Journal d'un gay

Jour 117

Mes parents ont invité Romain à manger. Ils disent que j'ai l'air d'aller mieux, quand il est là.

Je sais qu'il est gêné d'être avec moi : j'ai plein de choses à lui reprocher, je ne me sens pas prêt à lui pardonner ce qu'il a fait, et il a tout le temps peur de dire quelque chose de maladroit, de me blesser ou de me mettre en colère. On parle peu, il essaye

de me faire rire, de temps en temps.

Pendant le repas, c'était assez silencieux. On n'entendait que le bruit des couverts contre les assiettes. Je n'avais pas vraiment faim, mais j'ai réussi à finir mon assiette : mes parents avaient l'air satisfaits. Romain n'arrêtait pas de me jeter des petits regards et de me sourire. J'ai essayé de lui sourire en retour, mais j'avais du mal...

À la fin du repas, mes parents m'ont invité à rester avec Romain dans ma chambre, pendant qu'ils partiraient faire des courses. Romain avait l'air content, j'ai accepté.

Lorsqu'ils sont partis, nous sommes montés dans ma chambre. Je me suis assis sur le lit, Romain s'est posé à côté de moi. Nos cuisses se touchaient presque, mais j'avais quand même l'impression d'être seul.

C'était trop pour moi... Tout ce qui s'était passé avec Paul, Roxane, la psy, les flics, mes parents... J'avais l'impression que tout le monde avait les yeux rivés sur moi, que j'étais constamment observé, surveillé par les gens, « pour mon bien-être », « pour ma sécurité ». Mais je me sentais quand même seul, j'avais l'impression que personne ne me comprenait, qu'ils essayaient tous de faire en sorte que j'aille mieux, mais que ça n'y changeait strictement rien !

Romain s'est tourné face à moi. Il a plongé ses yeux dans les miens. J'avais oublié qu'il était si beau...
Quand je pense que j'étais amoureux de lui, avant...

Et soudain, sans prévenir, il m'a pris dans mes bras. Il m'a serré très fort contre lui, j'avais la tête collée contre sa poitrine, et je pouvais entendre son coeur battre.

C'était trop pour moi, j'avais les larmes qui me montaient aux yeux... Il m'a dit de tout lâcher, je n'ai pas réussi à me retenir...

J'ai versé toutes les larmes de mon corps sur son beau t-shirt... J'ai libéré toute ma colère et tout ma tristesse que j'avais accumulées depuis tant de temps, tout ce que j'avais gardé pour moi, que je n'avais pas voulu dire, tous les mots que je n'ai pas prononcés à cause de ma timidité, tout ça s'est transformé en larmes et en sanglots...

Et puis j'ai remarqué que Romain pleurait avec moi aussi... Et à chaudes larmes...

J'ai relevé la tête et nous nous sommes regardés. Nous avions l'air bien misérables, tous les deux, à pleurer comme des madeleines sans pouvoir nous arrêter !

Mais qu'est-ce que je me sentais bien en sa présence...
Je l'ai senti hésiter, puis il a avancé lentement son visage du mien, comblant la distance insupportable qui séparait nos deux lèvres...

Et il m'a embrassé avec ses lèvres salées. Et nos larmes se sont mélangées. Quand j'ai dit que personne ne me comprenait, c'était faux...

Romain m'a toujours compris... Il me connaît mieux que moi-même ! Il a toujours voulu mon bien, il a toujours été là pour moi.
Parfois, il a agi maladroitement... Il a essayé de me rendre jaloux, en me présentant sa « copine », en faisant exprès de m'ignorer. Mais au fond, il m'a toujours aimé passionnément, quand je repense à toutes ses nuits blanches, ses cernes au matin, les gestes, les invitations, les moments à deux, les sourires.

Il a essayé de me protéger de Paul, mais je l'en ai empêché, en croyant qu'il voulait mon mal ! Il avait vu le premier que Paul était mauvais pour moi, qu'il me manipulait. Et il avait aussi prévenu Roxane, mais je ne l'avais pas crue... J'ai été con jusqu'au bout !!

Il s'est toujours occupé de moi. Et moi, j'avais juste peur de lui... Et je m'en veux tellement...

Mais je l'aime, mon Romain. Je n'ai pas arrêté d'essayer de lui échapper, mais il était toujours là, dans mon cœur... Je n'ai jamais pu m'empêcher de penser à lui, même Paul n'a pas réussi à me le sortir de la tête.

Je compte bien rattraper le temps perdu, j'espère juste que ce n'est pas trop tard...