Chapitre 15

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Aysha

L'eau coule doucement sur nos corps enlacés. Je rejette la tête en arrière, gémissant, alors qu'il me donne un nouveau coup de reins. Il se très retire lentement, me torturant comme lui seul sait le faire. Mes jambes sont engourdies à force de serrer sa taille. Mais la douleur est compensée par toute cette jouissance qu'il y a entre mes jambes.
Je renforce mon étreinte au dessus de ses hanches, essayant de lui faire comprendre de revenir en moi. Je sais ce qu'il fait. Il veut m'obliger à lui dire ce que je veux. Ça fait partie de mon éducation sexuelle.
J'ai encore du mal à m'exprimer aussi librement que lui. Mais je n'en peux plus. Je veux le sentir au fond de moi.
- Ismaïla...
Il me pénètre à nouveau, me faisant perdre mes moyens. Mes muscles se contractent autour de sa verge, lui arrachant un petit cri. Je lui enfonce mes ongles dans le cou. Il me mordille la lèvre inférieure puis emprisonne mes bras au dessus de ma tête. Il faut sérieusement que j'arrête de le charcuter.
- Dis moi ce que tu veux.
- Toi... 
- Comment ?
- P... Plus... Ne t'arrête pas.
En récompense, il me pilonne à nouveau.
- Mmhh...mmhh...
- Aysha ! Aysha !
Je me lève en sursaut et croise les yeux de Fabi.
- Tu faisais un cauchemar. T'es en train de gémir depuis tout à l'heure.
Mes jambes sont étroitement serrées. En fait, tout mon corps est contracté.
Je la tchippe très profondément et me laisse retomber sur le coussin.
- Wa lo mey tchipatou wer ? Lu ma la def ? (Pourquoi tu me tchippes, qu'est-ce que je t'ai fait?)
Tu viens de m'interrompre alors que j'allais avoir un orgasme gros bêta ! Je soupire d'agacement, comme si ça allait changer grand chose.
C'est la première fois de ma vie que je fais un rêve érotique. Tout ça, c'est à cause de ce retour dans le passé. Rêver d'une partie de jambes en l'air sous la douche...C'est forcément lié à ces souvenirs.
- Wa Aysha ?
- Tu vas me foutre la paix, oui ?
- Mais... ?
Laetitia entre et demande ce qui se passe.
- Je l'ai réveillée parce qu'elle faisait un cauchemar et maintenant elle me fait la tête.
- Un cauchemar ?
- Oui elle gémissait et elle avait pas l'air bien.
- Gémissait ? Hum. Intéressant.
Elle vient me chatouiller en me demandant de quoi je rêvais. Au début, je l'envoie paître. Mais  elle finit par avoir raison de moi en m'arrachant un fou rire. 
- Avoue que c'était un rêve érotique.
- Laisse moi...tranquille.
- Avouuuuueee.
- Ok ! Ok ! C'est bon.
- Rêve érotique diam ? S'exclame Fabi. Mangui jangui man, fii khadiatou ma fii. (Rêve érotique ? C'est trop pour moi, je vais en cours.)
- Il se passe quoi ici ? Questionne Maina qui vient d'arriver.
- Fabi a interrompu le rêve érotique de ta belle-sœur.
- Cassez-vous, merde ! Dis-je en me cachant la tête sous le coussin.
- Casser men mii ? Lève-toi tu nous déposes la wax. On est déjà en retard.
- Prenez des taxi.
- Lève-toi avant que j'appelle Smaïl pour lui raconter que tu rêves de lui. Rassure moi, c'était bien de lui que tu rêvais ?
- LAETITIA !
- Debout rk mba sappel (lève-toi ou j'appelle).
Je me lève en grognant. Cette fille est trop cassse couill*s. Il est un peu plus de 7h du matin. Et je constate que je suis la dernière à me réveiller. Je meurs de sommeil. On a dormi à peine 4h de temps.
Je me débarbouille rapidement et passe ma robe de chambre par dessus mon pyjama. Ensuite, je les dépose une à une. Je suis d'humeur grincheuse d'autant plus que Lae ne lâche pas l'affaire. Fabi a presque failli passer par la fenêtre. Et Maina, bah, elle n'a pas arrêté de rire. Gênant ++++
En rentrant, je passe devant la galette et l'odeur me force à me garer. Franchement, si je suis allée comme ça chez mes beaux-parents, je peux très bien me permettre d'aller dans une pâtisserie où je n'ai personne à impressionner.
Je passe quand même les doigts dans mes cheveux pour les rendre un peu plus présentables avant de descendre. Bien sûr, je me dirige directement vers les gâteaux. J'ai envie de tout à la fois et j'ai du mal à me décider.
- Aysha ?
Je me retourne en sursaut. Super, fallait que je croise quelqu'un justement aujourd'hui. Et pas n'importe qui.
- Zac.
Je croise les bras au dessus de ma poitrine, comme si cela allait me protéger de son regard.
- On n'arrête pas de se croiser dis donc.
- Oui, je vais commencer à croire que tu me suis.
- Coupable. Je suis un traqueur. Alors ça va mieux ton mari ?
- Euh oui ça va.
Je repense à mon rêve de ce matin et j'ai envie de disparaître dans mon peignoir.
- T'es... comment dire ?
- Je ressemble à du n'importe quoi tu veux dire.
- Non, je veux dire, je ne connais pas une seule fille qui viendrait à La Galette en pyjama.
- Crois moi, je ne suis pas l'exception. Même moi je ne sais pas ce qui m'a pris.
- T'habites à côté ?
- Pas du tout. C'est une longue histoire.
- T'as éveillé ma curiosité là. Faut que tu me racontes.
- En gros, avec des amies on a fait une soirée pyjama à la maison hier soir. Et comme elles sont sauvages, elles m'ont forcé à les déposer au boulot. En mode, elles dorment pas, alors moi non plus.
- Soirée pyjama ? De grandes filles comme vous ?
Il part dans un fou rire.
- Hey on se moque pas. On a mérité cette soirée.
- Ah oui ? Comment ça ?
- Toi key je ne te fais plus de confidences puisque tu te moques.
- En tout cas, ton mari doit être sacrément coriace pour supporter une horde de femmes toute une nuit.
- Il est en voyage.
- Ah je comprends mieux maintenant. Le chat n'est pas là, les souris dansent.
- Exactement.
Une serveuse se présente et me demande si j'ai fait mon choix.
Je prends une part de chacun des gâteaux aux fruits et un au chocolat et un sachet de pain de mie. Au moment de payer, je me rends compte que je n'ai pas ma pochette avec moi. Pire, je pense même pas que je suis sortie avec. Je demande à la caissière de me donner quelques minutes le temps que je retourne à ma voiture vérifier. Mais Zac intervient et paie à ma place. Ce qui me met terriblement mal à l'aise.
- Ce n'est rien voyons. Disons que c'est un prêt si tu veux. En retour, je réclame ce message que tu me dois depuis des mois.
- Incha'Allah. Merci encore.
- C'était un plaisir. Passe une bonne journée Aysha.
- Toi aussi Zac.
Dès que je m'installe dans ma voiture, j'appelle Laetitia pour l'engueuler puisque c'est de sa faute si je suis dans cette situation.  Elle se fout de moi jusqu'à ce que je finisse par raccrocher, exaspérée.
Je rentre, prends une douche, rattrape ma prière et attaque ma part de fraisier. Ce qui me fait penser à Ismaïla. Il a l'habitude de me ramener des gâteaux aux fruits parce qu'il sait que j'adore ça. Et au lieu de s'en payer également, non, il squatte mes parts. Du coup, je suis obligée de me cacher pour manger. Et comme une souris, il finit toujours par me retrouver.
Ismaïla. Est-ce qu'il y a une seule chose sur cette terre qui ne me rappelle pas cet homme.
Le truc, c'est que je suis en manque. Ce n'est plus que physique et mental. C'est aussi sexuel maintenant. Je l'ai réalisé ce matin en me réveillant. J'ai besoin de sexe. J'ai besoin de mon mari.
Sur un coup de tête, je décide de l'appeler. Je prépare quelques répliques, des banalités. En réalité, je n'ai pas réfléchi avant de composer. Et maintenant, que ça sonne, je ne peux plus faire marche arrière. Cinq, six, sept sonneries... Je finis par me résigner et raccrocher. Il doit probablement être à sa séance de rééducation. Ou avec sa pétasse. Non mais à quoi je pensais ?
Toute la journée, j'attends en vain qu'il me rappelle. Et R. Il faut que j'apprenne à arrêter d'avoir de l'espoir. Pour mon bien. Je suis dégoûtée.
Au lieu de l'appel tant espéré je n'ai droit qu'à des reproches. Lae, Maina et Fabi, m'ont appelé à tour de rôle pour me dire qu'elles sont claquées. Comme si j'avais écarté de mes propres mains leurs paupières pour les empêcher de dormir. Mes sœurs, c'est vous qui avez fait palabre toute la nuit non ? Maintenant, faut assumer.
Le lendemain, je retourne chez le gynécologue. Mes analyses sont assez satisfaisantes malgré une petite anémie. Elle me donne son feu vert pour faire de la natation. En fait, l'envie m'a pris en chemin.
Un peu d'exercice m'aidera sûrement à faire le vide. Je retourne à la maison pour chercher un maillot mais, finalement, j'ai la flemme de sortir alors je reporte au lendemain.
Maina m'appelle dans la journée et m'informe que la date de son intervention est fixée. Dans deux semaines. Il faut encore qu'elle fasse quelques analyses puis une visite pré-anesthésique. Ensuite, elle sera prête à se débarrasser de cette tumeur.
Le plus dur, ce ne sera pas la mastectomie mais plutôt la chimiothérapie. J'ai lu plusieurs articles sur le sujet et c'est très éprouvant. Je la rassure du mieux que je peux, en promettant d'être là tout au long.
Je ne sais pas comment elle fait pour gérer ça. Rien que le fait de lui parler m'assombrit le moral.
Je ne concrétise mon projet piscine que le lendemain après-midi. Le contact avec l'eau me fait énormément de bien. Après quelques longueurs, je m'allonge sur un transat. Il me vient l'idée de texter Zac. Enfin.
Il me répond aussitôt, et la discussion se prolonge. De fil en aiguille, je l'informe que suis à la piscine. Il propose sur un ton taquin de venir me servir de bodyguard. J'accepte sans arrière pensée.
C'est donc avec ébahissement que je le vois débarquer une trentaine de minutes plus tard.
- Okay c'est officiel. Là, tu me suis vraiment.
- Je suis ton garde du corps non ?
- Attends t'étais sérieux ? Je croyais que c'était juste pour rire.
- Ça l'était. Mais finalement j'ai eu envie de nager aussi. Alors je me suis dit pourquoi ne pas te rejoindre.
Je ne sais pas comment le prendre. Je veux dire c'est mignon et tout mais je suis mariée et il le sait. Alors, je ne comprends pas du tout son comportement. Je ne veux en aucun cas qu'il se fasse des idées. Dans quel pétrin je suis allée me mettre encore ?
- Ça va ?
- Oui oui.
- Ton expression te trahit. Ça te dérange que je sois là ?
- Tu sais que je suis mariée, n'est-ce pas ?
- Attends tu crois que je te drague ? Mais t'es malade meuf.
- Je ne sais pas trop quoi penser.
- Désolé pour ce malentendu. Tu sais quoi, je vais m'en aller, c'est mieux.
J'ouvre la bouche mais à ce moment j'ai une sensation bizarre au bas ventre. Une sorte de fourmillement. Ma main se porte automatiquement sur mon ventre. Ça se répète et je commence à paniquer.
- Aysha ? Tu vas bien ?
Si je vais bien ? La question c'est est-ce que mon bébé va bien.
- Tu as mal ?
- Non, je me sens juste...
J'attends que cela se reproduise mais rien.
- Je crois que je devrais appeler mon gynéco.
- Oui bien sûr.
Le gyneco m'explique que ce n'est rien, juste le bébé qui commence à bouger. J'ai flippé pour rien en fait. Je raccroche et prends une grande inspiration.
- Ça va ?
- Oui. Apparemment c'est juste le bébé qui commence à bouger.
- Le bébé ?
Il me fixe. Apparemment mon ventre passe inaperçu.
Mes yeux se remplissent de larmes. Ces jours ci je pleure pour un oui ou pour un non. Mais en ce moment, c'est plutôt des larmes de soulagement. J'ai cru que j'allais perdre mon bébé. Tout ça c'est nouveau pour moi alors je suis assez paranoïaque. Surtout que je sais que le bébé n'est pas au niveau de développement optimal. Mais un enfant qui bouge, c'est un enfant en bonne santé.
Je me passe la main sur les yeux en m'excusant.
- Désolée, je suis assez émotive ces temps-ci.
- Tu devrais être contente il me semble. S'il bouge c'est qu'il va bien, non ?
- Oui.
J'éclate néanmoins en sanglots sans aucune raison. Zac me prend dans ses bras. Je me calme tout aussi vite que j'ai fondu. Je n'ai absolument plus aucun contrôle sur mon corps.
- Je suis désolé. C'était déplacé de t'enlacer ainsi. Mais je ne savais pas quoi faire d'autre.
- Non, non, t'en fais pas. Merci plutôt.
- Ça va mieux ?
- Oui.
Je lui souris. Le pauvre a l'air dépassé. Je suis passé de la joie, à la colère, à la peur, aux larmes devant ses yeux. Tout ça en moins de dix minutes. Il doit avoir vachement envie de se sauver là.
- Bon je vais y aller. T'es sûre que ça va ?
- Non reste. Fin, t'es venu pour nager alors nage. En plus, ça me fera de la compagnie.
- Sûr ?
- Oui.
- Ok.
Il pose ses affaires sur le transat voisin et s'en va piquer un plongeon. Quand à moi, je sais que j'en ai fini. Il est hors de question que je me présente en petite tenue devant un autre homme. Heureusement qu'il m'a trouvé assez décente déjà. Je profite du fait qu'il soit dans l'eau pour aller me changer.
Lorsqu'il sort, je ne peux m'empêcher de le mater. Sérieusement, il faut qu'Ismaïla revienne. Parce que là, ça prend des allures de nympho.
- Tu t'es déjà changée ?
- Oui. Je pense que j'en ai assez fait pour aujourd'hui.
- Tu es vraiment spéciale tu sais. Tu es la première femme sénégalaise que je vois aller à la piscine avec une grossesse. Khana t'as pas grandi ici ?
- Parce que tu penses que mes proches sont au courant ? Je suis là en cachette. Et toi avec ton discours, tu viens de me stresser gratuitement
- Je retire ce que j'ai dit alors.
- Trop tard.

Ismaïla

Ma discussion avec tata Virginie m'a perturbé. L'appel de Aysha aujourd'hui, encore plus. Je sens, au fond, que Tata a raison mais je ne peux me résoudre à appeler Aysha. Ma femme... Car oui, que je le veuille ou non, c'est ce qu'elle est. Même si je ne garde aucun souvenir d'elle.
Peut-on ne plus se souvenir d'une personne qu'on a aimée ? J'ai peut-être perdu la mémoire mais j'ai toujours le même cœur, la même âme. N'est-ce pas avec ceux-là qu'on aime ?
Je ne l'ai pas appelée pour deux raisons: je ne sais pas quoi lui dire et j'ai honte. Honte de me comportement. Car, il n'est pas digne d'un homme marié. J'en suis bien conscient.
Elle reste ma femme et peu importe la situation, je me dois de la respecter. Même si elle ne le mérite pas.
Elle n'a pas le droit d'aller voir ailleurs mais toi si ? Me souffle ma conscience. Mais c'est différent. Moi j'ai droit à quatre femmes. Il faut bien que j'en fréquente une si jamais je compte en épouser une autre. Mais Aysha ? Elle n'a aucune excuse. Une femme infidèle n'a aucune excuse.
D'accord, je n'ai aucune preuve. Mais les allusions d'Astou ont été assez claires pour tout esprit doté de raison.
J'aurais peut-être dû écouter les deux versions, certes. Seulement entre la femme que je connais depuis si longtemps, que mon esprit n'as su effacer malgré tout ce trauma ; cette femme qui a voyagé d'un continent à l'autre, à ses propres frais juste parce que je lui ai dit qu'elle me manquait. Et la femme dont les seuls souvenirs que j'ai sont ceux que j'ai depuis mon réveil. La balance est en déséquilibre.
Je dois admettre qu'Aysha n'a rien été d'autre qu'un modèle de docilité. Mais les gold-digger sont connues pour leurs talents de comédienne alors je ne peux pas m'y fier.
Avec tout ce qui se passe dans ma vie, j'ai besoin d'un refuge et c'est Astou. Elle m'aide comme elle peut pour que je recouvre la mémoire. Je la connais depuis toujours, quasiment. Je me sens en sécurité avec elle. Comme si rien n'avait jamais changé. Comme si tout ceci n'était jamais arrivé.
Je ne sais pas si c'est de l'amour. Ce n'est pas ce que je ressentais au début de notre relation. En tout cas, je me sens en sécurité avec.
Aysha, c'est l'inconnu pour moi. Et je crois que pour une fois dans ma vie, j'ai le droit d'être égoïste et de me choisir. Mes remords en ce qui la concerne, j'arrive à les enfermer loin, dans un coin de mon esprit.
Je veux me retrouver, me rétablir, avant tout. Chaque fois que je me force à me rappeler, je me crée des céphalées atroces.
C'est tellement frustrant tout ça ! Merde !
Je ne peux plus faire de sport, ni exercer mon métier. Je suis totalement dépendant des autres affectivement. Parce que j'ai l'impression qu'ils me connaissent mieux que moi-même. Je suis perdu, il me manque une partie de moi. Je me sens faible, inutile même. Et ça me fout une de ces rages !
En tant que médecin, je suis très bien placé pour savoir que la convalescence est difficile, qu'il faut de la patience, et du moral. Ces mots, je les ai prononcés une multitude de fois. Et j'y croyais. Fermement. Je réalise maintenant que c'est tout autre chose quand c'est moi le patient.
En tant qu'homme, en tant qu'homme, je me sens au bord de la dépression nerveuse. J'ai perdu le contrôle sur ma vie. Je souffre, chaque jour.
Je me sens diminué et impuissant. Et l'essence même de mon ADN ne colle pas avec ces mots.

FlammeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant