Chapitre 14.

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Le 23 janvier, 8h30.
J’ouvre mes yeux, me retrouvant dans les bras de Thomas qui dort encore paisiblement. Nous avons passé la nuit l’un contre l’autre, s’embrassant quelques fois sans aller plus loin. Ce doux instant était magique et je me sens bien ce matin mais je ne peux pas m’empêcher d’éprouver un sentiment de regret, un pincement au cœur, comme lorsque j’étais petite et que je cachais à mes parents une bêtise que j’avais osé faire. Sans geste brusque, je sors de ce lit, allant dans la cuisine. Installée sur le canapé, je pose mes coudes sur mes jambes, mettant ma tête entre mes mains. Je réfléchis à cette nuit. Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce qui m’a pris de céder à la tentation ? Je n’ai rien pu contrôler, me laissant faire stupidement et à prenant du recul, je me rends compte que ses longs baisers échangés m’ont plu. J’ai éprouvé un énorme plaisir à être près de lui, contre lui. Je me suis sentie en sécurité, comme si rien ne pouvait m’atteindre, comme si rien ne pouvait m’arriver, ce qui est illogique parce que c’est de sa faute que la terreur règne sur cette Terre. Je ressens quelque chose de spécial à ses côtés. Je n’ai jamais connu une telle sensation. J’allume l’ordinateur qui est en face de moi, sur la petite table. Aucun code. Thomas ne doit avoir rien d’important. En fouillant, je ne découvre rien. Aucune photo. Aucun document. Les historiques sont vierges. Cet ordinateur ne doit pas vraiment lui servir, peut-être simplement occasionnellement. Sur la page d’accueil internet, je tombe directement sur les actualités, trouvant un site qui ne parle que de Thomas. « L’archer » se nomme-t-il. Parcourant le blog, je découvre que cette personne détaille chaque meurtre que ce tueur commet. Tous les articles, même des informations que la police ne divulgue pas comme certains meurtres sont notés dessus. Comme un agenda pour informer chaque habitant de l’ampleur des dégâts. Cette personne doit suivre de très près les faits divers, les journalistes et les policiers pour connaître tous les crimes de Thomas. Je sais pertinemment que les journalistes, les présentateurs télés et toutes ses personnes liées indirectement à cette affaire n’annoncent jamais tout de lui. Simplement pour nous protéger, pour ne pas nous dévoiler toute la vérité, ne voulant pas aggraver la situation mais aussi parce qu’ils leur sont impossible de nous communiquer uniquement le malheur, la maltraitance et tous ses sujets qui pourraient nous plomber le moral, qui pourraient nous faire terriblement peur, nous rendre craintifs de tout ce qui nous entoure. Il nous faut du positif, de la joie, c’est essentiel pour notre bien-être, pour reprendre une vie après chaque tristesse. Les médias filtrent ce qu’ils ont envie de nous dire mais je sais parfaitement qu’il y a plus de meurtres qu’il en ait déclaré publiquement. Je me concentre sur le dernier article ajouté, datant d’à peine quelques minutes.

Chers lecteurs,
Comme vous le savez, je fais en sorte d’être au plus près de l’actualité concernant l’archer afin de vous tenir au courant de ses nouveaux meurtres pour vous protéger. Pour toutes les questions que vous vous posez, sachez que je ne dirais pas mes sources ni même mon identité mais il est évident que mes sources sont sûres et que chaque article est vrai.
Cette nuit, une nouvelle personne a été retrouvé une flèche dans la tête à La Rochelle. Je ne connais pas encore l’heure exacte de ce décès. Un homme d’une vingtaine d’années. Je n’en sais pas plus pour le moment. La police ne semble toujours pas avoir de pistes concrètes et ne compte pas dévoiler ce meurtre aux médias pour des raisons de sécurité. La police veut arrêter ce tueur et en diffusant tous ses meurtres, elle diminue peu à peu les pistes mais je ne suis pas de cette avis. Si chaque personne connaît une partie de l’enquête, elle pourrait probablement les aider indirectement. Faites attention, habitants de La Rochelle, le tueur se trouve peut-être près de vous.

Mon cœur se serre et le plaisir de cette nuit s’est subitement transformé en une haine. Thomas a profité de mon sommeil pour aller tuer un homme à environ deux heures d’ici. Je comprends aussitôt qu’il est temps pour moi de me recentrer sur la mission et d’arrêter d’espérer de lui un bon côté. Je sens au fond de moi une colère, un sentiment de regret, de chagrin de ne plus pouvoir l’embrasser, de devoir m’éloigner de lui, même en ayant passé une agréable journée à ses côtés hier, mais c’est pour mon bien. Je ne dois ni m’attacher, ni relâcher. Je suis près de lui pour l’emmener en prison et rien d’autre.
- Il a été gentil, c’est pour ça, me chuchoté-je.

Thomas a été presque irréprochable hier, c’était un autre homme, le rendant méconnaissable, sympathique et séduisant. Je suis sûre d’avoir succombé à son charme parce qu’il était amical, qu’il était devenu pendant une journée un homme affectueux mais il cachait simplement sa véritable personnalité, sa véritable personne. Il est inadmissible, inconcevable de le laisser continuer son petit jeu. Il finira en prison, coûte que coûte. J’ai embrassé un criminel et je m’en veux réellement. Je n’aurais jamais dû faire ça, j’étais ailleurs mais mes esprits sont désormais clairs : Thomas paiera ce qu’il a fait.
- Qu’est-ce que tu fais ?

Je sursaute, tournant la tête, voyant Thomas s’étirer. Il s’assoit à côté de moi et pose sa main sur son dos. Je ne dis rien, le laissant faire et écoutant mon cœur s’emporter. « Il essaie de m’attendrir, il joue un rôle, c’est un meurtrier » me répété-je dans ma tête afin de rester concentrer, afin de ne pas fondre dans ses bras comme hier mais ses paroles ont l’air de sonner faux. Je ne sais plus quoi penser de cette situation. Suis-je vraiment en train de l’apprécier ou suis-je tout bêtement hypnotisé par le jeu qu’il est en train de jouer ? Mon pouvoir ne me permet pas de pénétrer dans ses pensées. Ça me désole. J’ai un don qui pourrait m’être utile mais il se bloque face à lui. Pourquoi ? Sûrement parce que je ne suis pas moi-même face à lui. Sûrement parce que je ne suis pas honnête avec mes intentions. 
- Je regarde un blog, dis-je en fixant l’ordinateur.
- C’est sur quoi ? Demande Thomas en lisant l’article.
- C’est sur l’archer, il a encore frappé.

Thomas n’a pas l’air d’être énervé ni même surpris de cet article. Il le connaissait peut-être déjà. Mes épaules sont hautes, signe de panique. Sa main monte le long de mon dos, se plaçant à la hauteur de mon cou. Le malaise s’installe en moi, ne sachant ni quoi faire, ni quoi dire, ni même quoi penser. Je commence à trembler, se souvenant de la journée d’hier mais aussi de tous ses meurtres qu’il commet depuis longtemps, de toute cette peur qu’il est en train d’élargir petit à petit dans le monde entier.
- Qu’est-ce qu’il y a ? me demande Thomas.
- J’ai peur, pleuré-je.

Les larmes ont coulé le long de mes joues sans que je ne puisse les arrêter. Thomas est un homme dangereux, pourtant, avec moi, il n’a pas l’air d’être quelqu’un de violent, ni même le terrible psychopathe qu’il peut être. Il n’a eu aucun geste méchant, aucun acte agressif envers moi. Bien au contraire. C’est un homme doux avec moi, même si par moment, il reste mystérieux, distant au départ, Thomas s’est ouvert à mes côtés et il a été sincère. Je l’ai senti en moi. Il n’a pas menti sur ses mots. Il dépose ses bras autour de mon corps, me serrant contre lui, posant sa tête au creux de mon cou tout en soufflant sur ma peau, me procurant des millions de frissons. Ses doigts montent de haut en bas sur ma peau, me caressant.
- Je suis là, me chuchote Thomas. Tu  n’as pas à avoir peur, il ne t’arrivera rien.

Je ne réponds pas et le laisse faire. Il est difficile d’expliquer ce que je ressens actuellement. Je suis à la fois heureuse qu’il me prenne dans ses bras mais terrifiée à l’idée de me dire qu’il est derrière ma peur. Néanmoins, il est vrai qu’il ne m’attaque pas alors qu’il a eu plusieurs fois l’occasion de le faire. Même à cet instant, il pourrait sortir son arc de sa cachette et m’abattre de sang froid mais il n’essaie pas. Au contraire, il est en train de me réconforter. Je n’arrive pas à le comprendre, je n’arrive pas à voir sa réelle personnalité et mon pouvoir ne s’active pas en sa présence.
- Ce pouvoir fabuleux n’est là uniquement pour redonner goût à la vie aux autres mais quand il s’agit d’arrêter un meurtrier, il n’est plus là, pensé-je.

Et c’est la vérité. J’imaginais pouvoir aider les policiers, aider les habitants de toute la Terre avec ce don inouï mais c’est tout l’effet inverse. J’ai un doute sur cette magie en moi. Et si elle était partie ? Si je n’avais plus ce merveilleux don ? Ça expliquerait pourquoi les pensées de Thomas sont inexistantes. Je veux bien admettre, au début, ne pas réussir à lire dans sa tête parce qu’il ne pensait rien mais c’est un humain et comme tout être-humain, il cogite. Il est évident qu’à un moment de la journée, ce meurtrier pense, ne serait-ce que pour s’exprimer sur ce qu’il voit, ce qu’il prévoit de commettre. Ce pouvoir est sûrement en train de disparaître et je commence à m’inquiéter très sérieusement. C’était le seul avantage que j’avais et il s’efface. Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive.
- Je vais aller me promener un peu avant, dis-je à Thomas en me levant.
- Attends, je viens avec toi.
- Non, fais tes valises. Je vais y aller seule, ne t’inquiète pas. Il fait jour, je ne risque rien.

Thomas ne dit rien mais me laisse partir après m’être rapidement préparé. J’ai besoin de me retrouver seule, de me poser les bonnes questions, de savoir si je continue cette mission. Ce don ne m’aide pas réellement mais d’imaginer qu’il ne m’épaulera plus m’inquiète, me disant que je ne suis pas la bonne personne pour mettre fin à des centaines de meurtres.
- Je pense déménager.

Je lève ma tête, regardant attentivement autour de moi en entendant une voix. Quelques passants marchent tranquillement sans faire attention à moi. Je ne comprends pas. Est-ce une personne qui a réellement parlé ou est-ce les pensées d’un inconnu ? Ces trois mots me font cogiter. Et si mon pouvoir n’était pas vraiment parti ? J’observe une jeune adolescente focalisée sur son téléphone, sûrement à envoyer un message à une personne qui lui ait cher.
- Pourquoi il ne me répond pas ?

J’ouvre les yeux en grand. Cette fille n’a pas bougé sa bouche. Elle n’a donc pas parlé directement. Le sourire aux lèvres, le cœur s’accélère, pensant qu’il y a peut-être une lueur d’espoir, que ce don n’est peut-être pas perdu. Je prends soin de fixer, sans trop insister, chaque personne qui se balade près de moi et j’ai réussi à lire dans les pensées de ces personnes sans aucune difficulté. Certains se rappellent leur liste de courses, d’autres se demandent si ils ont fait les bons choix. Cette magie est en moi, elle n’a pas disparu. Il est possible de mal comprendre ce don ou je l’utilise pour de mauvaises raisons. Je ne suis pas une détective, policière ni un autre métier qui pourrait aider la justice et c’est peut-être pour ça que ce pouvoir se bloque en la présence de Thomas. Il me protège sûrement de lui. Si je connaissais ses pensées, je me trahirai, comme la dernière fois. Je serais capable de me mettre bien plus en danger qu’à présent.
Je ressens en moi un sentiment de compréhension, de satisfaction, comme si je venais de réaliser l’intensité de cette magie.
- Je sais à présent que ce pouvoir me protège, pensé-je à nouveau. Si je n’entends pas les pensées de Thomas, c’est uniquement pour me protéger, pour m’éviter toute erreur de ma part et non pour me bloquer dans ma mission et si je ressens en moi ce que Thomas éprouve, c’est simplement pour m’aider, pour compenser le manque d’information que je pourrais avoir.

Ce pouvoir n’est pas évident à discerner mais maintenant que j’ai réussi à en apprendre plus sur ce mystère, je vais être capable d’avancer. J’étais focalisée sur les pensées de Thomas qui refusaient de faire irruption sans succès inutilement. Il suffit de me concentrer sur ses sentiments, sur ses émotions pour mieux entendre ce qu’il pense. Je décide de rentrer afin de le retrouver. Il est paisiblement assis sur le canapé, regardant la télé.
- Est-ce que ça va mieux ? Me demande Thomas se redressant.
- Oui, dis-je timidement.

Il se lève et pose ses lèvres sur les miennes. Je ferme les yeux, basculant dans un autre monde, plongeant dans une profonde sensation de bonheur, de tendresse. Ce baiser ne dure qu’une seule minute mais c’était suffisant pour apprécier cet amour, pour éprouver une vague d’émotion positive. Aucune pensée. Cela confirme bien ce que je pensais : ce don est là pour m’aider dans ma vie, pour aider les autres mais pas pour me tuer, pour risquer ma vie. J’ai eu dû mal à comprendre mais maintenant, je sais la valeur de ce pouvoir.
- J’avance mon voyage, m’avoue-t-il soudainement.

Je le regarde surprise, me demandant si il n’allait pas m’annoncer qu’il ne voulait plus de moi dans son voyage, qu’il avait changé d’avis. Je commence à paniquer, ne sachant pas quoi faire, ni quoi dire face à ça. Ses paroles résonnent dans ma tête comme si je venais de me prendre une claque en pleine figure, me ramenant à la réalité. Le baiser échangé n’aurait pas dû exister mais je n’ai pas pu le repousser. Inconsciemment, j’en avais envie. Pourtant, je sais qu’il n’est pas fréquentable, que je dois prendre quelques distances avec lui pour pouvoir me regarder dans un miroir par la suite. Avoir une relation avec un criminel est le pire des engagements mais je ne sais pas l’arrêter. Je ne sais pas lui dire que nous ne devons pas continuer parce que je n’en ai pas envie et je ne veux pas détruire tout ce que j’ai commencé auprès de Thomas.
- Est-ce que tu veux toujours venir avec moi ? Me demande Thomas en posant sa main sur la mienne.
- Bien sûr, souris-je.
- Nous partons à Themar.
- Je ne connais pas.
- Moi non plus. C’est une petite ville. On découvrira ça ensemble.
- Thomas, m’inquiété-je.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Tu sais, je n’ai plus d’appartement et avec la fuite d’eau, j’ai perdu toutes mes créations, toutes mes fournitures. Je n’ai plus mon site. Enfin, il est en pause et je ne sais pas si je vais réussir à tout recommencer parce que ça va me coûter de l’argent et je n’en ai pas des masses et les jours vont passer et j’en aurais encore moins.
- Ne t’inquiète pas, je ne te demande rien.
- Je ne peux pas te laisser tout payer.
- Laisse-moi faire. Mon travail de testeur de jeux vidéos payent très bien. Je prends tout en charge, fais-moi confiance. Tu reprendras tes créations petit à petit, ne te presse pas. Redémarre lentement. Commence par petit. Ou fais autre chose. Des bijoux, des accessoires, ou des conseils. Prends ton temps surtout et fais ce que tu as envie.
- Thomas, je…
- L’argent n’est pas un problème pour moi, me coupe-t-il.

J’ai voulu insister mais il m’en a empêcher par un léger baiser. Je reste à ses côtés sans rien dire et réfléchis à ce qu’il m’a dit pendant que Thomas rédige son avis complet d’un jeu vidéo qu’il a fini de tester. Il me demande d’essayer autre chose, d’oublier les vêtements qui va me revenir beaucoup trop coûteux si je continue dans ce domaine, si je recommence depuis le début mais ce qu’il ne sait pas, c’est que cette inondation a bien eu lieu, mais pas chez moi. Mes créations sont toujours intactes, mon matériel également. J’ai simplement mis mon site en suspens afin de me concentrer pleinement à ce meurtrier mais je compte bien reprendre cette activité par la suite. Cependant, Thomas n’est pas au courant. Il pense sincèrement que mon appartement a été inondé au point de détruire tout mon travail et il doit toujours être convaincu que cette situation est réellement la mienne. Je dois être la plus persuasive possible et être au bout du rouleau, n’ayant plus rien à porter de mains. Ça me gêne qu’il souhaite payer mon billet à ma place mais je n’insiste pas. Si je m’obstine, il va forcément se poser des questions sur ma situation financière et ce n’est pas le moment de le faire douter.
Je sors mon téléphone de ma poche. Aucun nouveau message, comme d’habitude. Mes parents doivent dormir je pense à cette heure-ci et ils n’ont pas eu de nouvelles de moi depuis quelques temps à présent. Je ne me sers pas souvent de mon portable mais je suis rassurée quand il est avec moi, surtout avec ce criminel près de moi.

Salut ! Petit message pour vous dire que tout va bien. Ne soyez pas inquiet si vous voyez mon site en suspend, j’ai eu un petit problème de fuite d’eau et certaines de mes créations sont  abîmées et pas vendables alors j’ai préféré rembourser les clients et mettre une pause à mon activité pour ne pas que ça traîne. Je vais me relever et rebondir comme on dit. J’hésite juste à continuer cette activité ou à faire autre chose. J’ai toujours envie d’être auto-entrepreneuse mais est-ce que je continue la création de vêtements ? Je réfléchis à ce sujet mais ne vous inquiétez pas pour moi, tout va bien, je suis relogée et je vous tiendrais au courant de la suite des événements. J’espère que vous allez bien, je pense fort à vous, à bientôt, je vous aime.

J’ai menti à mes parents mais c’est mieux ainsi. Je ne veux pas qu’ils s’inquiètent davantage et je suis peut-être folle mais j’ai peur que Thomas lit ce message. C’est possible en y réfléchissant. Je pourrais être aux toilettes ou dans la salle de bain et il en profiterait pour fouiller dans mes affaires. Il peut aussi éventuellement avoir un logiciel qui lirait les messages d’un autre téléphone. Mes pensées sont tirées par les cheveux mais avec Thomas, je m’attends à absolument tout.
Thomas envoie un mail avec son avis du jeu vidéo en pièce jointe, pose l’ordinateur sur la petite table et me prend dans ses bras, caressant mon bras.
- Il faut préparer nos sacs et on va y aller, m’annonce Thomas.
- Déjà ?
- Oui, plus vite nous partons et plus vite nous arrivons. T’as un passeport au moins ?
- Bien sûr.

Il me sourit et se lève, préparant ses affaires. Aujourd’hui est le grand départ. Je vais partir de la France, moi qui adore ce pays, qui ne supporte pas les voyages hormis pour voir mes parents en Australie. Je sais que cette épreuve n’est pas facile, que je m’aventure dans un lieu inconnu, avec un homme qui me terrifie tout autant qu’il me plaît, avec presque aucun bagage, sans personne de confiance et sans policier qui pourrait éventuellement m’aider dans cette mission compliquée. C’est dangereux mais je ne recule pas. Je prépare le peu d’affaires que j’ai récupéré et Thomas pose ses deux valises à côté du canapé.
- Je vais prendre nos billets sur internet, ça sera moins cher, m’explique-t-il. Ça ne te dérange pas si c’est en train ? C’est plus long mais largement moins cher.
- Non, ce n’est pas dérangeant.
- Je regarde mais c’est beaucoup trop galère en prenant le train, il faut changer deux ou trois fois. On va prendre directement l’avion, ça ira plus vite.
- Oui, parfait. Je peux payer une partie si tu veux.
- Tu payeras le taxis.

Thomas prend mon passeport et réserve les billets d’avion et le taxi. Il a déjà dû tout prévoir parce qu’il n’a pas eu peur de ne pas trouver de billets. Parfois, il n’y a pas de vol ou de train le jour même mais il a trouvé et rapidement. J’ai voulu regardé son nom mais Thomas cachait l’écran et je pense qu’il doit utiliser un pseudonyme pour pas se faire repérer avec sûrement une fausse carte d’identité. Rien que d’y penser, j’en ai la chair de poule.
- On y va ? Me dit-il en éteignant son ordinateur.
- Je suis prête.
- T’as peur ?
- Je suis une grande stressée de la vie.
- Mais je suis là, tu sais qu’il ne t’arrivera rien, me sourit-il en posant sa main sur ma cuisse.

Thomas ferme sa valise en prenant soin d’y ajouter son ordinateur dans ses bagages. L’angoisse monte rapidement, me faisant mal au cœur, voulant que tout s’arrête. Si il y a quelque chose que je déteste, c’est le stress. Je n’arrive pas à le contrôler, à gérer toute cette tension. Je suis même parvenue à plusieurs reprises de pleurer ou de vomir à force d’être anxiété comme je peux l’être. Mon sac à la main, je me lève avec toute la volonté que j’ai en moi et sors de cette maison avec Thomas. Dès qu’il ferme la porte et qu’il dépose les clés dans la boîte aux lettres, je comprends que le départ est réel et que je ne peux pas faire machine arrière. En route vers l’Allemagne.

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