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Ces pensées perturbantes disparaissaient à mesure que l'air frais du matin sombre frappait mon visage dans des petites rafales devenues glaçantes et agaçantes. Les vingt minutes de marche nécessaires jusqu'à mon entrée sur le campus fonctionnait comme un sas de décompression entre cet univers studieux et mon petit cocon. Cela me laissait le temps de changer mes idées et de me recentrer sur mes études, et lors du chemin inverse, je pouvais oublier toutes les notions abordées et entrevoir sereinement une soirée de divertissement et de détente.

L'amphithéâtre dans lequel je retrouvai mes camarades étudiants ce matin-là occupait un espace restreint dans un bâtiment non affecté aux apprentis psychologues. Habituellement, il accueillait des cours théoriques de musique et des répétitions musicales grâce à son acoustique, puisqu'il se trouvait dans le bâtiment réservé à cette filière... Et ce n'était pourtant pas les salles de cours traditionnelles qui manquaient dans notre parcelle psychologique, mais il y avait cette tendance absurde de vouloir occuper les amphithéâtres voisins même lorsqu'il s'agissait de petits groupes d'études. Cela obligeait les professeurs à réunir leurs quelques élèves aux premiers rangs et à ne pas parler trop fort, soucieux de ne pas entendre la perturbante réverbération de leur voix.

Logée au cœur du second étage, nous pouvions frôler cette pièce sans nous en rendre compte, bêtement piégés par le labyrinthe de couloirs et de portes semblables flanquées d'un numéro unique et d'une courte indication, qui ne ressemblaient pas à l'entrée dudit amphithéâtre. Une fois à l'intérieur, le plafond semblait toucher le ciel et un large mur blanc, face aux rangées, laissait une immense place à la projection des notes que les professeurs pouvaient directement envoyer depuis leur ordinateur. Les autres cloisons, peintes d'un mélange rouge et noir, apportaient de la chaleur et il en fallait bien depuis la chute des températures. L'université vivait les fraîcheurs de décembre et je me demandais toujours pourquoi les responsables de la logistique, ou peu importe ce qu'ils faisaient précisément, avaient donc bien attribué cet amphithéâtre à notre petite classe d'anglais.

Cette atmosphère venteuse et grisâtre qui agitait le monde extérieur reste aujourd'hui gravée dans ma mémoire. Un passionnant article du journal Le Monde absorbait toute mon attention alors que le cours débutât bientôt et que je me réchauffais péniblement en me frottant les mains. Il concernait les tensions politiques coréennes. Ce conflit fraternel m'intéressait au plus haut point grâce à cette passion de l'Histoire transmise par mon père. Il me disait très simplement que « les événements historiques ne sont rien d'autres que les actualités d'autrefois. » Il avait raison, dans le fond... J'y voyais dans cette rivalité les futurs sujets passionnants des livres d'Histoire et je ne voulais manquer aucune miette de ce spectacle réalisé en direct. Et puis, me replonger dans les instants historiques de l'Humanité, en particulier du siècle dernier, me permettait de comprendre les fondements du monde actuel dans ma nouvelle quête de savoir. Cela avait cependant un effet pervers sur ma propre conception du monde actuel : toujours idéalisé, le passé me faisait ressentir la nostalgie d'une époque dont je n'avais jamais respiré l'air. Cet effet était prodigué par ce sentiment de sécurité que l'on peut vivre à travers un temps dont nous connaissons déjà l'avenir et les dangers. Et cet avenir est la clef de notre peur actuelle : nous craignons l'inconnu qui réside dans notre lendemain et il rend le présent menaçant et incertain.

Je suivais ce passionnant feuilleton avec une certaine distance, très lointaine en réalité, comme un observateur juché au sommet d'une colline observe le champ de bataille. Je n'avais aucune préférence de camp, même si mon appartenance à la patrie française me forçait à privilégier la démocratie du Sud à la dictature du Nord. Mais la complexité de la division coréenne et de leurs relations depuis le début de la Guerre Froide me poussait à ne pas juger hâtivement ceux que l'on nommait l'ennemi, et qui avaient comme leaders suprêmes les hommes de la dynastie Kim.
Si les deux Corée sont connues pour être deux jeunes nations qui se regardent perpétuellement en chien de faïence sur le 38è parallèle, elles incarnent surtout les poupées articulées par les grandes puissances mondiales que sont les États-Unis, la Chine et la Russie. Sur les vestiges de la seconde guerre mondiale puis de la guerre de Corée était né un rapport de force entre les américains, principaux défenseurs de l'état du sud qu'ils avaient eux-mêmes mis en place, et leur ennemi nord-coréen qui avait mené à la guerre. Menacés par les américains, les Kim comprirent que l'arme atomique était le seul recours pour pouvoir protéger leur pays et prospérer en toute tranquillité. Ils entamèrent d'intenses recherches avec l'aide matérielle soviétique pendant plusieurs décennies et ils étaient désormais possesseurs d'une puissance nucléaire sérieuse. Les américains tentaient pourtant de jouer au bon flic puis au mauvais flic, ils leur faisaient signer des accords en tout genre, ils négociaient, mais les Kim continuaient de se développer dans la même continuité alors que les présidents américains se succédaient. L'administration Obama jouait au jeu du silence et sans doute trop muette, elle fut soumise à une rude pression de ses alliés par des discours inquiétants énoncés à l'ONU, qui pointaient du doigt les nouvelles manigances en provenance de la Corée du Nord. Le président nouvellement réélu promit, contre son gré, la destruction des complexes nucléaires nord-coréens si le programme n'était pas immédiatement stoppé, pour asseoir son autorité sur le reste du monde. Mais cela amusa Kim qui n'y croyait guère et il continua d'exposer sa force et il alla même jusqu'à prouver qu'il pouvait atteindre le sol américain avec ses missiles. Les deux pays surenchérirent leurs menaces tous les mois et le spectre d'un conflit majeur déjà évité en 1994 revint à la surface.

Cette fresque traversait les générations et elle ne me cessait de m'interroger et de me fasciner. Cela pouvait paraître une drôle de fascination, mais c'était comme observer les meilleurs scénaristes élaborer la plus longue et la plus incroyable des histoires, et personne, ni même les auteurs eux-mêmes, ne savaient comment elle allait prendre fin.

A la fin de l'article, la conclusion tirait le portrait d'une situation inchangée. Le Nord continuait son intimidation du monde à travers la rapidité de son développement nucléaire et les démocraties se disaient scandalisées.

En pliant mon journal apparut mon professeur d'anglais, communément appelé Sir Williams. C'était un pur britannique à l'écoute de son accent et de ses habitudes après le déjeuner. Ce grand amateur de la langue française était venu enseigner sa langue maternelle en Bretagne. Ses cours ne se résumaient pas à un monologue mais à une interaction permanente avec ses élèves et il nous forçait à élever la voix dans une langue étrangère et à changer nos mouvements de mâchoires afin de maîtriser au mieux les difficultés de prononciation.

Les clichés sur les français massacrant la langue de Shakespeare concernaient surtout les hommes dans cette classe. Je réalisai en début d'année que nous n'étions qu'au nombre incroyable de deux... contre une vingtaine de femmes. Nous étions naturellement les plus taiseux du groupe, bien trop intimidés par toutes ces femmes qui parlaient dans l'ensemble avec un accent impeccable, et les seules à buter comme nous sur cet accent particulier ne ressentaient pas cette gêne ridicule face au groupe lorsqu'elles devaient s'exprimer.
Mes talents d'orateur britannique étaient mondialement reconnus... et je me dispensais modestement de participer, ce que le professeur remarqua. « Martin, peux-tu me rejoindre sur l'estrade ? Nous allons discuter un peu. » Je m'exécutai avec nonchalance et le rejoignis sur l'estrade. Mon regard porté sur lui, je fis abstraction des spectatrices et écoutai sa première question, les mains jointes dans le dos. « Que penses-tu du dernier film de Christopher Nolan ? » Nous parlions de sujets très divers et la semaine précédente avait été consacrée, justement, aux conflits internationaux. Mais nous avions récemment attaqué le septième art en y évoquant des thématiques variées et le début de ce cours fonctionna comme un résumé du précédent. Cela me rappela une autre histoire...

Je vis vaguement le long-métrage en question et j'improvisai dans un anglais hésitant, perfectible et amputé de vocabulaire recherché :

« Je pense que... l'histoire est bien écrite. Les acteurs jouent bien, mais je n'aime pas vraiment les décors.
- Penses-tu que ce film mérite une nomination aux Oscars ?
- Je ne sais pas. L'histoire est bien écrite, mais elle est lente.
- Est-ce une barrière à sa nomination ?
- Peut-être. Je ne connais pas ceux qui font les Oscars.
»

Monsieur Williams avait l'habitude des réponses laconiques et sans profondeurs, bardées de fautes et récitées dans des expressions basiques. Il avait conscience de l'important travail à entreprendre pour que les jeunes adultes qu'il gérait, bientôt au contact d'un monde professionnel de plus en plus anglicisé, soient au niveau le jour de leur première mise en situation réelle.

Il projeta une image du film en question et me demanda de la décrire. Je commençai ma première phrase après plusieurs secondes de réflexion : « Cette image n'est pas vraie. Elle est impossible. Ils sont dans la rue, mais cette rue continue... droitement. Je veux dire, en hauteur. Ce n'est pas un film traditionnel. C'est un film de science-fiction. Mais j'aime bien, c'est intéressant. »

Ma mémoire me fait défaut et il me semble avoir dit ce genre de banalité affligeante pour un étudiant supposé maîtriser une langue étrangère ; quelque chose de très français, littéralement.
Ces bouts de phrases honteuses distordirent mes cordes vocales sans que leur sens exact ou leur cohérence ne soient prises en compte par mon cerveau : je fis la vilaine erreur de me tourner vers les gradins... La moitié se laissait tomber la tête sur leur table, leurs smartphones, leur journal ou dans des cas plus rares leurs notes de cours. Les autres prenaient l'air en observant l'activité extérieure par les fenêtres ou en observant le plafond. Mais une des femmes regardait monsieur Williams, le corps bien droit et la tête légèrement penchée sur le côté, semblant lourde d'une nuit trop courte mais toujours attentive au dialogue. Alors que je la remarquai, elle orienta brusquement son regard en ma direction comme on pointe soudainement un laser dans les yeux d'une personne, ce qui eut la particularité de me bouleverser. Je ne sus pas quoi répondre au professeur pour étayer mon opinion d'un film que je n'avais pas encore regardé, sans compter cette soudaine attention parasite venue perturber ma concentration.

Il chercha un volontaire capable de compléter ma faible analyse. Tout le monde feignit le désintérêt et la fatigue et il désigna par désespoir l'autre garçon encore plus maladroit que moi. Spectateur, je restai planté sur l'estrade comme une plante verte que l'on avait posée à cet endroit sans aucune raison particulière. Les bras ballants, le corps figé, je n'osai plus regarder vers les gradins et cette femme en particulier, alors je lançai mes yeux à l'opposé, vers la sortie de secours. Le portrait en noir et blanc d'une personnalité fut mon refuge provisoire. Je pus y lire, avec difficulté, la légende inscrite et je compris l'origine du nom de l'amphithéâtre. Eugène Bigot n'avait en rien l'aura des superstars américaines, mais il eut le bonheur de naître à Rennes en 1888. Il était devenu chef d'orchestre et compositeur, connu entre autres pour plein de belles choses que je n'eus pas le temps de découvrir. « Martin, tu peux retourner à ta place. »

Face à l'auditoire, mon instinct la chercha. Nos deux regards eurent une seconde connexion, brève, et je remarquai des beaux yeux verts foncés. Il semblerait que je les attire ; cela tombe bien, je les adore... Cette liaison oculaire sembla durer une éternité alors que je rejoignis ma place deux rangées au-dessus d'elle. Nous ne pûmes plus nous affronter du regard mais je me trouvai dans une position idéale pour l'apercevoir et me poser une question somme toute légitime : qui est-elle ? Les cours d'anglais avaient la particularité de mélanger plusieurs cursus et les classes avaient été établies par ordre alphabétique des noms de famille. Il s'agissait là d'un premier indice.

Il m'était possible de l'observer uniquement de dos, et c'était tiraillé de cette envie irrésistible de pouvoir la contempler entièrement, comme les scientifiques désirent découvrir les mystères d'une planète inconnue, que je dus subir l'heure suivante. Je n'eus pas le temps nécessaire pour analyser son visage mais il me sembla radieux, comme ses yeux. Elle devint l'attraction principale du cours, comme un intérêt soudain émergeait face à la beauté d'un paysage naturel grandiose et inlassablement contemplé par une attention aspirée. Ces longues minutes se terminèrent dès l'instant où notre professeur nous indiqua la fin de son cours. Les rangées devinrent bruyantes et agitées et elles m'obstruèrent la vue, mais je parvins néanmoins à remarquer qu'elle rangeait aussi ses affaires et qu'elle venait de se lever. Elle me montra indirectement son profil et bientôt son visage entier, sans pour autant me regarder.

Elle semblait culminer à la même hauteur que la mienne. Ses cheveux lisses, bruns aux teintes claires, descendaient délicatement jusqu'à sa poitrine en longues mèches ondulées. Ses traits du visage épousaient finement des belles joues rondouillardes, agrémentées de très légères tâches de rousseurs imperceptibles au premier abord. Ses lèvres étaient épaisses mais elles demeuraient naturelles et charmantes. Son nez discret et arrondi à son bout harmonisait l'ensemble innocent. Un léger mascara noir donnait du volume à ses iris verts et ses sourcils formaient des comètes qui s'échappaient sur ses tempes. Au bout des manches de son pull blanc très fin et en laine pointaient des belles mains fines soignées, sans vernis ni ajout superficiel. Son jean au bleu très foncé lui serrait les hanches et cet ensemble moulait parfaitement les courbures de sa silhouette et de sa poitrine proportionnée. Ses jambes allongées et très féminines m'emmenaient droit vers ses chaussures de ville blanches aux bandes vertes, complétant ce goût certain pour la discrétion mêlé à l'élégance.

Elle semblait comme échappée de mes fantasmes et de l'idéal féminin que je me représentais, comme si ma créativité inconsciente avait eu le pouvoir de faire naître ces courbures.
Elle quitta furtivement l'amphithéâtre par la sortie du bas et rejoignit un grand garçon frisé qui l'attendait et que je n'avais jamais vu, lui non plus.

Cette rencontre hasardeuse me mit du baume au cœur, d'autant plus que les nuages se dissipaient à mesure que les heures passaient, et le vent s'estompait. Les cours s'enchaînèrent sans l'apercevoir et sans penser particulièrement à elle ; ce fut un moment hors du temps qui pourrait éventuellement se recréer à la prochaine leçon où notre classe d'anglais se réunirait... mais ne pas savoir qui elle était me démangeait.

L'université se vida progressivement en fin d'après-midi mais il me restait un cours à assister avant mon retour au studio. Je devais cependant patienter une heure. Cet interlude me fit profiter du beau temps, solidement installé sur un banc stratégique du campus. Il me laissait l'opportunité d'observer les autres étudiants sans qu'ils ne le réalisent. Mon regard curieux se porta surtout sur les femmes : s'il m'avait été donné de remarquer cette sublime allure féminine dans la matinée, alors je pourrais en trouver d'autres, me dis-je, et cela s'avéra vrai. Elles ne pouvaient cependant pas jouer de leur charme sur moi dans les bras d'un autre homme ou dans un groupe.

Cela faisait des mois que je ne m'étais pas laissé entraîner par les chants du sexe opposé, craintif à l'idée de sympathiser mais surtout de devoir faire le premier pas. Je ne me souvenais plus vraiment du fonctionnement d'une amitié.

L'un des chats errants du campus se mêla aux pas humains. Ce beau félin à la fourrure noire et blanche ne joua pas le farouche lorsque je l'attirai avec mes doigts agités et il vint se frotter contre le pied du banc puis contre ma jambe. C'était un matou très amical, connu pour jouer le rôle de mascotte de l'université, qui avait même le privilège d'avoir sa propre page Facebook, drôlement animée par des étudiants bien inspirés. Ce n'était pas un miracle de pouvoir l'approcher et lui faire des gentillesses en lui grattant le dos ou le menton, mais recevoir son affection était toujours un plaisir. Il prit son élan et se positionna à mes côtés, s'asseyant élégamment en me fixant. Cette proximité naturelle que j'avais avec les animaux et les pachas du campus en particulier dégageait inconsciemment une preuve de la confiance que l'on pouvait m'accorder, mais il restait peu de monde dehors pour le voir.

De plus en plus chatouillé par l'idée de mettre la main sur l'identité de cette belle jeune femme, je sortis mon smartphone et entrepris mes recherches dans la très longue liste des membres du groupe Facebook de ma promotion. Curieusement, les noms ne pouvaient être classés par ordre alphabétique, alors cela m'obligea à m'arrêter sur chaque photo, à la recherche de ce visage angélique, à condition qu'elle l'ait publiée... Les premiers profils s'éliminèrent rapidement. Un portrait m'interpella mais cette fausse alerte n'eut que le don de faire un saut à mon rythme cardiaque. Faire défiler tous ces profils me laissa l'amère impression d'effectuer ma recherche dans un catalogue ou un supermarché, à la recherche du meilleur modèle déshumanisé et ma patience s'évapora au fil des minutes. Ma déduction qu'elle n'appartenait pas à ma promotion semblait, hélas, se confirmer. J'approfondis néanmoins machinalement mes recherches, laissant au temps l'occasion de s'écouler plus rapidement et toujours gratté par cet espoir caché de mettre la main sur son identité. « Tu ne t'embêtes pas avec ces bêtises, toi au moins » dis-je mentalement au matou en lui grattouillant la tête. Le félin laissa ensuite ma main naviguer à travers son pelage et il ronronnait de quiétude.

Je me penchai soudainement sur mon écran. Ce joli regard et cette forme du visage firent mouche, et son initiale se révéla être identique au mien. Son profil ne me laissa cependant qu'un accès très restreint. En fouillant ses rares publications disponibles au public, elle semblait vivre seule, mais cela ne tenait qu'à une simple idée vite façonnée sur quelques photos et statuts anciens. Elle publiait occasionnellement et je n'en tirai pas grand-chose d'autre, si ce n'est son prénom. Hélène. Son âge me restait inconnu, mais il devait sensiblement être identique au mien. Ne pouvant dégager plus d'indices de Facebook, je rentrai alors son nom entier sur Twitter, Instagram et sur Google, mais son nom de famille très commun ne déboucha sur aucun résultat concret.

Le chat, allongé de tout son long et agitant les pattes comme pour me supplier d'autres caresses sur le ventre, attira de nouveau mon attention. Ma main passa sur les zones sensibles et elle devint la proie du félin qui referma son piège et tendit les crocs. Il attrapait parfois l'un de mes doigts mais il se retenait de me blesser.

L'heure de l'ultime cours approcha et celui-ci eut lieu dans notre plus grand amphi où notre promotion se réunissait habituellement dans sa totalité. Nous étions subjugués par les talents d'orateur de notre meilleur professeur et nous ne pouvions nous permettre de manquer un seul instant de ses formidables représentations.

Mes précautions d'arriver tôt dans l'amphithéâtre me permirent de m'installer au dernier rang. Être le plus en hauteur possible et de préférence excentré me donnait l'avantage de profiter de la meilleure vue sur la grande enceinte. Elle se remplit progressivement et je guettai chaque entrée. Parfois, plusieurs personnes entraient simultanément d'endroits différents et je devais rapidement jongler, ce qui me donna le tournis. L'une des portes principales se situait dans mon dos et peu de personnes passaient par cette issue. Ma vigilance à son plus bas niveau, je frémis tout à coup dès le moment où je sentis une âme me frôler. Elle descendit quelques marches et je reconnus aussitôt sa silhouette unique et sa belle chevelure.

La passion des sentimentsWhere stories live. Discover now