Asgoria

Août 2061

Bon. Il semblerait que je doive prendre la relève de l'écriture de ce journal de bord, le précédent propriétaire ayant malheureusement disparu dans des circonstances tragiques. Je me nomme Pierrick, apprenti de feu Pascal Narius. La pression exercée par le statut de chef de l'expédition a eu raison de cet homme si dévoué pour le bien commun, cet homme qui faisait passer son devoir avant sa vie, mais qui n'a pas supporté de voir toutes les personnes dont il avait la charge, excepté moi, mourir le même jour. Il a décidé de noyer son chagrin en plongeant dans les eaux asgoriennes, pourtant réputées dangereuses, et ce à juste titre, et il a ainsi disparu sans laisser de traces, tout comme la première et dernière personne à avoir pénétré ces eaux avant lui. Bien qu'il ait fait passer cet acte pour un acte de science, soi-disant pour faire avancer les connaissances que nous n'avions pu récupérer, j'ai pu lire dans ses yeux au moment où il se dirigeait vers ces étendues funestes une détermination à toute épreuve ainsi qu'une puissante colère.

Je me dois de préciser que j'ai préféré ne pas lire le rapport rédigé précédemment par mon estimé maître, j'ai suffisamment foi en sa rigueur pour savoir que chaque événement majeur est consigné entre ces pages, et il ne m'appartient pas de lire ce qui ne m'est pas destiné. En plus de cela, mon ignorance de ce qui est écrit précédemment me permet de conserver un style d'écriture qui m'est propre sans avoir à tenter de plagier sa façon de faire.

Que vais-je donc faire maintenant? Seul, sur une planète déserte et visiblement légèrement hostile à toute présence humaine, sans espoir de voir un jour un vaisseau humain débarquer sur la planète, du moins de mon vivant, avec pour seules ressources tout ce que nous avons pu amener et fabriquer ici. Mes connaissances en science sont encore bien loin d'être parfaites, ainsi ne puis-je continuer les études déjà profondément entamées par de véritables scientifiques sur une période de 20 ans. Vais-je partir et ainsi considérer les recherches comme terminées, pour ensuite tenter, potentiellement en vain, d'atteindre la Terre? 

A l'heure où j'écris ces lignes, l'indécision me taraude, et ce sentiment n'est pas prêt de disparaître car épaulé par la tristesse du départ massif de tous mes camarades et par la solitude qui pèse incontestablement depuis que je suis seul être pensant de cette partie de la galaxie. Je vais prendre du temps pour réfléchir à ce que je vais faire par la suite, et une fois ma décision prise je ne regarderai plus jamais en arrière, et je chercherai jusqu'au bout à perpétuer l'héritage qui repose désormais sur mes épaules.