Chapitre 12.

165 7 1
                                    

Le lendemain matin, je me précipite de me préparer afin de sortir. Je dois le retrouver. Je ne dois pas le laisser m’échapper, il fait beaucoup trop de mal autour de lui, il doit payer. Je ne sais honnêtement pas comment m’y prendre, ni comment vais-je pouvoir faire pour rentrer dans sa vie, pour le piéger mais je me sens obligée de venir en aide à toutes ses personnes terrifiées à l’idée de sortir. Je n’ai que très peu de temps pour arriver à mes fins. Thomas ne reste jamais sur place très longtemps. Au contraire, afin d’éviter de se faire repérer, de se faire coincer, le jeune meurtrier frappe trois, quatre fois dans la même ville et passe à autre chose, dans un autre pays. Je suis même persuadée qu’il change de nom à chaque vol pour ne pas être soupçonné.
Marchant dans les rues de Chiché aussi vite que je ne le peux, regardant tout autour de moi, lisant même les pensées des quelques passants afin d’essayer de trouver Thomas le plus rapidement possible, personne n’a l’air de l’avoir vu. Peut-être que les habitants ne le connaissent pas. Peut-être qu’il n’est pas encore sorti. Je ne peux pas sonner chez lui. Premièrement, ce n’est pas à côté de l’immeuble qu’il a vu hier. Deuxièmement, il se poserait des questions, se demandant pourquoi je viens le voir et surtout, comment j’ai su où il habite. Je m’assois à un banc au centre ville. Je suis complètement perdue. Je ne sais pas quoi faire, ni où aller. J’ai envie de baisser les bras parce que cette mission est au dessus de mes forces et je le sais très bien mais quand je vois un passant marcher devant moi, une volonté immense se propage dans mon corps. La volonté de les sauver, de ne plus être envahi par la peur. Thomas ne peut plus continuer ainsi, à mener une double vie, à prendre plaisir à assassiner de sang froid toutes ses victimes. Son jeu ne peut plus durer et c’est pour cette raison que je vais me battre pour mettre fin à ce tueur en série qui est en liberté depuis bien trop longtemps. Totalement plongée dans mes pensées, la tête baissée sur le sol en observant les cailloux posés sur le goudron, je réfléchis à toutes sortes de stratégies possibles et inimaginables pour lui adresser la parole et le voir assez souvent mais rien ne me vient à l’esprit. Aucune idée. Je perds presque patience. J’ai beau méditer sur le sujet, je suis dans une impasse. Une paire de Timbaland beige se dresse devant mes yeux, me remettant à la réalité.
- Salut, tu sembles complètement noyée dans tes pensées.

Je lève ma tête et mon cœur manque un battement. Un battement de peur mais en même temps de soulagement. Il est là. Il est venu à moi, c’est encore mieux que ce que je n’aurais pensé. Comme hier, ses pensées sont maigres, voir inexistantes. Il ne me facilite pas la tâche. Je dois trouver une idée au plus vite, quelque chose qui me permettrait de rester avec lui aussi longtemps qu’il le faut.
- Salut, je ne t’avais même pas vu, dis-je en ayant toujours un peu la tête en l’air.
- Est-ce que tout va bien ? Tu as l’air pensive. Je dirais même ailleurs.

Il me mâche le travail. Je ne pensais pas qu’il allait voir ma détresse si je puis dire.
- Non ça ne va pas très fort effectivement, commencé-je. Il y a quelque chose qui ne va pas.
- Rien de grave ?
- Si. Justement et c’est bien ça le problème.

Je vois dans son regard qu’il veut en savoir plus, en revanche, dans sa tête, c’est le vide. Il ne m’aide pas. Thomas ne doit pas penser à la moindre chose, comme la dernière fois, comme pour se protéger. C’est fatiguant. C’est d’autant plus dur. Je pensais avoir un avantage mais en réalité, je n’en ai pas. Mon pouvoir ne me soutient pas.
- C’est mon appartement, menti-je.
- Qu’est-ce qu’il a ?
- Il est totalement inondé. Une fuite d’eau dans l’appartement du dessus a eu lieu et ça a débordé chez moi. Mon appartement est inutilisable. Je ne sais pas où je vais dormir pendant les jours à venir. Mes parents sont loin. Je n’ai pas d’amis. Je n’ai personne.
- Il est vraiment dans un sale état ?
- Oui. Tu ne t’imagines même pas à quel point. L’eau a monté jusqu’aux prises électriques. Impossible de marcher sur le sol correctement. Il faut tout refaire et le propriétaire m’a dit qu’il y en a pour au moins un mois. Voir peut-être un peu plus. Il n’a pas voulu me dire ce qu’il s’est passé mais je crois que quelque chose a explosé et c’est pour ça que toute cette eau a coulé.

Je ne sais pas ce qu’il m’a pris de raconter de telles bêtises pareilles. Je lui ai dit la première chose qui me venait à l’esprit. C’est sorti tout seul. J’aurais pu dire bien pire, comme un incendie. Il aurait remarqué qu’aucun feu n’a eu lieu et il aurait tout compris. Là, il est difficile de connaître la vérité, sauf si il se renseigne, ce que je n’espère pas. Je tente un coup de poker. Soit il croit à mon histoire imaginaire et ma mission devrait plutôt bien avancée ou soit, il devine mon mensonge et je suis une femme fichue, une femme en très grand danger.
- Que pense-t-elle en me disant ça ? A se rapprocher de moi ?

Je suis surprise mais essaie de ne rien laisser paraître. Il vient de penser quelque chose. C’est si rare. Il est si discret d’habitude, si secret, comme si il savait que je pouvais lire dans les pensées des autres, ce qui est impossible. Il doit être comme tout le monde, se disant que ce pouvoir n’existe que dans les contes pour enfants. Il imagine que je veux me rapprocher de lui. Il tape dans le mile. En revanche, il ignore totalement que cette histoire est montée de toute pièce et est surtout la première chose qui m’est venue à l’esprit. Je ne sais même pas qu’est-ce que j’attends de lui face à ça. Rien à vrai dire. Je n’attends rien de lui. Il n’est pas capable d’avoir des sentiments, de ressentir la moindre pitié pour quelqu’un et pour ce qui est d’aider les autres, je doute fortement qu’il connaisse la signification de ce mot. Je ne peux plus faire machine arrière. Je redoute la suite de cet événement. J’ai manqué une occasion de me taire.
- Qu’est-ce que tu comptes faire ? Me demande Thomas comme si il s’en fichait un peu.
- Je ne sais pas, soupiré-je. Je vais peut-être dormir dehors.
- Dormir dehors, dans le froid ? Dit-il surpris.
- Je n’ai pas vraiment le choix.
- Tu n’as pas une voiture au moins ?
- Non. Pas le permis. J’ai toujours préféré marcher ou prendre les transports en commun. Au moins, je ferais des économies. Ça m’embête pour mes créations qui sont fichues maintenant, pour mes affaires que je ne pourrais pas toutes emmener avec moi mais il faut faire des concessions dans la vie. C’est un obstacle que je dois franchir.
- Tu as l’air de prendre plutôt ça bien.
- Je me dis que ça ne servirait à rien de me morfondre sur mon sort. L’appartement restera inondé même si je crie, même si je hurle. Je n’y peux rien. Le sort s’acharne sur moi.
- Tu as l’air d’être triste malgré tout.
- Oui. C’est normal, non ?

Il me regarde. Un regard assez insistant, comme si il savait que je ne lui disais pas tout. Il me rend tellement mal à l’aise, je ne sais pas si il s’en rend compte.
- Il y a autre chose, ça se voit, insiste Thomas.

Je ne réponds pas. Je laisse un léger silence s’installer, ne voulant pas répondre trop vite cette fois-ci. Et si c’était l’occasion de lui reparler du tueur en série ? Peut-être, sur un mal entendu, qu’il va se dévoiler, ou bien qu’il va se confier. Je rêve sûrement mais j’ai envie de tenter le coup. Chaque passant a peur de lui, si je dis ce que je pense sur lui, il ne va pas trouver ça étrange, au contraire.
- C’est le tueur en série, finis-je par dire.
- Quoi encore avec lui ? Tout le monde ne parle que de ça.
- C’est normal de parler de lui. Il est sûrement dans cette ville, là, quelque part. Comme chaque habitant, j’ai peur de tomber nez à nez en face lui. J’ai peur de mourir.
- Tu ne vas pas mourir, souffle-t-il.
- Comment tu peux en être aussi sûr ? Il tire sur tout ce qu’il bouge. La journée, on se sent un peu plus en sécurité mais quand la nuit tombe, c’est plus inquiétant. Si il n’avait pas été là, j’aurais eu moins peur de dormir à la belle étoile mais là, il peut être n’importe où. J’ai envie de me réveiller chaque matin. Je n’ai pas envie que mon cœur s’arrête subitement de battre.
- Tu sais, tu peux mourir du jour au lendemain suite à une crise cardiaque, à un accident de voiture, à une blessure. Il y a énormément de raisons pour laquelle tu peux mourir du jour au lendemain. Il ne faut pas que tu t’arrêtes de vivre parce qu’un tueur en série est dans les parages. Il aura gagné sinon.
- Comment tu peux être aussi calme face à ce malade qui est dans les rues ?
- Si il n’y a pas de personnes paisibles pour calmer ceux qui sont comme toi, il n’y aurait pas d’équilibre et tout le monde serait paniqué au point d’accuser tout le monde, de faire n’importe quoi.
- Je vois très bien ce que tu veux dire mais dormir dehors alors qu’il est là me pétrifie complètement. Je redoute cette nuit et celles à venir.

Je ne sais pas si je suis crédible dans mes propos mais Thomas n’a pas l’air surpris. Il est détendu. Il doit rire au plus profond de lui.
- Il est peut-être parti de cet endroit, dit-il en s’installant sur le banc.
- Je ne pense pas, déclaré-je en pointant du doigt le journal d’un passant.

Un homme d’un soixantaine d’années marche devant nous, son journal dans sa main gauche, laissant apparaître le gros titre « L’archer a encore tiré ! ». Le cœur battant, je me lève brusquement, allant dans la première librairie du coin et regarde le journal du jour. Thomas surgit derrière moi, m’arrache le journal des mains et part à la caisse le payer. D’un geste de la main, il me demande de le suivre. Le suivant à l’extérieur, je ne suis pas très à l’aise à l’idée de lire un article qui parle de lui. L’un à côté de l’autre, nous ouvrons le journal afin de lire ensemble l’article.
- Une quarantenaire a été retrouvé morte, commence Thomas en ne lisant pas tous les mots, près de l’église.
- Comme les précédentes victimes, elle a reçu une flèche sur la tête, continué-je.
- La victime ne semblait pas être harcelé, avoir un quelconque problème qui pourrait aider l’enquête.

Un coup de chaud se propage en moi, me forçant à respirer fort, comme si je manquais d’air dans mes poumons. Mes jambes deviennent lourdes et tremblent au point d’avoir du mal à me maintenir debout. Difficilement et sous le regard attentif et inquiétant de Thomas, je me rapproche du banc, afin de m’asseoir dessus, essayant de reprendre mes esprits. Le cœur battant, me faisant presque mal, je fixe droit devant moi, le regard vide.
- Qu’est-ce que ça va ? Demande Thomas presque tracassé. Tu es toute pâle.

Il pose sa main sur mon épaule, se penchant légèrement afin de m’observer. Je l’entends, je le vois, mais impossible d’ouvrir la bouche et de sortir un mot comme si j’étais paralysée. L’annonce de cet article m’a mis un coup de poignard dans le dos. J’avais lu sur internet qu’habituellement, il n’harcelait pas ses victimes. La dernière fois avec Justin et son frère devait être nouveau. Cet homme n’arrête donc jamais et il arrive encore à se regarder dans un miroir, à vivre sa vie l’air de rien, de me parler pour ensuite probablement me tuer en pleine nuit.
- Tu ne bouges pas, je vais te chercher à boire, me dit Thomas en posant le journal à côté de moi.

Je n’ai pas eu la force de lui répondre ni même de m’enfuir en courant une fois partie. Thomas revient en deux minutes à peine, une bouteille d’eau à la main. Il l’ouvre pour moi. La main tremblante, je saisis la bouteille et bois.
- Ça va mieux ? Me demande le jeune meurtrier en posant ses fesses sur le banc.
- Oui, ça va, dis-je en respirant assez fort.

Cet homme me fait peur, terriblement peur. Je ne peux pas me le cacher. Il peut m’assassiner du jour au lendemain mais je continue. Je n’arrêterai pas. Il terrifie chaque personne sur cette Terre, si je ne tente rien, il continuera ce petit jeu entre lui, les policiers et les habitants de chaque ville. Nous verrons à la fin qui de nous deux remportera la partie.
- Tu connaissais cette femme, c’est ça ? Me questionne-t-il.
- Non, pas du tout. C’est juste qu’en lisant cet article, la peur a pris le dessus. J’ai imaginé cette inconnue se balader dans les rues cette nuit, me voyant dormir sur un banc, me voyant comme une proie facile.
- Tu pars loin là.
- Je sais, mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir peur. J’ai encore tellement de choses à vivre, à voir. Je ne veux pas mourir maintenant et encore moins de cette manière là. Regarde, il a tué une pauvre femme innocente.
- Elle n’est peut-être pas innocente. On ne sait pas qui c’était, ni comment elle vivait.
- Peut-être mais c’est honteux de tuer quelqu’un de cette manière là. Cette femme ne méritait pas de mourir. Maintenant, sa famille, ses proches doivent faire un deuil. C’est horrible. J’ai presque envie de partir de cette ville mais le tueur peut être partout. Il change tellement souvent d’endroit qu’il est impossible de se sentir en sécurité quelque part sur cette Terre.
- Calme-toi. Il y a à peine cinq minutes, tu étais à deux doigts de t’évanouir et là, tu es tellement énervée que les passants te regardent étrangement.
- Mais tu n’as pas peur toi ? Tu ne trembles pas quand tu sors la nuit, quand tu vois quelqu’un ?
- J’ai un petit stress, c’est normal. Mais là, peut-être que cette femme avait un mari jaloux et il s’est vengé de la même manière que l’archer. Ou l’archer avait peut-être une raison de la tuer. On ne peut pas savoir ce qu’il s’est réellement passé mais il ne faut pas paniquer comme ça. Tu vas donner raison à cette personne.
- Je ne comprends pas comment tu fais pour être zen comme ça, pour essayer de trouver une excuse à ce meurtrier.
- Je ne lui donne pas raison, j’essaie simplement de comprendre ce qu’il se passe dans sa tête.
- C’est un psychopathe, il n’y a pas d’autre explication.

J’ai envie de lui sauter à la gorge et de l’égorger. Il me sort par les yeux à vouloir se trouver des excuses, des raisons valables pour ses actes. Malheureusement, il y a une chose pour laquelle il n’a pas complètement tort : je ne connais pas la vie de cette femme. Il est vrai qu’elle peut avoir un lien avec Thomas ou qu’elle ait fait quelque chose dont tout le monde ignore mais dans tous les cas possibles et inimaginables, ça n’excuse pas son geste. Pour n’importe quelle raison, personne ne doit tuer un homme. C’est ignoble, injuste. Un acte violent et rien que d’y penser, ça me donne la chair de poule.
- Elle ne comprend pas, comme les autres.

Thomas pense. Enfin. Ça ne m’aide pas mais j’ai l’impression d’avancer, d’avoir fait un pas. C’est lui qui ne comprend pas le mal qu’il fait autour de lui. Une idée me vient en tête. Une idée peut-être folle, qui ne mènera sûrement à rien mais je peux toujours essayer d’aller dans son sens, de lui montrer que je suis ouverte à sa pensée. Il peut éventuellement s’ouvrir à moi.
- Tu penses réellement que cette femme a un lien avec l’archer ou qu’elle a fait quelque chose qui justifierait l’acte de ce fou ? Demandé-je en ne laissant rien paraître.
- Je ne sais pas. Je suis comme toi, je ne connais pas cette personne. Ce ne sont que des hypothèses. J’essaie, comme tout le monde, d’en savoir plus. Peut-être adroitement.
- C’est possible que tu sois sur la bonne voie. Après tout, tu n’as pas tort, même l’article le dit : cette femme n’avait pas l’air d’avoir des problèmes mais un secret peut se cacher derrière l’apparence. On ne sait rien d’elle après tout et maintenant qu’elle est décédée, personne ne va pouvoir en savoir plus.
- Exactement. Je dois te laisser, j’ai des petites choses à faire. À bientôt.

Il me sourit et part, me laissant seule sur le banc. Je n’ai presque pas avancé mais je lui ai malgré tout parlé. C’est toujours mieux que rien. Je ne sais pas par où commencer, ni comment m’y prendre. Je pars dans tous les sens et n’étant pas policière, je fais n’importe quoi. J’espère simplement le revoir. Thomas est parti si précipitamment. Je crains qu’il ne revienne pas, qu’il change de ville. Je me précipite à la bibliothèque de la ville, voulant me renseigner sur les tueurs en série, sur les romans policiers.
Complètement obnubilée par les livres que je dévore, le temps passe sans le remarquer jusqu’à ce que la bibliothécaire arrive devant moi.
- Je suis désolée de vous déranger, me dit-elle gentiment en remontant ses lunettes, mais la bibliothèque va fermer, vous devez partir.

Je regarde l’heure : 20h. Les minutes ont passé et je n’ai même pas fait attention. Je n’ai même pas mangé. J’étais tellement intéressé par ses intrigues toutes si intéressantes les unes des autres que la faim n’est pas venue. Les livres que j’ai lu étaient tous bien écrits, tous détaillés comme il faut. J’ai compris que le tueur était souvent quelqu’un de blessé au fond de lui. C’est un point important. Thomas a peut-être eu une enfance difficile. C’était peut-être un enfant battu par ses parents, mal aimés par ses camarades et suite à ce mal-être, il se venge en tuant chaque personne qu’il peut croiser le soir. Je dois approfondir cette information. Elle est peut-être vraie. Dans d’autres livres, le meurtrier à la fin était la personne la plus évidente comme des proches des victimes ou des policiers parfois. Ce sont tous des fictions et même les tueurs en série réels, qui ont réellement vécu, personne ne connaît leur véritable raison. Les enquêteurs disent souvent de ce genre de personnes qu’elles ont besoin d’aide, qu’elles ont des problèmes psychologiques. Je range soigneusement les livres, observe l’hôtesse d’accueil qui ferme les volets. Elle me fait penser aux bibliothécaires dans les films ou dans les séries avec des lunettes, ses cheveux attachés rapidement, comme si elle avait été en retard le matin même et ses vêtements qui ne lui apportent aucune féminité, aucun charme et qui sont surtout deux fois trop grands pour elle. Je suis persuadée que cette femme est jolie mais elle ne se met pas en valeur. Au contraire, elle se cache derrière un semblant de style par timidité. C’est ce que je ressens lorsque je la vois. Je suis sûre que je ne me trompe pas. Elle ne pense à rien mais c’est si évident en voyant les livres posés sur son bureau. « Comment séduire ? », « Comment choisir une tenue correctement ? » ou encore « Comment changer de style pour se sentir mieux dans sa peau ? ». Ce que nous lisons reflète simplement ce que nous pensons. J’aimerais l’aider à se sentir bien dans sa peau, en n’ayant plus peur d’être qui elle est sincèrement mais je n’ai malheureusement pas le temps. Je sors de la bibliothèque et sans surprise, la nuit est déjà tombée depuis longtemps. Les lampadaires n’éclairant plus tellement, j’accélère le pas, ayant peur de trouver Thomas. Il peut être n’importe où. Je n’ai pas envie de le croiser et j’ai encore moins envie qu’il me voit. Il pourrait avoir l’idée de m’éliminer sur le champ. Ce n’est pas judicieux de ma part mais je rentre chez moi, au chaud. J’aurais pu dormir dehors afin de transformer mon mensonge en un semblant de vérité mais avec ce malade dans les parages, je ne prends aucun risque. Une branche se casse soudainement. Je sursaute et me retourne. Un silhouette s’est dessiné au loin. Les battements de mon cœur s’accélèrent subitement. Imaginant Thomas avec son arc, je cours le plus vite possible tout en regardant derrière moi et fonce brutalement sur quelqu’un.
- En général quand on court, il faut regarder devant soi.

Je connais cette voix. Tournant ma tête devant moi, je vois la seule personne que je ne souhaitais pas voir. Thomas. Je ne sais pas comment réagir face à lui alors je reste là, plantée devant lui, ne bougeant pas, ne disant rien, le regardant simplement. Il est tout en noir, portant également un bonnet pour se protéger du froid. Aucun sac à la main. Aucun arc avec lui. Que fait-il à cette heure-ci sans son arc ?
- Qu’est-ce que tu faisais ? Me demande Thomas.
- Je marchais pour me réchauffer et toi ? Répondis-je en regardant derrière moi.
- Qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi tu regardes derrière toi ?
- Tu vas me prendre pour quelqu’un de parano mais juste avant que je te fonce dedans, une personne était derrière moi. J’ai paniqué. Je n’ai pas vu son visage, il était beaucoup trop loin de moi mais j’ai eu peur. J’ai eu tellement peur.

Thomas me regarde. Il sent ma peur, mais sait-il que ma frayeur est lui-même ? Je ne pense pas. Ce n’est pas cet inconnu qui m’a fait courir qui m’a paniqué, c’est le fait d’avoir pu penser que ma vie était sur le point de se terminer par la faute du meurtrier qui se trouve en face de moi. Dans sa tête, c’est le vide. Il ne dit rien. Je ne sais pas si il connaît mon secret, si il fait extrêmement attention à ses pensées ou si je suis beaucoup trop affolée pour entendre quoi que ce soit dans sa main mais cette situation ne m’apaise absolument pas. Bien au contraire.
- Allez, viens, me dit-il calmement.
- Comment ça viens ? Répété-je presque effrayée.
- Je ne te laisserai pas dormir dans la rue en étant terrifiée comme ça.
- Tu m’emmènes où ?
- Chez moi.

Mes yeux s’ouvrent en grand, mon cœur bat plus rapidement que la normale, deux fois plus vite. Peut-être même trois fois plus intensivement. Je ne bouge pas, totalement paralysée par sa proposition. Venir chez lui, m’introduire dans sa maison, là où il pense à ses futurs victimes, là où il photographie sûrement toutes ses personnes qui suit pendant plusieurs jours avant de les assassiner. Cet endroit où il dort, où il vit, où il met au point les préparatifs de ses meurtres, où tous ses arcs qui ont servis à abattre ses pauvres humains sans défense. Ça me donne froid dans le dos rien que d’y penser. Je ne peux pas le suivre. Je ne peux pas entrer dans la maison d’un tueur en série. C’est beaucoup trop dangereux et au dessus de mes forces mais toutes ses victimes me viennent en tête, imaginant ses vies volées, des proches détruits. Thomas me dégoûte et l’idée d’aller chez lui me répugne encore plus, me disant que je vais probablement devenir la complice de ce malade, mais je ne peux pas abandonner toutes ses personnes. Je peux encore moins passer à côté de cette opportunité. Chez lui est l’endroit idéal pour enquêter, pour en savoir plus sur lui, sur ses intentions. Timidement, je baisse la tête et le suis, sans dire un mot. Ai-je fait le bon choix en le suivant ? Je ne sais pas mais je prends le risque de mettre ma vie un peu plus en danger pour sauver celle des autres.

L'archer. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant