Journal d'un gay

Jour 51

J'ai passé beaucoup de temps avec Paul aujourd'hui. En fait, c'est le seul à qui je parle désormais. À la pause de midi, on est sorti ensemble acheter un truc à manger. On s'est éloigné des endroits que les autres élèves avaient l'habitude de fréquenter et on s'est retrouvé dans une sorte de café.

Ça m'a fait du bien de passer du temps avec lui. Ça m'a permis de me changer les idées. Mais je ne pouvais pas fuir éternellement les gens de mon lycée, et je savais que tôt ou tard viendrait le moment où je me ferais lyncher.

Quand je suis rentré au lycée, j'ai croisé Sarah dans la cour. Elle a évité mon regard et changé de direction. J'ai failli péter les plombs : elle m'a clairement évité et elle n'a même pas cherché à se cacher.

Je suis arrivé derrière elle et je l'ai attrapée par l'épaule. J'ai commencé à l'embrouiller : comment elle peut me faire ça ? Un jour, on est meilleurs amis, on se dit tout, on partage tout. Et le lendemain, à cause de ça, juste parce que j'aimes les hommes, elle oublie tout ?

Et elle m'a regardé comme si elle ne me connaissait même pas...

Un gars est arrivé et m'a infligé un gros coup de poing dans la mâchoire. Je me suis retrouvé au sol, complètement sonné, pendant que mon agresseur était en train de m'engueuler. Il m'a frappé encore, beaucoup de fois, je ne sais pas combien. Il s'est enfin calmé et m'a laissé par terre.

J'avais horriblement mal, j'avais la tête qui tournait, et je croyais distinguer un amas de taches sombres -sans doute des gens qui se rassemblaient autour de moi.

Et puis j'ai entendu un bruit strident, sûrement la sonnerie. Ils sont tous partis, et je suis resté allongé par terre, seul. Je ne sais pas combien de temps je suis resté, mais je me souviens que j'avais horriblement mal au crâne et je n'avais plus de forces à cause de ma nuit blanche. Je ne sais même pas si je me suis endormi ou évanoui.

***

Quand j'ai ouvert les yeux, je me suis retrouvé dans un petit lit dans une chambre très petite, avec autour de moi des murs blancs et plein de machines plus ou moins grosses. J'avais encore affreusement mal au crâne. J'ai vite compris que j'étais dans une chambre d'hôpital.

J'ai réussi à me lever et je suis sorti de la chambre. Je suis arrivé dans un couloir. Une infirmière m'a vu et a commencé à paniquer. Elle m'a dit de retourner tout de suite me coucher. 

Ma mâchoire me meurtrissait. J'ai quand même réussi à sortir quelques mots, je lui ai demandé ce qu'il s'était passé. Elle m'a dit que j'avais été tabassé et je que je m'étais évanoui. "Heureusement", il n'y avait rien de grave et j'allais bientôt pouvoir sortir, après avoir passé quelques tests.

Elle a aussi ajouté que pendant des heures, il y avait un garçon qui était resté devant la chambre, et à côté de mon lit quand les médecins lui donnaient l'autorisation. Il avait patienté pendant des heures, sans dire un mot.

Elle m'a demandé si c'était mon copain, parce qu'à plusieurs reprises il a éclaté en sanglots et a dû me déposer une dizaine de baisers sur le front.