Jour 65

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Paul m'a invité à venir chez lui samedi. Il m'a dit que ses parents étaient au courant qu'il était gay, et qu'ils l'avaient bien pris d'ailleurs. Par contre il ne leur a pas encore parlé de moi. Je pense qu'ils comprendront tout de suite de quoi il s'agit quand ils me verront débarquer chez eux.

J'appréhende un peu le moment où je vais les voir. Je n'ai jamais été très à l'aise avec les adultes. Je suis souvent maladroit avec eux et je suis très gêné. J'ai ce gros problème d'être introverti, je ne me confie qu'à très peu de personnes. Déjà que j'ai du mal à communiquer avec mes propres parents, comment je vais faire avec ceux de Paul ? Et puis s'ils se doutent qu'il y a des chances que je sorte avec leur fils, je crois que je vais me liquéfier devant eux...

Je crois que Paul a vu que je stressais. Il n'a pas arrêté de me dire qu'ils étaient très sympas et ouverts, qu'ils sauraient comment me mettre à l'aise et que je me sentirais chez moi en un rien de temps. Il est super gentil avec moi... Je crois que je l'apprécie de plus en plus, mon p'tit Paul !

A la pause de dix heures, la fille qui était venue hier est revenue me voir. On a pu parler un peu plus longtemps que la dernière fois. Au bout d'un moment, je me suis rendu compte que je ne connaissais même pas son prénom, mais j'ai eu peur de lui demander.

Je demanderai à Paul s'il la connaît.

Elle est assez sympa. Un peu folle sur les bords, mais en général les gens comme ça sont plutôt francs. J'espère que je pourrais compter sur elle.

Elle rigolait à chaque phrase qu'elle disait. Au début, j'ai trouvé ça un peu bizarre, mais ça a fini par m'amuser. Elle dégage une bonne humeur permanente, tout le contraire de moi. Je ne sais pas comment elle fait. Elle a réussi à me faire sourire rien

que par sa façon d'être, de me parler, de rire et de bouger dans tous les sens quand elle parle. Elle s'exprime en faisant des grands gestes avec ses bras et ses mains. Elle m'a dit qu'elle avait une mère italienne. Ça doit venir de là.

Alors que je commençais à peine à prendre goût à ma solitude, j'ai l'impression que beaucoup de gens se rapprochent de moi. Sarah est partie dans son coin, elle ne m'a pas adressé la parole depuis qu'elle est au courant que je suis gay. Il paraît que son histoire avec Ryan a capoté, mais je ne veux plus entendre parler d'elle. Qu'elle vive sa vie de son côté et me laisse tranquille, c'est mieux comme ça.

Quand je suis rentré des cours, mes parents étaient assis dans le salon, assis devant la table, les mains posées dessus. Ils me regardaient avec gravité. Mon père m'a demandé si j'allais mieux. Je n'ai pas bien compris pourquoi il me posait la question, je sentais qu'il y avait quelque chose derrière.

Il a pris une chaise et m'a invité à m'asseoir en face d'eux. J'ai compris...

La rumeur s'était répandue jusqu'à leurs oreilles, et ils sont au courant. J'aurais tellement voulu disparaître d'un claquement de doigts et de me retrouver à l'autre bout de la terre ! À ce moment-là, j'avais l'impression que tout s'écroulait autour de moi. Ma main tremblait, je ne me sentais pas bien...

Je voyais que mes parents se tenaient la main. Ils étaient aussi effrayés que moi. Je m'attendais au pire... C'est mon père qui a pris la parole, ses mots sont restés gravés dans ma mémoire, j'ai l'impression de les entendre encore résonner. Je crois que je ne l'oublierai jamais :

— Pourquoi tu nous a caché ça ? On est tes parents, Thomas ! On t'aime comme tu es !

Journal d'un gayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant