Chapitre 3.

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Bonjour.
C’est étrange d’écrire pour raconter mon histoire à des inconnus comme si c’était normal, mais comme dirait l’un de mes amis, je ne peux pas rester dans le silence, je ne peux pas garder ce secret en moi qui risquerait de me détruire. Je dois en parler afin de me libérer, d’enlever ce point que j’ai en moi. Je dois prévenir les autres pour éviter le pire. J’ai toujours pensé que ce genre de chose pouvait arriver qu’aux autres, mais non. N’importe qui dans ce monde peut vivre ce que j’ai vécu, et c’est bien triste.
L’histoire est courte, elle n’a duré que quelques minutes mais j’ai l’impression que cela s’est éternisé. Je me trouvais à une soirée dont je n’avais aucune envie d’y aller, mais mon « amie », que j’appellerai Maria, a insisté. C’était ma seule vraie amie. Enfin c’est ce que je croyais jusqu’à ce que j’ai compris qu’elle n’était jamais là pour moi. À cette fameuse soirée, les invités étaient déjà tous pratiquement éméchés et drogués. C’était triste à voir. Maria m’avait laissé toute seule dès le début, étant avec une amie que je n’apprécie pas spécialement. Je voulais rentrer et Maria m’avait toujours dit qu’elle me ramènerait dès que j’en aurais envie. Je n’ai pas le permis, je ne pouvais donc pas prendre la voiture. Je l’ai cherché partout. Introuvable. La maison était tellement grande, j’avais dû mal à m’y retrouver. Je longeais un couloir sans fin. Un homme est arrivé. Il était soûl et sûrement drogué. Il m’a violemment plaqué contre le mur. À ce moment là, j’ai commencé réellement à avoir très peur. J’étais pétrifiée. L’une de ses mains servait à maintenir les miennes tandis que l’autre à me toucher les seins. Les larmes coulaient machinalement, sans que je ne puisse les arrêter. J’ai crié. J’ai hurlé même. J’ai répété non plusieurs fois mais il continuait. Personne ne m’a entendu. Personne ne m’a secouru. Le couloir était vide et la musique bien trop forte pour entendre quoi que ce soit. Sa main descendait, je savais où il voulait en venir. Une force surhumaine s’est soudainement développée et m’a permis de le pousser assez fort pour que je puisse sortir de cette maison.
Cet horrible acte n’a pas été plus loin et heureusement pour moi. Vous ne pouvez pas savoir ce que j’ai ressenti à ce moment là. Je me sentais sale, j’avais honte de moi. J’avais l’impression que c’était de ma faute alors que pas du tout. Je n’y suis pour rien si il a voulu me forcer. C’est entièrement de sa faute. Sachez qu’un non est un non. Il n’y a pas plus clair que ça et impossible pour lui de ne pas comprendre. Je sens encore ses mains immondes sur ma poitrine mais je vais bien. Étant restée enfermée chez moi pendant deux jours, j’ai pu me ressaisir et finalement m’en remettre légèrement. Je ne vous cache pas que j’y pense, que j’ai encore du travail à faire sur moi-même pour remonter complètement la pente et je pense que cette histoire restera à jamais dans ma tête. Je sais la chance que j’ai eu. Je sais que si il avait continué, je ne m’en serrais pas remise, que ça aurait pris beaucoup plus de temps que maintenant.
Si j’écris ce texte, mon histoire, c’est uniquement pour vous avertir. Je ne voudrais pas qui vous arrive la même chose. Ne restez pas seule à ce genre de soirée et si le pouvez, évitez les soirées où les invités ne font que boire sans savoir s’arrêter, sans être raisonnable. Nous ne pouvons jamais être sûre de ce qu’une personne qui n’est pas dans son état normal est capable de faire. Face à ce genre d’agression, évitez de rester seul comme j’ai pu le faire. Restez entouré. Il n’y a rien de pire que la solitude. Sortez. Voyez vos proches. Je sais que c’est dur, mais ensemble, nous pouvons nous entraider. Ce genre d’acte peut détruire une vie toute entière. Faites attention à vous.

Prenant une grande inspiration, je relis plusieurs fois mon texte, le modifiant à plusieurs reprises avant de finalement finir par le publier. Le stress monte, ayant peur de la réaction des lecteurs. Parfois, l’humain peut être cruel, mais j’espère que cela pourra aider quelques personnes à faire plus attention à l’avenir.
J’attends quelques minutes avant de recevoir le premier message.
« Courage à toi. Heureusement qu’il ne t’a pas touché plus. Je ferais plus attention. »

Les messages se suivent au fil des heures. Je ne pensais pas avoir autant de lecteurs pour une histoire banale. Ce qui me surprend le plus, ce sont les messages qu’ils me laissent. Tous des messages de soutiens, des messages gentils qui me vont droit au cœur, qui me réconfortent et me font du bien. Il y a même des personnes qui ont vécu des agressions similaires. Nous discutons entre nous. C’est agréable de se sentir entouré, de se sentir écouter comme ça. Étrangement, j’ai l’impression que ça m’aide. Ses mots d’affermissement m’encouragent à vouloir aller mieux, à ne plus me sentir mal face à ça, à retrouver ma joie de vivre totalement.
Justin m’appelle. Il lit dans mes pensées. Je voulais faire la même chose, lui dire la joie que j’ai de lire tant de gentillesse.
- Justin ! Souris-je.
- Tu as l’air de bonne humeur, ça fait plaisir, me dit-il vraiment ravi.
- Oui, je vais bien. Et toi ?
- Ça va. Je viens de lire ton témoignage. Ça m’a fait mal pour toi mais quand j’ai vu les commentaires qui ont suivi, ça m’a fait plaisir. Les gens sont tellement gentils. Je suis content que ça se passe comme ça, j’avais peur que tu te fasses insulté.
- Non. Tu vois, il ne faut pas s’inquiéter. Ça me fait un bien fou de lire tout ça, tu ne t’imagines même pas à quel point.
- Je ne cesse de m’inquiéter pour toi, tu sais.
- Même si ça me fait encore mal, je sais que je vais finir par m’en sortir, que je vais réussir à oublier, à accepter ce qu’il s’est passé. J’ai eu de la chance, je le sais et avec toi à mes côtés, je ne peux que remonter la pente.
-  Je ferais tout pour t’aider, m’avoue-t-il sincèrement.
- Et moi de même. Tu sais, je pense envoyer un message à Tara.
- Pourquoi ? Laisse la. Ne reviens pas vers elle.
- Je vais la laisser tranquille, je veux juste lui dire le fond de ma pensée. Ça va me faire du bien.

Justin n’est pas très convaincu mais ne dit rien de plus, voulant juste que je le rappelle juste après. Les sonneries retentissent mais toujours aucune nouvelle de Tara. Je prends mon courage à deux mains et lui envoie un message.

Tara. J’ai essayé de te joindre à plusieurs reprises sans succès. Je ne comprends pas. Je pensais que tu étais occupée mais pour publier sur les réseaux sociaux, tu sembles disponible. J’en conclus que tu me filtres, que tu ne me réponds pas exprès. Tu sais Tara, tu étais ma seule amie. La seule personne que je croyais presque parfaite. Toujours là pour les autres, sans jamais prendre la grosse tête avec la popularité que tu as gagné en étant au lycée et même après, je pensais que tu étais une femme, une adulte honnête, que tu étais différente de toutes ses filles détestables qui se sentent supérieures aux autres et j’ai l’impression de m’être trompée. J’avais un problème et je croyais que je pouvais t’en parler mais non. Encore une fois, je me suis trompée. Je ne sais pas ce que je t’ai fait pour que tu agisses comme ça avec moi. J’ai toujours été là pour toi et ça n’a visiblement jamais été réciproque.

Les mains tremblantes, je finis par envoyer ce message, ayant peur de sa réponse. Je n’ai jamais su me défendre correctement, me cachant en quelques sortes derrière Tara lorsque quelqu’un osait me confronter. Il n’a pas fallu bien longtemps avant qu’elle me répond. Le cœur battant, j’ouvre le message.

Je vais être honnête avec toi parce que je commence à perdre patience. Je n’ai jamais été ton amie, Séréna. Tu es d’un ennui mortel, tu es tout sauf une personne que je porte dans mon cœur et si je suis restée avec toi tout ce temps, c’est simplement par intérêt pour mes devoirs ou pour tout autre chose. Et je m’en fiche totalement de ce qu’il peut t’arriver.  Maintenant que les choses sont claires, je n’ai plus rien à te dire.

Je reste sans voix, relisant le message plusieurs fois. C’est comme si je venais de me prendre une claque en pleine face. La vérité vient d’éclater d’un coup. Mais bizarrement, ça ne me fait pas aussi mal que ce que j’aurais pensé. Peut-être parce qu’au fond de moi, je savais que Tara n’était pas celle que je croyais ou peut-être parce que je n’attendais que ça. Je ressens une libération, comme si j’avais été prisonnière pendant plusieurs mois.

Tu vois, je pensais avoir mal mais non. Je n’éprouve que de la libération et de la légèreté. Sans le savoir, tu étais un poison pour moi et en restant avec toi, ma confiance n’a jamais pu décoller. Au fond, je suis sûre que je restais avec toi parce que j’étais seule. Je vais te dire une dernière chose, tu n’iras jamais loin dans ta vie en étant comme tu l’es. Tu es manipulatrice et méchante et je m’en veux de ne pas l’avoir vu avant. Tu étais la seule personne à qui je parlais et je ne voyais donc pas qui tu étais. Maintenant, avec le recul, je vois bien mieux. Je sais que tu n’es pas quelqu’un de fréquentable. Et tu as beau être populaire auprès des filles qui n’ont pas confiance en elles, auprès des garçons qui n’ont qu’une envie : avoir une jolie fille comme petite amie, mais tout ça va disparaître un jour où l’autre. Tu ne seras pas toujours la fille ultra populaire. Tes « fans » vont grandir et mûrir et un jour, tu n’auras plus personne autour de toi parce qu’ils feront leur vie, parce que tout ce qui est superficielles ne les intéresseront plus et toi, tu te retrouveras toute seule, sans personne et à ce moment là, tu te rendras compte que ta beauté ne sert à rien et qu’il vaut mieux avoir un cœur en or qu’un corps de rêve.

Je bloque immédiatement le numéro de Tara, ne voulant plus avoir affaire à elle. Lui avoir dit tout ça m’a fait du bien. Elle ne fait plus partie de ma vie et ce n’est pas plus mal. J’ai l’impression de recommencer une nouvelle vie, de prendre un nouveau départ et avec tous ces changements, c’est comme si je revivais. Tout en travaillant sur ma boutique en ligne, j’appelle Justin, comme il me l’a demandé. Je sais que cet appel va durer une bonne partie de la nuit, tout comme ce boulot mais lui parler me fait tellement de bien que les heures seront comme des minutes.

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