Chapitre 17

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La sonnerie résonne pour la cinquième fois, me donnant envie d'étriper quelqu'un. Mais où peut bien être Abou ? Exaspérée, je descends ouvrir. Je croise le gardien venant de l'autre bout du jardin.
- Désolée madame. J'étais aux toilettes.
Il me devance en courant presque et ouvre la porte. Laetitia entre en enlevant ses lunettes de soleil. Elle salue Abou puis me précède à l'intérieur en me tchippant.
Fabi, je vais la tuer. Je lui demande de venir m'aider. Au lieu de ça, elle me balance. Je n'ai pas besoin d'une intervention. Ma décision est prise.
N'étant pas d'humeur, je rentre sans un mot et me dirige vers ma chambre. C'est un vrai capharnaüm entre les armoires ouvertes, les vêtements sur le lit, les valises au sol.
- Je peux savoir ce que tu fais ? Demande Laetitia.
- Je pense que tu le sais déjà puisque tu es là. Je ne suis pas d'humeur à entendre un discours. Alors pardon épargne-le moi.
Elle se fait une place sur le lit et me demande de venir m'assoir.
- Aysha, je n'ai qu'une heure de pause. J'ai déjà épuisé les 15 minutes sur le trajet. J'ai fait le déplacement jusqu'ici, alors la moindre des choses c'est de m'écouter. Viens t'asseoir, s'il te plaît.
Elle tapote le lit et je m'exécute en soupirant.
- Qu'est-ce que tu es en train de faire là ?
- Ça se voit non ? Je range mes affaires.
- Aysha. Toi et moi on se connaît depuis très longtemps. Tu sais que chaque décision que tu prendras, je la soutiendrai à fond. Qu'elle me plaise ou non. Mais je te le dis. Tu es en train de faire une vraie connerie. Tu agis sous le coup de la colère et tu vas le regretter.
- Laetitia meyma diam wayow. (Fiche moi la paix). J'ai fait ma part. Ça suffit maintenant. Je rentre chez moi.
- Tu ne rentres pas, tu fuis. Tu l'as déjà fait en revenant à Dakar sans ton mari. C'est ce que tu fais. Tu n'affrontes pas, tu contournes, tu te laisses faire.
- Je ne te permets pas de me parler ainsi.
- Il n'y a que la vérité qui blesse. Et tu sais que j'ai raison. Astou t'a traité de pute. Et alors ? Ce n'est pas vrai, tu le sais, tout le monde le sait. Tu crois quoi ? Qu'elle va te prendre ton mari en disant s'il te plaît et merci ? Mais non, elle va la jouer sale, appuyer là où ça fait mal, utiliser absolument chacune de tes faiblesses et t'insulter chaque fois qu'elle aura l'occasion. Et toi qu'est-ce que tu fais ? Tu lui laisses le champ libre. Tu vis trop dans bisounours Aysha. Ici c'est la vraie vie. Commence à rendre les coups que cette putain de vie te donne.
- Qu'est-ce que tu veux que je fasse bordel ? Fermer ma gueule et supporter ? Déjà fait. Supplier Ismaïla ? Déjà fait.
- Je veux que tu te battes. Que tu arrêtes avec toute cette passivité. Si quitter cette maison et recommencer à zéro c'est ce que tu veux, wallah je me lève tout de suite et on boucle ces valises. Si TU as décidé que tu ne veux plus de cette vie, d'Ismaïla, je me lève et on commence un nouveau chapitre. Parce que TU auras décidé que c'est le combat que tu veux mener. Mais si tu es en train de faire tes bagages parce que Astou t'as traité d'arriviste et de profiteuse, bah tu baisses les bras tout simplement. Et je n'aime pas les gens qui baissent les bras. Encore moins les gens bêtes qui font exactement ce que la maîtresse de leur mari attend d'eux.
- Tu ne comprends pas. J'ai tellement mal.
- Mais moi aussi. Je souffre. Tu souffres. Les sept milliard de personnes sur cette planète souffrent d'une certaine manière. Mais il faut que tu arrêtes. C'est quoi ton plan ? Retourner chez toi ? Élever cet enfant seule ? Divorcer ?
- Je ne sais pas. Pour l'instant, j'ai juste besoin de partir d'ici.
- Ok, princesse. Faisons un petit reality check ici. Tu es sans emploi. Tes parents sont retraités. Ton frère et ta sœur sont encore à l'école. Comment tu comptes subvenir aux besoins de ce bébé ?
- Donc tu veux que je reste pour l'argent.
- Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que je dis c'est qu'il n'y aura pas de divorce jusqu'à ce que cet enfant vienne au monde, au moins. C'est son devoir à Ismaïla de prendre soin de toi, de vous, financièrement parlant. Que tu sois ici ou chez tes parents. Ta fierté, est très mal placée. Tu n'es plus toute seule, ta priorité c'est ton enfant. Et rien que pour des raisons pratiques, tu devrais rester ici. Je ne te parle même pas des raisons juridiques là. Parce que ce que tu fais, c'est un abandon de domicile. Imagine Ismaïla l'utilise pour te prendre la garde du bébé.
- C'est impossible. Et il n'oserait pas.
- Je veux en venir au fait que c'est que ce n'est pas une décision mûrement réfléchie.
- Quitte à vivre sans le sou, je ne vais pas rester pour ça. Je ne suis pas intéressée par son argent. Ce que je veux, c'est lui.
- Ça je le sais. Tu le sais. Toutes les personnes qui ont droit à une opinion dans ta vie le savent. Tu n'es pas matérialiste. Réfléchis. Qu'est-ce que Astou aurait pu te dire d'autre qui te fasse ranger tes valises ? L'argent est un sujet sensible. Elle t'aurait traité de pute uniquement et on serait en train de l'insulter. Aysha, Ismaïla quoi qu'il puisse faire pour toi, il le fait parce que c'est son devoir en tant que chef de famille. Et aussi parce qu'il t'aime. Ne laisse pas cette vipère s'immiscer dans ta tête. Tout le monde sait que vous vous aimez. Vous êtes le couple auquel on aimerait ressembler. Pour l'amour du ciel, j'ai une photo de vous en fond d'écran. Vous deux c'est le goal.
- Eh bien, plus maintenant.
- Je vais poser ma question une dernière fois. Est-ce que tu veux t'en aller et tourner la page Ismaïla ? Ou est-ce que tu vas porter tes ovaires et récupérer ce qui t'appartient ?
Je me prends la tête entre les mains.
- Je l'aime Lae.
- Je sais.
- Je n'ai pas envie de partir mais il le faut.
- Il le faut parce que c'est ta décision ou parce que Astou a touché ta fierté ?
- Un peu des deux.
- Moi je pense plutôt que c'est la seconde option. Et je ne vais pas te laisser foutre ton mariage, que dis-je NOTRE mariage en l'air parce que t'es une peureuse.
- Je ne suis pas une peureuse.
- Dis celle qui fait ses bagages après une altercation avec l'ex de son mari.
- Qu'est-ce que tu attends de moi ? Concrètement ?
- Concrètement. Déjà tu me retournes ces affaires là où elles étaient. Ensuite, tu sors Astou de ta tête. Et troisièmement, tu parles à ton mari. Tu retournes à Paris s'il le faut. Sincèrement, je pense qu'il est temps d'impliquer les parents.
- Non, surtout pas.
- Mais pourquoi ?
- J'ai peur que ça prenne des proportions incontrôlables.
- Non tu as peur que ça finisse en divorce. Tu vois ? C'est ridicule tout ça. Tu ne veux absolument pas partir. Mais toute cette incertitude, ça ne peut pas continuer. Tu devrais en parler à tes parents. Parfois, c'est ce qu'il faut.
- Toc toc.
Je regarde en direction de la porte et vois Fabi.
- Ah Fabi t'es là.
- Oui. Qu'est-ce que j'ai raté ?
- Je disais juste à Aysha de ne pas laisser Astou la dégager alors qu'elle n'est rien d'autre qu'une simple maîtresse.
- Mom key. Kii beuss bugn ko takkalé woudj mu doff. (C'est clair qu'elle va perdre la tête le jour où son mari épouse une seconde femme)
Je lève les yeux au ciel.
- Écoutez, il faut vraiment que j'y aille. Fabi, je te laisse prendre la relève. Ne la laisse pas faire de bêtise. Je t'appelle ce soir mon bébé. Ok ?
- Ok.
Elle nous fait des bises et s'en va. J'attaque Fabi.
- Cafteuse.
- J'avais pas le choix. J'avais un projet à présenter et je ne voulais pas prendre le risque que tu partes avant mon arrivée. Ça a payé non ? Est-ce que Laetitia à réussi à t'enlever cette idée stupide de la tête ?
- J'imagine.
- Je suis sûre qu'elle te l'a déjà dit mais Ismaïla est censé s'occuper de toi. S'il prend soin de nous, c'est parce qu'il t'aime. C'est une preuve d'amour. Astou a décidé de te pourrir la vie. Et tu la laisses réussir.
- Oui mais, s'il ne lui en avait pas parlé, elle ne me l'aurait pas balancé à la figure.
- Tu n'as aucune preuve que c'est lui qui lui a dit. Elle pouvait très bien être en train de prêcher le faux pour trouver le vrai. Et puis partir pour qu'on t'accuse d'abandon de domicile ? C'est chez toi ici. Tu es la maîtresse de maison, la femme, l'aimée. Il faut juste que tu le lui rappelles.
- Faudrait d'abord qu'il accepte de me parler.
- On le traquera jusqu'à Paris s'il le faut.
- Merci petite sœur. Maintenant, remets toutes ces affaires à leur place.
- Pardon ?
- Tu m'as bien entendu. Comme maintenant t'es une rapporteuse, tu ranges tout. En plus, je suis crevée.
On débat quelques minutes mais elle finit par se lever et tout remettre à l'endroit, en rouspétant. Les privilèges du droit d'aînesse.
Après son travail forcé, elle rentre me laissant à nouveau seule avec mes pensées. Je dois admettre qu'elles ont raison. C'était une décision irréfléchie. Je me suis laissé emporter par ma colère et ma fierté surtout. Partir, c'est lui donner satisfaction.
Dieu, que je suis fatiguée. J'aimerais tellement m'endormir et me réveiller quand tout ça sera terminé

FlammeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant