Enfilant mes talons pour la deuxième fois de l’année, je me regarde dans le miroir. Jeune fille désespérément banale, sans charme apparent, sans beauté. Ce soir, tous les regards vont se poser sur mon amie Tara, comme à mon habitude. C’est toujours elle que les garçons admirent, toujours sur elle que les regards se posent, toujours sur cette femme que les garçons aiment parler. Toujours elle et rien d’autre qu’elle. Je ne suis pas étonnée. Tara est loin d’être la fille timide, loin d’être la fille qui n’a pas confiance en elle. Tara est tout simplement tout le contraire de moi, la femme dont je rêve secrètement d’être au fond de moi. Après tout, qui n’aimerait pas être une femme belle et forte ? Je pense que chaque fille qu’elle peut connaître l’envie d’une certaine façon. Sa beauté est éclatante et malgré sa popularité, elle n’hésite pas à parler avec tout le monde, même si ces personnes en question ne sont pas comme elle, même si ces personnes sont transparentes aux yeux des autres. C’est pour ça que tout le monde l’apprécie, elle est généreuse, elle prend le temps de discuter avec les personnes qui osent lui dire bonjour. Personne n’ose lui dire non et c’est le cas pour moi ce soir. Je ne voulais pas sortir mais je ne pouvais pas dire non à ma seule et unique amie. Tara adore les soirées, sortir, tout ce dont je déteste, n’étant pas à l’aise avec les autres mais elle a insisté, je n’ai pas réussi à lui refuser sa proposition une seconde fois.
Le reflet de mon corps dans le miroir ne me convient pas. La robe rose poudrée que je porte est sublime mais j’ai l’impression qu’elle n’est pas adaptée pour moi, qu’elle irait mieux sur quelqu’un d’autre. Malheureusement, je ne peux pas me transformer en une personne plus jolie, je ne peux pas non plus changer de tête en un claquement de doigt. Je dois accepter mon corps comme il est, je n’ai pas d’autre choix. La confiance que j’ai en moi est tellement faible que je n’arrive pas à me faire un compliment. Tara me complimente quelques fois pourtant mais rien ne fonctionne. Il faut dire que face à cette sublime blonde aux yeux bleus, je ne peux qu’être complexée.
Soupirant, je prends ma veste en cuir et sors de chez moi en prenant soin de fermer à clé. Tara s’impatiente dans la voiture et semble même agacée de la situation. Elle n’est pas patiente, pourtant, habituellement, c’est moi qui l’attend.
- Dépêche-toi Séréna, souffle-t-elle en démarrant sa voiture, on va être en retard.
- Tu es sublime Tara !
- Je sais.
Elle me sourit et à peine eu-je le temps de m’installer dans la voiture qu’elle roule. Tara a l’habitude d’avoir des compliments et bien qu’elle ait un côté adorable, elle peut parfois se montrer sèche et même quelques fois hautaine mais c’est comme ça que chaque personne s’attache à elle, c’est son caractère.
Le trajet n’a duré seulement une trentaine de minutes. Tara sort de la voiture en première et dès le premier pied posé sur le sol, les garçons courent vers elle, la complimentant de sa magnifique robe rouge. Jamais un regard pour moi, jamais un mot en ma faveur. J’ai beau avoir l’habitude, c’est toujours douloureux de ne recevoir aucune attention. En même temps, qui voudrait d’une jeune femme portant des lunettes, n’ayant rien à envier, n’ayant aucune forme. Les hommes préfèrent la beauté au cœur. Je la suis afin d’entrer dans cette demeure en même temps qu’elle mais l’une de ses grandes amies arrive à grand pas.
- Tara, tu es là ! Se réjouit la jeune fille aux longs cheveux violets. J’ai un tas de choses à te raconter, tu vas en devenir folle.
Elle lui prend le bras et l’écarte de tous ses fans. Sa copine n’a jamais fait attention à moi. Jamais un regard, jamais un bonjour comparée à Tara qui est très polie malgré sa notoriété. Elle se croit supérieur aux autres, pensant qu’elle est la plus jolie fille, qu’il n’y a pas meilleure qu’elle. Déjà au lycée, elle faisait tout pour avoir toute l’attention sur elle et même quelques années après avoir quitté cet endroit, elle continue toujours d’être ce genre de filles superficielles. Je me suis même demandée si elle ne restait pas avec Tara uniquement pour gagner en popularité. Ça peut paraître irréaliste de manipuler les personnes de cette manière simplement pour être une femme reconnue, simplement pour avoir une bonne réputation mais je ne serais pas surprise d’apprendre qu’elle se sert de Tara. Les humains sont tellement immondes de nos jours que plus rien ne me surprend.
J’entre dans le salon, en me sentant seule, perdue face à cette foule déchaînée. La musique est si forte que je me demande comment toutes ses personnes font pour se parler. Restant dans un coin comme une pauvre petite fille qui ne sait pas aller vers les autres, qui ne sait pas s’amuser sans son amie, je profite de ma solitude pour observer autour de moi. Chaque personne tient un verre à la main. Tous remplis d’alcool. C’est bien simple, il n’y a aucune boisson non alcoolisée. La plupart sont même déjà éméchés. Pas étonnant s’ils ne boivent que de l’alcool. Je remarque facilement les personnes soûlent ; ils ne parlent pas, ils crient et ne tiennent même pas en place. C’est presque répugnant qu’à leur âge, ils font tout pour être dans un état pitoyable. Incapable de s’amuser autrement. L’odeur de la drogue, de substances illicites chatouille mon nez. C’est classique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je ne voulais pas venir. Les fêtes où Tara m’emmène sont pratiquement toutes dans ce style-là. Je connais même la fin de cette soirée alors qu’elle vient à peine de commencer. D’ici quelques minutes normalement, le nombre de personnes bourrées va doubler et ils vont tous au bout d’un moment vomir parce qu’ils ne savent pas boire correctement et n’étant pas capable de continuer la soirée, ils vont partir de là, dormir sur place et le lendemain, ils ne vont pas se rappeler de cette nuit-là. Ils ne vont pas se rappeler du taux d’alcool qu’ils avaient, ni même avec qui ils ont passé la nuit. Rien. Le néant total. C’est typique.
Les filles dansent collées aux garçons ou à leurs copines. Ce n’est même pas de la danse, ce sont simplement les hanches qui bougent. Je ne me sens pas à l’aise, je ne suis pas à ma place ici, je serais bien mieux chez moi, dans mon 50 m² à regarder un film de filles à la télévision, un film sans prise de tête, là où tout est bien mieux qu’ici. Je serais mieux n’importe où du moment que ce n’est pas ici. Je n’ai qu’une envie, c’est de rentrer. Tara m’a toujours dit que si je l’accompagne à une fête, elle me raccompagnerait dès que je le souhaiterais. Ce moment est venu.
Un homme, plutôt grand aux cheveux bruns, s’approche de moi. Il rigole pour un rien, vient de renverser son verre sur son tee-shirt blanc mais semble n’y apporter aucune importance et manque de tomber à plusieurs reprises. Son état paraît critique, il ne devrait pas tarder à s’écrouler par terre, finissant la soirée ainsi.
- Tu veux boire un verre, rit-il en essayant de me regarder.
Ses pupilles sont dilatées, symptôme de prise de drogue. Je lève les yeux au ciel, exaspérée par cette scène qui me fait de la peine. Il me laisse partir, ne me retenant pas mais éclate de rire avec ses amis qui ont l’air dans la même situation que lui. Je me faufile dans la foule, cherchant Tara qui est visiblement bien planquée. Visitant chaque recoin de cette demeure, je me perds facilement mais surtout rapidement face à ce labyrinthe. Je n’avais jamais vu une maison aussi grande, avec autant de salles de bains que de chambres. C’est presque ridicule d’avoir toutes ses pièces qui semblent pour la plupart non habitées. Perdant patience, je l’appelle pour la énième fois de la soirée mais toujours aucune réponse. Tara n’est pas du genre à me filtrer habituellement, à me laisser sans réponse même si elle peut mettre du temps à répondre à mes appels. J’en conclus qu’elle est occupée avec un garçon, c’est la seule conclusion que j’ai pu trouver mais ce n’est pas pour autant que je vais abandonner mes recherches. Je ne veux pas rester une minute de plus dans cet endroit qui me répugne à chaque personne que je peux croiser.
Je sors mon téléphone portable de ma poche et envoie un message à Justin : « Help me ». Je lui envoie toujours ces deux mots-ci lorsque je suis dans une mauvaise situation ou dans un endroit que je ne supporte pas. C’est une habitude que j’ai pris.
Tu es à ta soirée, c’est ça ? Je t’avais dit de ne pas venir là-bas. Pars vite d’ici.
Justin est un homme qui prend soin de moi mais surtout, un homme qui pense comme moi. Nous ne nous sommes jamais vu mais pourtant, c’est comme si nous nous connaissons depuis des années. Il a pris une place énorme dans mon cœur en si peu de temps. C’est assez étrange de ma part, étant toujours sur mes gardes face aux autres mais avec lui, c’est différent. Il est différent. La première fois que je parle avec quelqu’un qui me comprend, qui est comme moi, qui ne m’ignore pas. C’est agréable.
Ne t’inquiète pas, je vais partir de là. Je t’envoie un message dès que je suis rentrée.
Justin aime bien savoir quand je rentre, ça le rassure m’a-t-il dit. Je longe un couloir sans fin, sans personne à vrai dire. Le tapis rouge en guise de sol me fait penser à la décoration des châteaux dans les temps anciens. L’aménagement intérieur avec des peintures dont je ne connais pas les peintres et les sculptures me font comme un retour en arrière. Ce n’est pas à mon goût mais cela montre bien l’argent que possède cette famille. Je ne comprends pas comment il est possible de dépenser autant d’argent en décoration de ce style là. J’ai l’impression que tous les tableaux, les peintures, les vases sont là uniquement pour dire aux invités qu’ils n’ont aucun soucis financier. Un jeune homme arrive en sens inverse de moi. Lui aussi semble être dans un sale état. Je n’ai pour l’instant vu personne sobre. Nous nous croisons mais rien ne se passe jusqu’à ce que le jeune garçon pose sa main sur mon bras, me tirant légèrement vers lui afin de m’arrêter dans mon élan de marche.
- Alors, tu es toute seule, me dit-il en tenant à peine debout.
Je me débats doucement pour qu’il me lâche mais il semble ne pas apprécier. Il s’énerve, me plaquant violemment au mur, comme un animal affamé.
- Lâche-moi ! m’exclamé-je.
Il rigole comme si c’était drôle, comme si la situation l’amusait. Pendant une fraction de seconde, j’ai eu l’impression d’être une proie, d’être la victime d’un tigre qui meurt de faim mais cette idée est vite partie quand j’ai vu ses yeux. Ils sont rouges à cause de la drogue, son haleine pue l’alcool à plein nez. Mon cœur s’accélère automatiquement, tremblant de peur. J’essaie de m’agiter, de bouger dans tous les sens afin qu’il me lâche mais il me bloque les mains au dessus de ma tête avec sa main droite. Sa main gauche se place sur l’un de mes seins, le tripotant. Les larmes coulent seules, complètement dégoûtée par cette scène.
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L'archer.
AdventureQue se passe-t-il quand on croise la route du serial killer le plus recherché du monde ? Serena va très vite le découvrir.