Chapitre 8.

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Deux jours ont passé. Deux jours où Nicolas s’est fait harcelé sans ouvrir le moindre message, sauf ceux de son frère. Il sort de chez lui après être resté enfermé pendant tout ce temps et attend son frère sur un pont. Là où il n’y a pas énormément de passages, surtout la nuit, lorsqu’il n’y a pas de lumières pour éclairer les alentours. Nicolas aurait préféré voir son jumeau chez lui mais Justin l’a forcé à sortir, trouvant qu’il avait besoin de prendre l’air, que ce n’est pas en restant cloîtrer à l’intérieur que les choses vont s’arranger. Pire, il pense qu’en restant chez lui, Nicolas va devenir fou.
- Tu m’attends depuis longtemps ? Demande Justin en voyant son frère accoudé au pont.
- Non je viens d’arriver.
- Ça a été pour venir, tu n’as pas eu trop peur ?
- Arrête de te foutre de ma gueule.
- Je ne me fiche pas de toi Nicolas, je suis sérieux.
- Non ça va, répond-t-il après quelques minutes de silence.

La tension entre les deux frères est tendue. Nicolas a toujours peur et Justin est toujours énervé contre lui mais ça ne l’empêche pas d’être là pour son frère malgré ce qu’il a fait à Séréna. Il a longuement réfléchi pendant ses deux jours. Il pensait dire à son frère qu’il n’avait plus envie de l’aider mais il n’a pas pu. Plusieurs fois, il a écrit un message, disant qu’il devait se débrouiller seul mais il n’a jamais réussi à l’envoyer. Pas le courage. Pas la force de laisser son jumeau dans la misère. Il est capable de lui trouver les pires défauts qu’il soit mais il ne lui ferait jamais de mal. Il en est incapable. Nicolas représente toute sa vie, tout son bonheur même si il ne s’en rend pas compte. Ils sont liés quoi qu’il puisse se passer et l’abandonner reviendrait à lui planter un couteau en plein cœur.
- Écoute j’ai réfléchi, commence Justin.
- Tu as trouvé une solution ? Le coupe Nicolas.
- J’ai pensé à plusieurs choses. À géolocaliser son portable par exemple.
- Mais on ne peut pas faire ça sauf si on est policier, ce qui n’est pas le cas.
- Exactement. J’ai pensé donc à se rendre à la police pour qu’ils arrêtent ce malade.
- T’es sérieux ?
- Bien sûr que non, ça reviendrait à te dénoncer et il en n’est pas question.
- T’entendre dire ça me fait du bien, avoue Nicolas.
- Je ne cautionne pas ce que tu as fait mais tu restes mon frère et je ne supporterais pas qu’il t’arrive quelque chose et encore moins d’être loin de toi.

Bizarrement, cette histoire rapproche les deux frères. Ils se dévoilent un peu plus alors qu’ils n’ont pas l’habitude de se dire ce genre de choses bien qu’ils savent au fond ce que l’un pense de l’autre mais l’entendre est différent. Les deux frères marchent un peu afin de ne pas rester sur place. Le temps les refroidit mais ils restent dehors, s’écartent des trois personnes qui sont sur le pont, s’éloignent des lampadaires qui les éclairaient et s’avancent dans le noir.
- Qu’est-ce que je peux faire ? Demande Nicolas inquiet.
- C’est difficile de savoir quoi faire face à ça.
- Il n’y a rien que je puisse faire ?
- Nico, il faut bien que tu admettes que c’est compliqué. C’est dur de savoir qui te harcèle sans avoir aucun numéro ni même d’indice.
- Et si c’était Séréna ?
- Non, répond Justin au tac au tac.
- Et pourquoi pas ? Après tout, c’est elle la victime.
- Et comment elle aurait eu cette photo ?
- Je ne sais pas. Quelqu’un lui a envoyé.
- Non. Ce n’est pas elle. Elle est incapable de faire ça, répète Justin.
- Qu’est-ce que tu en sais ?
- Je la connais. Elle n’est pas comme ça. C’est quelqu’un d’autre. C’est sur.
- Mais qui ?
- C’est la question que je me pose.

Les deux garçons continuent de marcher, sans prêter attention à la personne qui les observe au loin. Ce passant les écoute discuter en comprenant un mot sur deux à cause de la distance. Il se cache derrière des buissons afin de ne pas se faire repérer.
- Je ne dors même plus la nuit, avoue Nicolas à son frère.
- Ça se voit, tu as des cernes sous les yeux.
- J’ai peur de voir ce malade chez moi.
- Ne t’inquiète pas, on va trouver une solution.
- Mais pour l’instant, il n’y en a aucune.

Le sourire de ce passant s’affiche sur son visage, prenant plaisir à voir les deux frères impuissants face à cette situation. Nicolas commence à avoir les larmes aux yeux à force de réfléchir et de ne trouver aucune solution à son problème et ce rôdeur semble apprécier la situation. Il a l’air de trouver ça amusant de le voir paniquer de cette manière là. Il jubile.
- Il faut que tu changes de numéro, dit Justin à son frère.
- J’y ai pensé mais j’ai l’intuition que ce fou va me retrouver.
- C’est fort possible. Tu as fait quoi d’autres comme conneries ?
- Rien. Pourquoi cette question ?
- Parce que je me dis que c’est peut-être une personne que tu as déjà fait souffrir.
- Non, je ne vois vraiment pas qui. Je n’ai rien fait d’autre.

Plus les frères semblent perdus et plus le passant semble heureux. Comme si il voulait que le malheur des autres fasse son bonheur. Nicolas panique à chaque bruit et Justin le rassure comme il peut. Cette situation n’est pas tenable mais Justin ne lâche pas son frère. Il reste près de lui, essayant de trouver une solution même la plus minime bien qu’au fond de lui, il sait que ce n’est pas évident. Il pense à Séréna sans le cacher à son frère.
- Tu vas m’abandonner pour cette fille ? s’inquiète Nicolas. D’un côté je comprendrais, surtout si tu l’aimes mais je ne te cache pas que…
- Jamais Nicolas, l’interrompt Justin. Jamais je t’abandonnerai pour qui que ce soit. Je tiens plus à toi qu’à ma propre vie. Je suis triste pour Séréna, j’aimerais l’aider et me battre pour elle mais tu passes avant. Ne t’inquiète pas, on va trouver une solution, même si on doit y passer toute la nuit.

Justin prend son frère dans les bras pour le rassurer. Ce câlin en dit long sur la relation indestructible des jumeaux. Le rôdeur ne détache pas son regard d’eux. Un regard farceur qui devient froid et menaçant quand il entend l’un des jumeaux dire qu’il a une idée. Furieux, voyant rouge, l’étranger change d’attitude immédiatement et devient plus colérique. Son cœur s’accélère en les écoutant, n’étant pas satisfait de cette tournure. Il ne prend plus la peine d’entendre ce qu’ils se disent et s’arrête brusquement, ouvrant son sac de sport en prenant soin de garder les gants qu’il porte déjà. Il regarde attentivement autour de lui, scrutant les moindres recoins afin d’être sûr de ne pas être remarqué par quelqu’un. Personne. Aucun passant. Aucune maison ni immeuble aux alentours, seulement les deux frères au fond du parc. Apercevant son arc, il sourit, imaginant la suite de cette histoire. Posant sa flèche sur le repose flèche, il vise, attendant quelques secondes afin d’observer les deux frères qui ont l’air d’être ravis de leur idée. L’archer tend le bras, ajuste son arc en faisant attention de bien viser et tire. La flèche vole à toute allure dans les airs et transperce la tête de Nicolas. Meurt sur le coup, le jeune homme s’écroule sur le sol, laissant son sang s’échapper de son crâne. Justin voit son frère allongé par terre, criant de toutes ses forces. Les larmes coulent sans qu’il ne puisse les arrêter et secoue Nicolas, espérant qu’il va se réveiller mais rien ne se passe. Nicolas ne bouge pas. Ses yeux restent grand ouverts. Un regard complètement vide.
- Nico ! Hurle Justin. S’il te plaît.

La tristesse de Justin est de plus en plus forte. Sa moitié est partie sous ses yeux. Il se sent impuissant. Il a l’impression que c’est de sa faute si il a reçu cette flèche. Il n’a pas su le protéger comme il le fallait. Justin est accroupit à côté de son frère, une main posée sur son torse, ne sentant plus son cœur battre, le regardant avec insistance, comme si il voulait l’observer le plus longtemps possible afin de ne jamais oublier son visage. Il oublie qu’il est dans un parc, qu’il a crié au point peut-être de réveiller quelqu’un mais personne ne semble se déplacer. Il ne prend même pas la peine de rechercher autour de lui qui a bien pu lui tirer dessus. Le tueur prend une deuxième flèche, la posant à nouveau sur le repose flèche pour tirer une seconde fois. La flèche vole dans les airs et traverse de la même manière que Nicolas la tête de Justin. Il meurt sur le coup. Les deux frères sont allongés sur le sol, observés par le meurtrier qui prend plaisir de voir ce spectacle. Il sourit et range son arc, partant de cet endroit avant qu’un passant ne le voit.

L'archer. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant