27. Louisianne // l.p

23 1 0
                                    

Les mains collées sur son volant, Liam fixe la route avec attention. Si la transpiration est une des causes de son air déterminé, vu que celle-ci pourrait faire tenir ses doigts contre la roue sans même qu’il n’en ait envie, il a aussi son esprit qui y est pour quelque chose. Cet esprit qui le fait avancer, quoi qu’il arrive, en direction de ce point au loin qu’il veut absolument atteindre, sans pour autant le voir, pour de vrai. Il peut se l’imaginer, se le dessiner, se le représenter, dans sa tête qui ne veut que de ce poste, et il peut même le situer sur la carte mouvante que dessine son gps, mais il n’est pas encore près de lui, et encore moins à lui. Et la route pour y parvenir sera encore longue.

Une courbe se dessine sur la route, et ses mouvements accompagnent celle-ci, alors que, tranquillement, l’énervement, l’agecement, le stress et la peur le quitte, dans les kilomètres qui le sépare de la capitale qu’il a tenté de fuir à maintes reprises, et dont il a enfin réussi à s’échapper en ce jour de juillet. Alors que tout le monde discutait de leur prochain enregistrement dans le management, il a prétexté une envie urgente, et s’est dirigé aux toilettes, sans que les gardes du corps ne le suivent, lui faisant une confiance aveugle. Une confiance qu’ils n’auraient pas dû lui accorder : on lui a toujours dit qu’il avait de la peine à tenir parole, c’était le moment de faire leur boulot pour qu’il la tienne. Et comme il était seul, rouge comme une tomate, les mains tremblantes, il a fui quelques minutes plus tard, déambulant avec rapidité dans les corridors, sans que personne ne réagisse, perdu dans leur travail, leurs idées, leurs notes, qui n’étaient pas dans sa direction, mais sur leur bureau. Il a donc laissé son malheur au travers des miles qu’il a parcouru pour permettre à un large soulagement de naitre en lui. Et cela lui fait du bien.

Cela avait été possible grâce au changement d’adresse récent des studios du management, où les fans n’avaient pas encore pu se poser pour les attendre, et du coup, le reconnaitre alors qu’il sortait comme un fou pour la porte arrière de l’immeuble, pour courir, le souffle court, en direction de sa voiture, qu’il avait eu l’idée de prendre ce matin en affirmant que c’était une bonne solution pour qu’on ne trouve pas le lieu de travail de toute l’équipe. Cela s’était révélé être la réalité. La limousine dans le carage, les filles n’avaient pas fait attention à la petite fiat qui se faufilait derrière elles. Où il était. Où il est retourné. Où il est désormais.

Et, lorsqu’il y repense, à lui dans les allées, les traversant comme un fou sorti de sa chambre en prison, faisant tout pour la quitter définitivement, et lui dans le parking, avec ses lunettes sur les yeux, marchant comme un voyou pouvant être pris sur le fait à tout moment, par un mec dehors par hasard, un mec du bureau, qui viendrait lui pourrir, où une demoiselle plus maligne que les autres qui les feraient toutes venir, sans qu’il ait le temps de se tirer discrètement, il rit. Il rit, sincèrement, pour la première fois depuis longtemps. Depuis trop longtemps, en fin de compte. Cela résonne dans la carcasse de la voiture, cela lui revient aux oreilles, tout le temps, et cela le fait rire encore plus fort. Le fait qu’il rie le fait rire. C’est tellement bizarre et nouveau. Tellement amusant, aussi, qu’il en perd presque pied. Il se laisse aller dans ce magnifique cercle vicieux, qui le fait presque oublier toute l’amertume accumulée les derniers mois durant.

Alors, quand la joie et bonheur revienne prendre possession de son corps, il allume la radio. Il la met à coin, et se met alors à chanter, fort, et longtemps, comme avant, des paroles qu’on ne lui impose pas, des paroles qu’on ne lui imposera surement jamais, et qu’il a envie de gueuler comme un fou, pour une fois.

*

-          Bonjour. Il vous reste un bateau ?

Juste un motOù les histoires vivent. Découvrez maintenant