Chapitre 24

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J'ai rarement été aussi stressée de ma vie. J'ai l'impression que mon métabolisme entier tourne au ralenti. Comme s'il refusait d'admettre la réalité. Comme s'il entrait en hibernation exprès, incapable de gérer la sévérité de la situation.
J'ai une brique sur la poitrine. Un énorme bloc de pierre. Je ne peux pas croire que j'ai laissé cela arriver.
J'arrive chez moi le cœur battant. Allahou Akbar. Comment je vais expliquer ça à Ismaïla. Il va m'en vouloir à mort.
Mon téléphone sonne pour la troisième fois en cinq minutes. J'ai ignoré les premiers appels car le numéro m'est inconnu et que je ne suis pas dans des dispositions pour faire la conversation. Néanmoins, ça semble important, alors je décroche.
- Allô ?
- Aysha.
La voix m'est familière mais je n'arrive pas à la placer.
- Tu croyais avoir gagné ? Sache que Ismaïla, jamais tu ne pourras nous séparer.
Cette idiote. Je n'ai absolument pas la force de la gérer actuellement.
- Écoute Astou, tu commences à me faire chier. Ne m'appelle plus jamais tu as compris ?!
Je lui raccroche au nez et ne perds pas une seconde pour la bloquer. Juste avant de finaliser, son message s'affiche sur ma barre de notification. Je le lis malgré moi.
« Dis à Ismaïla qu'il a oublié sa montre chez moi. »
Non. Pas ça encore.
Mais quand j'y repense, Ismaïla est sorti mystérieusement sans me dire où il allait.
Comme si on en avait pas assez de pain sur la planche. Il en rajoute en trainant avec cette harpie. Je ne sais plus où donner de la tête.
J'ai des palpitations en poussant la porte de chez moi. Je me rends directement dans ma chambre pour prendre une douche. Parce que je me sens sale. Seulement, il n'y a pas une quantité d'eau chaude ou de savon qui puisse m'enlever cette sensation de souillure. Je prends même un bain de purification sans réussir à m'apaiser.
Une des pires sensations qui puisse exister, c'est avoir mal sans pouvoir pleurer. C'est qu'on a atteint un des bas-fond de la douleur.
En sortant des toilettes, je tombe sur Ismaïla et sursaute. J'ai l'impression qu'il sait déjà; c'est c'est marqué au fer rouge sur mon front.
- Bonsoir.
- Bonsoir.
- Je t'ai fait peur ?
- T'inquiètes.
Je passe ma robe de prière sans un mot. Mon téléphone sonne indiquant un message d'un autre numéro inconnu. Dès que je vois le contenu, je perds patience.
- Ismaïla, tu étais où ?
- Je... euhh.
Rien que son hésitation confirme mes doutes.
- Je peux savoir ce que tu faisais avec Astou ?
- Qui a dit que j'étais avec Astou ?
- Elle-même. Tu vas le nier ?
- Non.
Faut croire que satan en personne a pris possession de notre couple ce soir. L'un plus bête que l'autre.
- Ne te fais pas des films pour rien. Laisse-moi t'expliquer.
Je croise les bras sur ma poitrine.
- Sa mère m'a appelé tout à l'heure en me disant qu'Astou a fait une tentative de suicide.
Suicide ? Mais M.D.R.
- Ça fait un moment qu'elle refuse d'aller au boulot. Tata Mimi m'a demandé de passer la raisonner. Je savais que tu serais contre. C'est...
- Et tu es parti quand même ?
- Que voulais-tu que je fasse ? Avoir une seconde tentative de suicide sur la conscience ? Déjà que je me sens super mal actuellement. J'espère que tu comprends et que tu ne m'en voudras pas trop.
- Il n'y a rien à comprendre. Tu t'es fait manipuler comme un bleu. Même son cuir chevelu ne la démange pas actuellement. Si elle avait réellement envie de mettre fin à sa vie, elle n'aurait pas la tête à m'appeler pour me narguer. Toute cette comédie, c'était pour attirer ton attention. Et tu es tombé droit dans le panneau. Après ce qu'on s'est dit ce matin, Ismaïla, moi je ne te comprends pas. Qu'est-ce que tu veux à la fin ?
- La question ne se pose même pas.
- Si justement. Elle se pose. Tu as l'intention d'accourir comme un majordome chaque fois qu'elle sonne ? Parce que si c'est le cas, faut me mettre au courant, que je prenne mes dispositions. Je ne vais pas passer ma vie à me faire du souci la concernant.
- Arrête de crier. Je t'ai déjà dit que je n'aime pas ça.
- J'ai une chose à te dire. Tu coupes les ponts avec elle. Tu la filtres. Tu ne réponds plus à ses appels, ni à ceux de sa mère. Tu raccroches si elle t'appelle avec un autre numéro. Je veux dire lit-té-ralement plus aucun de contact. Lolou meun na nek Ismaïla wala meunteu nek ? (C'est possible oui ou non ?)
- Oui mais...
- Bien.
J'étale mon tapis et rattrape mes prières sans plus lui prêter attention. Prière au coues de laquelle je n'ai pas pu me concentrer une seconde.
C'est vrai que ça m'a énervée qu'il aille la voir. Mais je suis encore plus énervée contre ma propre personne. Tout ce show, je pense que c'était en partie pour éviter d'assumer mes propres bêtises.
En rentrant, j'avais la ferme intention de tout lui avouer. Mais je ne sais pas comment le formuler. Je ne sais pas si j'en suis capable. Peut-être devrais-je me taire tout simplement ?
Après avoir prié, je descends lui faire son dîner. Je le sers et le lui dépose sur la table à manger. En ce qui me concerne, je ne peux pas avaler quoi que ce soit. J'ai une boule au fond de la gorge et même la nausée.
Je le préviens que son dîner est servi puis m'allonge sans même prendre la peine de me changer.
Seigneur. Qu'est-ce que j'ai fait.
C'est vrai, je ne l'ai pas embrassé. Mais je l'ai laissé faire. Ça veut dire que je le voulais. Mais j'aurais dû, j'aurais dû résister.
Je tiens de grands discours depuis, pour au final faire la même chose que mon mari. Pour moi, il n'y a pas de niveaux en tromperie. Il n'y a pas de petite ou grande tromperie; il y a tromperie tout court.
Le pire est vite arrivé entre un homme et une femme. Des liens sont rapidement tissés entre deux personnes de sexes opposés qui partagent des centres d'intérêts. Surtout lorsqu'il s'agit d'une femme en détresse. C'est en toute conscience que je me suis engagée dans ce chemin pernicieux. Me leurrant telle une autruche en me répétant que nous ne faisions rien de mal, que nous sommes juste amis. Mais nos actes nous rattrapent toujours. Ma légèreté face à cette situation n'est plus de mise. Comment ai-je pu en arriver là ?
Cela m'emmène à réfléchir sur ma vie, ratée à un si jeune âge. Une rencontre fortuite, un amour flamboyant, un mariage consenti, un accident bouleversant, une sangsue tenace, un homme faible, une femme trahie et traîtresse. Comment en arrive-t-on à en embrasser un autre que son mari ? À éprouver plus que l'on ne devrait ? La solitude, le chagrin, la rancune, le besoin d'exister, d'être aimée, tout cet assemblage a fait de moi l'auteur de cette bassesse.
Ismaïla malgré tout ce qu'il m'a fait a mérité cette seconde chance. Je me disais prête à tout affronter pour lui, avec lui. Le moment de mettre en application mes propos est arrivé. Ou peut-être est-ce la culpabilité qui me fait tenir un tel discours.
Perdue. Voilà où j'en suis. Dois-je remettre les compteurs à zero et essayer de reprendre là où j'en étais avec le connu, l'aimé, la familier.
Un divorce après deux ans de mariage n'était pas dans mes plans. Où dois-je me lancer dans l'inconnu, Zac en l'occurrence. Non cette dernière option n'est tout simplement pas une option. Pas du tout.
Ismaïla vient se coucher peu après. Il est encore tôt alors je sais qu'il ne va pas bien.
Il me prend la main. Je la retire. Pas pour les raisons qu'il croit. Plutôt parce que je suis gênée. Je ne le vois pas mais je sais qu'il est vexé. Si seulement il savait... Je ne mérite même pas qu'il se sente mal actuellement. C'est plutôt moi qu'on devrait fouetter.
Je lui tourne le dos et me roule en boule. Le sommeil bien évidemment me fuit.
Pis, je n'arrive pas à me rendormir après avoir prié le matin. Pendant qu'Ismaïla se prépare, je mets un dessin animé et essaie de me concentrer là dessus.
- Ça va toi ?
- Oui.
- T'es sûre ? C'est pas dans tes habitudes de regarder des dessins animés.
En fait, c'est la seule chose que je puisse regarder si tôt où le sujet n'est pas l'amour.
Il m'embrasse sur la tempe.
- Passe une bonne journée. Tu sais que je t'aime. Je t'appelle tout à l'heure.
- Bonne journée.
Il faut que je lui dise. Je ne peux pas garder ça pour moi. Sauf que ce qu'il ne sait pas ne peut pas lui faire de mal... Je le ferai souffrir. Je fais déjà souffrir Zac.
Zac. Comment j'ai pu l'encourager de la sorte ? Comment j'ai pu me retrouver dans cette relation triangulaire ? Zac n'a rien demandé. Et je sens qu'il sera le dommage collatéral de toute cette histoire peu importe ce que je ressens pour lui. Car oui, j'ai des sentiments pour lui. Je ne sais pas comment les définir. Il est comme un fantasme. Il a été un havre de paix quand tout n'était que chaos autour de moi.
Je crois bien qu'inconsciemment, j'ai fait un transfert sur lui. Je me suis accroché à lui. Mon âme s'est accroché à la seule source de lumière à proximité. Est-ce que je l'aime ? Oui,  définitivement oui. Enfin, je crois. Je ne suis sûre de rien le concernant. Ou alors j'ai peur de l'admettre.
Lui dit qu'il m'aime. Comment je vais me défaire de cette double culpabilité ? Celle d'avoir trahi la confiance de mon mari. Celle d'être en train de briser le cœur d'un être absolument incroyable. Comme si je n'avais pas assez de soucis dans ma vie déjà.
Je me lève vers 11h, prends une douche et mange des céréales. Puis, je me recouche en laissant la télé sur les dessins animés toujours.
Je cogite un peu plus, tiraillée par mes regrets.
La porte s'ouvre soudain sur Ismaïla. Je fronce les sourcils en me demandant ce qu'il fait ici à pareille heure. Il a un bouquet de fleurs dans les mains. Bordel. Il faut que je lui dise ce qui s'est passé.
Il me tend le bouquet sans un mot.
- Merci.
- Elles ne sont pas de moi.
Je le regarde d'un air interrogateur.
- Il y a une carte. Ouvre-la.
Je sors la carte et la lis, mon rythme cardiaque s'accélérant instantanément.
« Je suis désolé.
         Z. »
- Tu m'expliques pourquoi il t'envoie des fleurs ? Non, explique moi plutôt pourquoi il est désolé.
- Je... Écoute, je voulais t'en parler mais je ne savais pas comment. Puis, il ya eu l'affaire avec Astou et...
- Abrège Aysha.
- Zac m'a embrassée.
Il rit nerveusement, se passe la main sur la tête, marche jusqu'à la porte et y pose les mains à plat. Je peux sentir sa colère jusqu'ici. Je sais qu'il se contrôle actuellement.
- Tu te fous de moi là ?
Je ne réponds pas, je n'ai rien à dire.
Il se retourne, et revient vers moi. Je baisse la tête en me mordant les lèvres.
- Tu as embrassé un autre mec.
- C'est lui qui m'a embrassé.
- Ne jouons pas sur les mots, veux-tu ? Tu m'as fait culpabiliser toute la soirée alors que derrière t'as fait bien pire ? Toute cette scène ce n'était qu'un putain de cinéma. Tu n'es qu'une hypocrite, en fait.
Les larmes me montent aux yeux.
- Quand je pense que je suis rentré passer ma pause avec toi parce que je voulais qu'on se réconcilie.
Il s'en va à nouveau vers la porte et y donne un coup violent. J'en sursaute de peur et d'inquiétude. Je n'arrive pas à bouger, ni à émettre le moindre son.
- Tu voulais te venger ? Félicitations. Nous sommes quittes.
- Ça n'a rien à voir. Tu sais bien que je ne suis pas comme ça.
- C'est encore pire. Ça veut dire que tu en avais envie aussi. Je t'ai déjà demandé ce que tu ressentais pour lui et tu ne m'as pas répondu. Je vais te poser la question pour la seconde et dernière fois. Qu'est-ce que tu ressens pour ce type Aysha ?
Comment lui répondre si moi même je ne sais pas comment définir cette chose. Je l'aime. Je crois. Mais j'aime Ismaïla encore plus. Et c'est avec lui que je veux être. Ça vient de me frapper à l'instant. Et ça va au delà de ma culpabilité à son égard. Voilà où j'en suis.
Je ne sais pas comment lui expliquer la situation sans qu'il ne mette la maison en feu. Je ne veux pas lui mentir. Car il a été à un cheveu de me perdre et il faut qu'il en soit conscient. Et d'un autre côté, je sais qu'il a terriblement mal actuellement et que cela le blessera énormément d'entendre ces mots.
- Merde. J'ai besoin d'air.
- Ismaïla, attends !
Il sort en claquant la porte, me laissant dans le désarroi total. Je me prends la tête entre les mains, me maudissant plus que jamais.
Je n'ai jamais été infidèle. Je n'ai jamais même imaginé me retrouver dans une situation pareille. Je me suis toujours cru au dessus. Je pensais que ça n'arrivait qu'aux autres pas à moi.
J'ai eu le cœur brisé à cause de cette histoire avec Astou. Alors je sais ce que ressent Ismaïla en ce moment. À un niveau supérieur. Car c'est un homme. Eux peuvent nous tromper mais leur petit égo ne peut pas cautionner le contraire.
La vérité c'est qu'il n'y a qu'un battement de cil entre le bien et le mal. Et tout le monde peut céder à la tentation. J'aurais dû écouter ma tête, j'aurais dû appliquer tous ces conseils que j'ai reçu depuis le temps. Je n'en ai fait qu'à ma tête et voici les conséquences.
Aujourd'hui, je saisis pleinement le danger de relations homme-femme. Je ne dis pas qu'une amitié entre les deux ne peut pas exister. La leçon que j'en tire, c'est que dès qu'il y a une ambiguïté, il faut prendre du recul. Couper les ponts s'il le faut, pour ne pas se retrouver dans la situation dans laquelle je suis.
Mon Dieu, pardonne moi.
La confiance est maintenant brisée des deux côtés. Le pire c'est qu'il va penser que je l'ai fait pour me venger. Alors qu'il n'en était rien.
Je passe ma journée à broyer du noir. Je n'ose pas raconter cette histoire à mes proches. J'ai trop honte.
Ismaïla ne rentre pas jusqu'à minuit. Je l'ai appelé plusieurs fois, sans succès. Je m'inquiète car j'ai peur qu'il lui soit arrivé quelque chose ou qu'il ait commis une bêtise.
J'entends la porte d'entrée s'ouvrir à 1h moins le quart. Je me précipite au balcon pour vérifier qu'il s'agit bien de lui. Un grand soulagement m'envahit quand je le vois tout entier.
Je retourne m'assoir sur le lit, l'attendant. Il tourne la poignée une minute plus tard sans me calculer le moins du monde.
- T'étais où ? Je me suis inquiété.
- Comme tu peux je constater, je vais très bien.
- Assieds-toi, s'il te plaît. Nous devons parler.
- Pas maintenant.
Il se dirige vers la salle de bain et s'y enferme. Après sa douche, il éteint la lumière et s'allonge sans un mot.
Quand cette histoire va-t-elle donc prendre fin ?
Au matin, il s'en va sans m'adresser la parole. Je ne lui en veux même pas, je sais que je l'ai mérité.
Je passe une journée merdique, cela va sans dire. La pire des prisons, c'est celle de l'esprit quand on sait qu'on a commis une bêtise.
Pour me donner bonne conscience, je me mets aux fourneaux pour lui faire son dîner. Dieu seul sait s'il va accepter de manger ma cuisine. Mais tous les moyens sont bons. Au menu, poulet pané, frites et salade. J'espère qu'il va m'écouter au moins.
Maina m'appelle en fin de soirée. Je laisse sonner car je ne suis pas d'humeur à bavarder. Je la rappelle néanmoins dans l'heure en voyant son message qui me demandait de la rappeler incessamment.
- Ça va Maina ? J'ai eu ton message. Mba diam ?
- Aysha. Boy. Je ne sais même pas par où commencer.
- Tu me fais peur.
- Non rassure toi. En fait, y a le père d'Ameth et ses oncles qui doivent passer voir papa jeudi. Et papa m'a fait comprendre qu'il allait donner ma main sur le champ.
- Jeudi après demain ?
- Oui.
- Mais c'était dans deux jours. Même pas en fait. Il ne reste que le journée de demain.
- EXACTEMENT !
- Wa papa mom pourquoi il est aussi pressé ?
- Moma diaxal man. Melni dama ko sonal (M'en parle pas. Comme s'il avait hâte de se débarrasser de moi). J'ai essayé de le raisonner, histoire qu'on ait quelques jours pour se préparer. Mais il m'a dit que l'essentiel c'est de célébrer le mariage religieux et qu'on peut faire notre tralala plus tard.
- Et maintenant qu'est-ce qu'on fait ?
- Mais je n'en ai pas la moindre idée. Je stresse. Cheuuuu.
J'essaie de la rassurer. Je promets de passer le lendemain pour qu'on peaufine certains détails. Comme il n'y aura pas vraiment de cérémonie, elle n'a pas besoin d'une tenue folklorique juste un truc simple. On commence d'ores et déjà à en chercher une. À défaut, je lui propose une tenue traditionnelle que je n'ai pas encore eue l'occasion de mettre. Ça devrait lui aller étant donné qu'est est aussi mince que moi en ce moment.
- Je suis hyper stressée.
- Ne t'en fais pas. Toute la pression va retomber dès que le mariage sera célébré. Une grande excitation va la remplacer. Et tu vas te retrouver à penser que c'est la meilleure décision que tu aies prise de ta vie.
- J'espère bien.
Elle se déplace ensuite dans la chambre de sa mère et ça se transforme en véritable vidéo conférence.
Ismaïla arrive pendants que je suis au téléphone avec elles . Il me salue froidement puis se dirige dans les toilettes.
Je descends mettre les pommes de terre à cuire dans la friteuse.
Quelques minutes plus tard, il me retrouve dans la cuisine.
- Quand tu auras fini, rejoins-moi dans le salon.
- D'accord, j'arrive.
J'égoutte les frites puisqu'elles sont prêtes et prends une pause dans la conversation.
- Maina, je vous rappelle. Y a Ismaïla qui m'appelle.
- Okay à toute.
Je me rends dans le salon à petits pas, un tambour dans ma poitrine.
Il est assis sur le fauteuil en face du canapé, mains jointes. Naturellement, je m'installe en face de lui. J'ai l'impression d'être un enfant convoqué pour mauvaise conduite. Quoique techniquement, c'est le cas.
- Tôt ou tard, on aura cette conversation, alors autant en finir une bonne fois.
Je me triture les doigts nerveusement.
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Il y a eu ce mendiant...
Sachant qu'il s'en fout probablement de toute l'histoire, je vais droit au but.
- En fait, on était en train de se promener au niveau la corniche et... bref, il m'a embrassée.
- Et toi tu l'as laissé faire ?
Je réponds par le silence.
- Est-ce que tu l'as embrassé en retour ?
- Ismaïla...
- Réponds juste à ma question.
- Oui.
- Et ça a duré combien de temps.
Je le regarde, dépassée. Non seulement il se fait du mal, mais il me torture de la pire des manières possibles.
- Ça ne sert à rien de revenir là dessus.
- Si, je veux comprendre.
- Pas longtemps.
- Sois plus précise.
- Je sais pas moi, cinq secondes.
- Cinq secondes.
Un rire amer s'échappe de ses lèvres.
- Cinq secondes, répète-t-il. Et qu'est-ce que ça t'a fait de l'embrasser ?
- Ismaïla ! Mais bien sûr que je l'ai regretté aussitôt.
- Je ne parle pas de ça. Je parle d'avant les regrets.
Mon cœur risque de lâcher à ce rythme. Je n'ai jamais, jamais été aussi embarrassé qu'aujourd'hui. C'est... Non je ne trouve même pas les mots. Ismaïla va m'achever avant la fin de cette conversation.
- Je l'ai regretté à la seconde où c'est arrivé.
- Ce n'est techniquement pas possible puisque votre baiser a duré cinq secondes.
À chaque mot, j'ai l'impression de recevoir un coup de poignard. Je lève le mains en l'air en signe de reddition.
- Écoute, je regrette que ce soit arrivé. Je ne me suis jamais sentie aussi lamentable crois moi. C'est inadmissible et je te demande pardon.
- Est-ce que tu voulais te venger ?
- Non, absolument pas.
- Tu l'aimes ?
Je bugge encore.
- Encore ce silence. Aysha tu es vraiment amoureuse d'un autre homme. Seigneur !
Il se passe la main sur le visage et reste figé dans cette position.
Je ne sais pas quoi faire. Si on sort de cette conversation sans un consensus, on pourra dire adieu à cette union.
Je me lève et m'agenouille à ses pieds. Je lui enlève les mains du visage et les serre.
- Babe. C'est vrai qu'on a eu des bas très bas dernièrement. Je pense qu'on a même touché le fond. Ton accident, tes rejets successifs, Astou, ont fait que Zac et moi nous sommes rapprochés. C'est quelqu'un qui m'a apporté un soutien dont j'avais besoin quand j'en avais besoin. Je me suis attachée à lui. Plus que je n'aurais dû, honnêtement. Parce que je ne voyais que lui. Je n'essaie pas de me justifier ou de t'accuser de quoi que ce soit. Ce dont je suis sûre, c'est que je t'aime, et c'est avec toi que je veux être. Jusqu'à ce que la mort nous sépare et même dans l'au-delà. Comme on se l'était promis.. Je veux remonter la pente.  Je sais que ça va être difficile. Beaucoup trop de choses se sont passées. Il va falloir qu'on y mette du notre. Mais je suis sûre qu'on peut s'en sortir.
Il reprend ses mains sans rien dire et se redresse.
- Et donc quoi on oublie tout simplement ce qui s'est passé avec lui ?
- Tout comme j'essaie d'oublier ce qui s'est passé avec Astou.
- Sauf que je ne ressens rien pour elle. Et puis c'est tellement plus facile pour un homme de tromper sa femme que le contraire. Si vous en êtes arrivés là c'est que tu ressens quelque chose de vraiment fort pour lui. Plus que tu ne veux l'admettre. C'est flippant. Je ne peux pas vivre cette angoisse.
- Excuse-moi mais bienvenu dans mes sensations. Maintenant tu sais ce que je ressens. Mais je te rassure, tu n'as pas à t'en faire. Il n'y a même pas d'options. C'est toi et personne d'autre.
- Je veux te croire. Mais j'ai du mal.
- Je ne sais pas quoi te dire d'autre.
- Ouais, moi non plus.
Il se lève, me dit qu'il va faire un tour et s'en va me laissant dans le doute. Que va-t-il se passer maintenant ?

FlammeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant