui était possible. Faire un choix et en tirer le meilleur. Et c'est exactement ce que tu vas faire. Te concentrer sur le positif. Ok ?
- Ok, me dit-elle en larmes.
Je lui fait un léger câlin.
- Tu vas manger maintenant. Et profites bien, parce que c'est la première et la dernière fois que ma ley sekhal (que je te fais manger)
- J'ai pas faim. Peut-être plus tard.
Je ris nerveusement.
- Comprendro dé, je suis là pour m'occuper de toi. Et je vais le faire. Tu vas manger, boire, dormir, pleurer un peu s'il le faut. Non négociable. Tu peux me détester si tu veux. Waay lekk mom ding ko def (mais tu va manger)
Je prends la cuillère et la plonge dans la soupe.
- Ouvre la bouche avant que je ne t'arrache le sein restant.
Elle grimace. Je grimace encore plus fort.
- Trop tôt pour les blagues huh ?
- Beaucoup trop tôt.
- Ouvre la bouche s'il te plaît, ne m'oblige pas à dire d'autres bêtises.
- Que moi je t'oblige ? C'est toi qui es inconsciente et c'est moi qui t'oblige ?
Et là, j'éclate en sanglots. Parce que je suis vexée qu'elle me traite d'irréfléchie. Parce que je les retiens ces larmes depuis mon arrivée. Parce je suis enceinte et que je ne contrôle plus mes yeux. C'est au choix.
- Wa ? Et c'est toi qui pleure en plus ?
- Je ne pleure pas.
- Qu'est-ce que tu fais alors ?
- Laisse moi t'es méchante.
Maina éclate de rire.
- Aysha yow rew ngeu dé. Chiiiiiii ! Tu m'étonnes que Smaïl se soit enfui.
Aïe. Ça, ça fait vraiment mal.
- Mais je plaisante voyons. C'est juste le genre de blague que tu viens de me sortir.
- Désolée.
J'essuie mes larmes et repose la cuillère.
- Wa danga merr nii ? Non man ma geuneu rewler diabar fii. Wa balma. Kay niu dioubo. Kay ma bissou leu. (T'es fâchée pour de vrai ? J'ai la belle-sœur la plus impolie du monde. Pardon viens on réconcilie. Approche que je te fasse un bisou)
Je croise les bras sur ma poitrine.
- Aka khamadi. Nieuweul bala ma takki Astou. (Trop impolie. Viens vite avant que j'aille demander la main de Astou)
Je mimique de l'étrangler.
- Ak sa tokk biirou nienti werr bi. Ba na la ak Astou dina la yarr. Haral sakh ma woh Ismaïla Hanne niko na gaw si niareel bi. (Pousse de là avec ton petit bidon. Astou va régler ton cas. D'ailleurs je vais appeler Ismaïla et lui demander d'accélérer le mariage.)
- Ak sa deun bu am ben ween. (Toi et ta poitrine où il n'y a qu'un sein)
Sa bouche s'arrondit en O. Puis elle se met à rire.
- Non je t'adore. T'es ouf. Au moins tu me fais rire.
- Mieux vaut en rire qu'en pleurer. Et puis je pense que plus tôt tu le tourneras en dérision, moins tu auras le temps de t'apitoyer sur ton sort.
- Attends toutes ces larmes c'était de la comédie ? Mais goe tu es douée hein.
- Nooon ! C'était de vraies larmes. Interdiction de parler d'A... ughhh Astou.
- Donc tu peux faire des blagues douteuses mais pas moi ?
- Exactement.
- Et de quel droit ?
- Je suis enceinte.
Elle me regarde offusquée.
- Et j'ai un cancer. Je pense que je te bats sur tous les tableaux.
- Je refuse.
Elle rit.
- C'est bon, j'arrête de débattre. T'es timbrée.
Je réussis à lui faire avaler un peu de soupe ainsi qu'une banane. J'excelle à ce job d'infirmière particulière. Mais j'y passe beaucoup trop de temps. D'abord Ismaïla maintenant Maina. Ça suffit largement.
Elle commence à ressentir des douleurs alors j'appelle une infirmière pour qu'elle lui administre à nouveau des calmants. On lui donne également un anxiolytique. Et un quart d'heure plus tard, elle commence à somnoler.
Je me fais livrer une pizza que je mange dans le couloir pour ne pas la déranger. L'infirmière de garde me prête une robe pour prier. Ensuite, je m'installe dans ma chaise, que dis-je mon lit.
Il m'en a fallu du temps pour trouver le sommeil. Et quel sommeil. Au matin, jai très mal au dos. Mais je n'ose pas me plaindre.
Maman Fatim vient me relever dès 8h. Maina me remercie d'être restée et me demande de bien me reposer.
Je m'évanouis presque en arrivant à la maison. Je dors toute la journée. Et ne retourne à l'hôpital que vers 19h. Cette fois, je suis bien préparée. J'ai ramené un oreiller et une petite natte. Le fauteuil, hors de question. J'ai également apporté des madd. J'avais une envie irrésistible alors j'ai fait un détour par Seydou Nourou Tall pour en acheter.
Maina me dit que ma mère et Fabi sont passées la voir un peu plus tôt. Laetitia a appelé et promis de passer demain. Mes proches sont investis, j'aime.
Cinq minutes avant la fin des visites, Astou se pointe. Dieu du ciel, il faut toujours qu'elle pointe le bout de son nez. Comme une mauvaise herbe ! Ekhhh
Je perds ma langue dès que je la vois. Mon cœur s'emballe à l'idée qu'Ismaïla soit avec elle. Mais elle est seule. Suis-je bête. S'il était à Dakar, ses parents seraient forcément au courant. À défaut de venir à la maison, il logerait chez eux.
Elle salue  mes beaux-parents comme si c'était les siens. Maina est assez réservée mais Seynabou. Ah Seynabou. Je vais l'étrangler si ça continue. Elle l'invite à partager sa chaise et elles se font des messes basses.
Heureusement, ça n'aura duré que quelques minutes. Ils prennent tous congé nous laissant seules Maina et moi. Elle me demande si ça va et je réponds d'un mouvement de tête. La voir m'a rappelé quand mon mari lui dévorait la bouche.
J'avais toujours imaginé qu'elle était toujours à Paris avec Ismaïla. Bien sûr qu'elle est de retour. Elle a un boulot ici, elle ne pouvait pas se permettre de rester indéfiniment.
Ismaïla, même seul, ne ressent pas le besoin de me parler. Et ça fait mal. Même si ce n'est pas nouveau.
J'aide Maina à prendre son dîner en silence. Je lui tiens compagnie jusqu'à ce qu'elle s'endorme avant d'aller dans le jardin prendre l'air.
Trois heures plus tard, je n'arrive toujours pas à trouver le sommeil. Maina se réveille et me trouve en train de manger un pot de madd.
- Il fait quelle heure ?
- Miniut moins.
- Madd à cette heure ci ?
- La grossesse.
- J'ai pas hâte, dit-elle en baillant.
Elle ferme les yeux et se rendort.
Le plus drôle c'est qu'à son réveil le lendemain, elle me trouve à nouveau en train d'en manger. Elle éclate de rire.
- Me dis pas que tu as passé la nuit à manger du madd. Je comprends mieux pourquoi tu en as acheté autant.
- Ne sois pas bête, je viens à peine de me réveiller. En fait, celui-ci c'était pour toi, mais je n'ai pas pu résister.
Elle s'esclaffe en me demandant de la rembourser. Sa mère arrive à ce moment et demande ce qui la met de si bonne humeur.
- Aysha dé mo fi nek di lekk ay madd thi gouddi batey melni ku weroul. Maddou 00h ak fadiar moussou ma ko guiss. (Aysha. Elle ne cesse de se goinfrer de madd depuis hier nuit. Je n'ai jamais rien vu de tel.)
Sa mère me regarde. Du moins, elle fixe mon ventre sans rien dire. À son regard, je devine qu'elle sait. C'est peut-être pour ça qu'elle est plus gentille avec moi. Moi qui voulais garder l'anonymat, c'est raté.
Je retourne à la maison et répète la même routine pendant trois jours encore. Maison-clinique-maison.
Lorsque Maina est libérée, je suis soulagée. J'ai des courbatures de malade.
Au moins maintenant, quand je vais la voir, je peux m'installer confortablement sur son lit. Ou au pire sur le sofa qu'il y a dans sa chambre
Ma belle-mère, prévenante, me passe le numéro d'une masseuse et me demande de la contacter.
- Tu ne dis rien mais je vois que tu mal. Tu n'arrêtes pas de bouger dans tous les sens. Dis lui que tu appelles de ma part. Et ne t'inquiètes pas pour la facture, c'est déjà réglé.
Elle me laisse bouche bée. Je la remercie en souriant. Quelle ironie. C'est seulement quand son fils ne veut plus entendre parler de moi qu'elle commence à m'aimer.
Elle se retire nous laissant seules Maina et moi. Quelques minutes plus tard, Nabou entre avec sa nouvelle meilleure amie, Astou.
Putain elles m'énervent toutes les deux. Je peux sentir mes cheveux blancs pousser tellement elles me gonflent.
Sauf que je ne suis pas obligée de rester. Alors je me lève.
- Beuybi, je vais y aller.
Oui on est au stade de surnoms avec Maina.
- Tu ne m'en voudras pas si je skip demain ? J'ai un rendez-vous à 13h et le soir, je compte bien profiter de la masseuse.
- Bien sûr que non. Repose toi. Franchement t'as même plus besoin de te déplacer, tu peux juste appeler.
- N'importe quoi. À jeudi la wax. Je t'appelle demain façon.
Je lui fais une bise et lance un bye aux autres. Enfin à Nabou, parce que l'autre là, elle n'existe pas pour moi.
- Ma nieuw rk ngey dm ? Dit celle qui n'existe pas. Bilay dawago sakh.
Je m'arrête aussitôt. J'entends Nabou rire. Des deux, je pense que c'est celle qui m'énerve le plus.
- Déjà, tu ne m'adresses pas la parole. Contente toi de jouer ton rôle de maîtresse d'un homme marié. Mais aies un peu de dignité au moins. Tu vois cette alliance ? Elle veut dire que je suis la seule habilitée à ouvrir ma bouche. Parce que moi, je suis légitime. Quant à toi Nabou, tu me déçois énormément. Je pensais qu'on était amies. Visiblement, je me suis trompée.
- Ehh ne me mêle pas à vos histoires dé, réplique Nabou.
- Je n'ai pas besoin de le faire ndax takk nga thi ripp ba paré. (Car tu es déjà enfoncée jusqu'au cou). Sache qu'on récolte ce que l'on sème. Le jour où une de tes belle-sœurs te rendra la pareille, ne te plains. Assume juste ton retour de bâton.
- Garde tes prédictions de malheur pour toi !
- Ne perds pa ta salive pour cette fille sans classe, intervient Astou. Kuy sey ba niu dedj leu ni dégué, wone la carrément ni beugeutougn la, nga wara delou sey mbok. Waay perte ba beug dé. Makhalla khamo lii. Bi nga xamé Ismaïla nga commencer lekk. (Quand ton mari te montre carrément qu'il n'en a plus rien à faire de toi, tu devrais t'en aller. Mais ça ne m'étonne pas que tu t'accroches puisque tu crevais la faim avant de le rencontrer)
- Arrêtez , plaide Maina.
- Même s'il m'a ramassée dans la rue comme tu le suggères, c'est moi qu'il a préféré épouser et pas toi. Une crève la faim plutôt que toi ? Qu'est-ce que ça nous dit sur toi ?
- Et pourtant il est revenu vers moi. Au bout de quoi ? Deux ans ? Même pas. Tu n'étais qu'un passe-temps. Une erreur. Une œuvre de charité si tu préfères. Je sais qu'il paie les études de ta sœur et de ton frère actuellement. Je suis sûre que c'est la seule raison pour laquelle tu es encore là. Ce que tu fais, c'est de la prostitution déguisée. Et tu oses me parler de légitimité. Quelle femme resterait dans un mariage en sachant pertinemment que son mari est avec une autre ? De nous deux, c'est toi la pute.
- Arrêtez, s'il vous plaît. Aysha, s'il te plaît.
En voyant Maina grimacer de douleur en forçant pour se lever, je me tais.
Cette garce vient de me traiter de pute. Et si elle le fait, c'est parce que Ismaïla lui en a donné les armes. Donc moi je suis encore avec lui à cause de son argent ? Ok.

Astou

Bilay Aysha dina xamni weuyou bandit moy bayam. Je viens à peine de commencer avec elle. Quand j'en aurais fini, elle suppliera pour sortir de la vie d'Ismaïla. Cette fois, je ne vais pas le laisser m'échapper.
J'ai payé ma petite sœur pour qu'elle suive Aysha. Elle est actuellement en vacances et m'a demandé des sous il y a quelques jours. Je comptais bien sûr les lui remettre mais je vais la faire travailler pour.
Aysha  a mentionné un rendez-vous hier. Et je ne sais pas, mon sixième sens me dit que c'est un homme.
Et non, je n'ai pas de scrupules à utiliser ma sœur. Jamais je ne la mettrai en danger intentionnellement. Ceci n'est qu'une toute petite mission inoffensive. Suivre cette idiote et prendre quelques photos de la personne qu'elle va rencontrer. Si c'est un homme tant mieux, sinon au moins j'aurais essayé.
Aysha je ne la soupçonne même pas d'être infidèle. Non, elle est trop bête pour ça. J'ai juste dit qu'il me faillait des photos. Je n'ai pas besoin qu'elles soient vraies. La réalité d'une photo, c'est ce qu'on décide de raconter. Point final.
J'ai sauté le déjeuner aujourd'hui, attendant avec impatience des nouvelles de Ndeye Fatou. Quand mon téléphone sonne, je décroche à la seconde près.
- Alors ?
- Bonjour quand même.
- Oui bonjour. Les détails, vite.
- Bon je l'ai suivie comme convenu. Elle est venue à la Pampa. En parlant de ça, j'ai commandé un déjeuner, faut que tu ajoutes ça à la facture. Fallait bien que je me dissolve dans la foule.
- Viens en aux faits Ndeye Fatou.
Cette fille ! Exagéré comment elle raconte sa vie.
- Elle a rencontré un gars. Plusieurs en fait.
- T'as des photos ?
- Oui. Je te les transfère tout de suite.
Je raccroche et consulte immédiatement mes messages sur Whatsapp. Je suis déçue. Un meeting avec plusieurs hommes. Un truc professionnel peut-être. Sauf elle n'a pas de boulot encore il me semble ?
Sur la première photo, je reconnais... Bachir. Merde. De toutes les personnes qu'elle aurait pu voir aujourd'hui, il a fallu que ça tombe sur l'un des meilleurs potes d'Isma.
Voilà qui fait échouer mon plan. À moins que... Je ne sais pas. Suis-je prête à aller aussi loin ? Détruire leur amitié ? Et puis, c'est courir un plus grand risque de me faire prendre. Sauf que Ismaïla me fait entièrement confiance présentement. Le moment venu, je n'aurais qu'à prétendre que c'était une erreur commise de bonne foi.. Que je croyais sincèrement que Bachir et Aysha...
Il me croira. C'est la seule option possible. Quoique, je ne peux me permettre aucun faux pas. Alors je rappelle ma sœur et lui donne de nouvelles instructions.

FlammeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant