Janvier 2062

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Aurait-on trouvé du premier coup, par le plus grand des hasards, la seule planète habitable de notre coin de l'espace? J'ai passé plusieurs mois à arpenter l'espace, à me rapprocher de planètes inconnues, pour au final ressentir plus d'une fois l'amère déception d'une découverte inexploitable, une planète qui ne peut être explorée par un individu isolé. Pourquoi la catastrophe s'est-elle abattue si rapidement, et aussi violemment? Avec quelques années d'apprentissage supplémentaires, en plus d'un compagnon de route, je suis sûr que j'aurais pu récolter encore plus de données qui pourraient élargir les connaissances humaines sur un sujet aussi vaste que l'espace. Cependant, je ne peux me permettre de gâcher mon temps en hypothèses stériles qui n'ont pas la moindre chance de se voir un jour réalisées. Je me dois d'être le plus terre-à-terre possible, et rentabiliser au maximum mon temps car l'être humain ne risque pas de pouvoir retourner un jour dans cette partie de l'espace, où du moins pas pour le moment.

Cela fait d'ailleurs écho à une idée que je n'arrive pas à m'enlever de l'esprit et qui me taraude depuis que je suis seul: l'humanité a-t-elle survécu? De ce que j'ai pu comprendre des récits qu'ont pu me faire mes aînés et ceux des livres, l'espèce humaine a beaucoup de mal à cohabiter avec des membres de la même espèce, ce qui donne naissance à des conflits sans-cesse renouvelés, ravivés, qui ne disparaissent que pour revenir encore plus forts par la suite. Cela couplé à un égoïsme quasi-omniprésent ainsi qu'à une situation climatique plus que préoccupante donne des chances de survie à l'Homme proches de zéro. Il se pourrait aussi que d'autres missions ait été effectuées après la nôtre, et qu'une autre Asgoria ait été découverte et colonisée, ce qui donnerait un sursis non négligeable à l'humanité. Tout cela renforce mon angoisse de poser le pied sur une planète vide, où toute trace de vie humaine aura été balayée par je ne sais quelle guerre, maladie ou catastrophe naturelle. Toutes nos années d'études, le sacrifice (non intentionnel soit mais quand même) de tous les membres de l'expédition pour apporter un savoir à l'humanité qui demeurait jusque là inconnu, tout cela pour rien? Je sais que cette éventualité a déjà été évoquée plusieurs fois dans ce rapport, mais dans ma situation je ne peux que difficilement écarter cette éventualité de mon esprit, car en plus d'être terrible, elle est fort probable.

Sinon, pour revenir sur des choses plus positives,  j'ai réussi à embarquer à bord du vaisseau les plants de végétation comestibles que nous avions cultivés ce qui va me permettre de me nourrir de façon durable pendant toute la durée de mon voyage retour, bien que le manque de diversité risque de rapidement se faire ressentir. Du moment que je rentre en vie, tous ces sacrifices n'ont que peu d'importance, j'ai une mission à accomplir pour le bien de la Science, je ne laisserai pas des désagréments personnels prendre le pas sur quelque chose d'aussi important.

En ce qui concerne l'exploration, je dois dire que, bien qu'en termes scientifiques il s'agit d'un échec sur toute la ligne, je ne peux en dire autant en ce qui concerne l'expérience personnelle. Se déplacer dans l'immensité de l'espace est une expérience indescriptible, tant son immensité et sa beauté laisse sans voix. Imaginez-vous flotter dans un vide ponctué ça et là de boules de lumière de couleurs différentes, à côtoyer des galaxies et des planètes qu'aucun être humain n'a pu admirer de ses propres yeux, et se reposer dans un calme parfait, un silence que rien ne peut troubler: vous êtes seul au monde dans une immensité magnifique, loin de tous les problèmes. J'ai pu approcher des planètes de toutes les couleurs, sous forme solide ou gazeuse, bien que je n'ai pu me poser sur aucune d'entre elles car je ne puis sacrifier du temps et de l'oxygène pour une planète qui pourrait ne présenter aucun intérêt. Si jamais l'une des 3 planètes que je vais longer avant le grand départ se révèle intéressante, j'y passerai quelques temps de manière à récolter un maximum de données qui pourront très probablement faire progresser la science.

Le moral est donc au beau fixe bien qu'il reste éprouvé par les dures épreuves traversées récemment, mais savoir que je vais pouvoir apporter mon humble contribution, et celle plus conséquente de mes camarades, à la science me fournit suffisamment de motivation pour passer outre les problèmes personnels. Pour conclure, bien que la mission en elle-même se soit révélée être un échec, la conclusion s'annonce prometteuse. Que la Science soit avec moi.

AsgoriaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant