Chapitre 5.

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9h45. Je suis en avance au rendez-vous, pensant que j’allais me détendre en l’attendant mais pas du tout. Je ne suis pas à l’aise, ne sachant pas si je dois marcher, rester debout contre un arbre ou si je m’installe sur l’un des bancs. J’opte pour tourner en rond. Les passants me dévisagent du regard, comme si j’étais folle de marcher en cercle mais j’essaie simplement de me calmer du mieux que je peux. Afin que Justin puisse me reconnaître, je lui ai décris ma tenue. Une robe grise patineuse, avec un manteau long noir pour me réchauffer et des bottines pour agrémenter le tout. Justin n’a jamais vu une seule photo de moi. Et moi aucune de lui. Nous nous sommes toujours dit qu’il était mieux de ne pas voir un visage mais d’apprendre à connaître la personne pour ce qu’elle est vraiment, avec le cœur. S’imaginer un visage avec ses pensées est plus intense que de regarder un physique sur une photo.
10h. Le cœur battant un peu plus à chaque seconde, je fais de mon mieux pour garder mon calme, pour contrôler ma respiration. Une main se pose sur mon épaule. Sentant mes jambes me lâcher, je ferme les yeux, me disant que les premières minutes vont être horrible, interminables mais qu’une fois le dialogue sera engagé, les minutes passeront plus vite que la lumière. Prenant une grande inspiration, je me retourne et le vois. Il est plus grand que moi et ce regard. Un regard familier. Un regard que je connais, me projetant en arrière. Cette couleur de cheveux, sa gestuelle. Je semble le connaître, l’avoir déjà vu quelque part. Des images défilent dans ma tête. Mon dos plaqué au mur, mes pleurs, mes cris, ses mains sur moi, son corps collé au mien. Toutes ses images me mettent une claque en pleine face, me faisant pleurer, paniquer. Ma respiration s’accélère et j’ai l’impression de faire une crise d’angoisse. Justin me regarde, ne comprenant pas ce qu’il se passe. Je me sens comme salie à nouveau, comme si la mésaventure se reproduisait. Les larmes cessent de couler et mon regard devient noir. Noir de colère. Cet épisode de ma vie se bouscule dans mes pensées, me dégoûtant de cet homme que j’ai apprécié pendant des mois. Ne me retenant pas, je lui donne des coups, alternant avec la gauche et la droite.
- Comment as-tu pu me faire ça ? Crié-je.
- De quoi tu parles ? Me demande-t-il, l’air complètement paniqué en essayant de me retenir.

Justin essaie de me calmer, bloquant mes bras afin d’arrêter les coups. Il a l’air perdu, ne comprenant pas la situation. Je me débats comme je le peux, me dégageant de son emprise.
- Séréna, qu’est-ce qu’il se passe ? Je ne comprends rien, me dit-il en ayant les larmes aux yeux.

Je lui mets la plus grosse gifle de sa vie, et pars en courant, le cœur détruit. Justin m’appelle, crie mon prénom mais je ne réponds pas. Je ne lui laisse pas le temps de s’expliquer, il n’y a plus rien à dire. Justin a écouté mon agression avec attention, il m’a réconforté comme il se doit alors qu’en réalité, c’était lui le monstre. J’ai reçu comme une pierre sur la tête, un coup de massue. J’ai confié ma vie à cet homme, pensant le connaître, pensant qu’il était quelqu’un de bien. J’avais l’impression qu’il me comprenait, qu’il était plus ou moins comme moi. Il a réussi à m’avoir pendant tout ce temps. Il a réussi à s’inventer une vie, à imaginer et me faire croire qu’il était un homme gentil, un homme sur qui je pouvais compter, un homme qui détestait la violence. Je suis à présent sûre que son enfance n’a pas été dur. Comment peut-on mentir ainsi ? Comment est-il possible d’être aussi malsain, d’être un monstre pareil ? Je ne veux plus jamais le revoir. Je n’aurais jamais pensé ça de lui.

Justin se tient debout dans ce parc, n’ayant pas compris ce qu’il venait de se passer avec Séréna. Il pensait que cette journée allait être exceptionnelle, remplie d’émotions mais il s’est produit tout l’inverse. Il sort son téléphone de sa poche, composant le numéro de Séréna. Les sonneries retentissent laissant toujours le répondeur parler. Déçu, triste, il baisse la tête, rentrant chez lui.
Allongé sur son lit, sa main gauche dans ses cheveux et celle de droite à son téléphone collé à son oreille, Justin essaie de joindre Séréna en vain. Elle ne décroche toujours pas.
- Séréna, dit-il d’une voix triste, c’est le 100ème message que je te laisse au moins. S’il te plaît, réponds-moi. Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé. Pourquoi as-tu agit comme ça ? Dis-moi ce qu’il y a. Décroche. Je t’en supplie.

Le jeune homme raccroche et semble désespéré. Les heures défilent mais il ne bouge pas de son lit, ne prenant pas le temps de manger, de faire quoi que ce soit d’autre que d’appeler Séréna. Il pense à la rencontre qu’il s’était inventé. Une rencontre simple. Une rencontre débouchant sur une véritable amitié. Il voulait rêver d’elle, pouvoir mettre enfin un visage sur cette personne mais il n’a vu que ses larmes et sa colère. Son portable émet un son, le précipitant pour savoir l’émetteur du message. Ce n’est pas celle qu’il espérait. Il hésite mais Justin finit par l’ouvrir, pensant bêtement que cela pouvait être Séréna.

Je t’ai vu l’autre soir, près de cette fille. Tu n’es qu’un sale pervers. Prends garde, ton attouchement peut te coûter cher.

Suite à ce message, une photo est ajouté, montrant Séréna complètement affolée avec Justin. La photo le répugne.

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