Journal d'un gay

Jour 72

« La nuit porte conseil. » Ce n'est que maintenant que je me rends enfin compte de ce que ce proverbe veut dire. Il faut que je sache discerner le vrai du faux, le bon du mauvais. Romain m'a ouvert les yeux sur certaines choses, certes, mais il a clairement essayé de me manipuler. Je ne me laisserai pas faire. Je veux choisir par moi-même, sans l'influence de quiconque.

Il faut que je prépare une liste de questions à poser à Romain et à Paul. J'en ai déjà quelques unes en tête. Et puis il ne faut pas que j'oublie Roxane. Elle aura un point de vue différent du mien, elle pourrait m'être d'une précieuse aide. Elle sera mon alliée.

Cette fois, c'est moi qui contrôle le jeu. J'ai les cartes en main, à moi de bien m'en servir. Je n'ai pas envie qu'on me prenne pour un con, que ce soit Romain ou Paul, peu importe. Je crois que je me suis déjà assez fait manipuler comme ça. Je veux savoir qui ils sont vraiment, je ne veux plus qu'on me cache quoi que ce soit. La seule personne en qui je peux avoir confiance, c'est Roxane.

C'est la première fois que j'écris dans mon carnet le matin. D'habitude, je le fais le soir. Ça m'aide à décompresser et à digérer un peu ma journée. Là, je sais pas, j'avais très envie. D'ailleurs, je ne vais plus avoir le temps pour prendre mon p'tit déj'. J'imagine déjà mon ventre hurler vers onze heures et tout le monde se retourner vers moi en entendant les gargouillements.

Je verrais bien comment ça va se passer aujourd'hui. Je compte beaucoup sur Roxane. J'irai la voir à la pause de dix heures. Je sais que je peux lui faire confiance, elle m'adore et elle ne veut que mon bien.

Je suis donc allé voir Roxane à la pause de dix heures, comme j'avais prévu. J'étais sûrement déjà trop confiant, je me disais que comme c'était elle, et qu'elle était toujours très gentille avec moi, il n'y allait avoir aucun problème. Mais non, même elle s'y est mise...

Elle était toute seule assise sur un petit muret dans la cour. Lorsque je suis arrivé devant elle, elle n'a même pas levé la tête. Elle devait sûrement être de mauvaise humeur, ça ne m'a pas inquiété plus que ça. Je me suis donc mis à lui parler. J'ai parlé de Romain, de ce qu'il m'avait dit, des doutes que j'avais eu hier. Je lui ai dit que je ne savais pas quoi penser de Romain, s'il me manipulait ou non, et puis je voulais aussi savoir si Paul ne me cachait pas quelque chose.

Durant tout mon récit, elle n'a pas bougé d'un poil et a gardé la tête baissée. Elle avait les yeux rivés vers le sol. Je ne savais même pas si elle m'écoutait, mais j'avais juste besoin de parler à quelqu'un, et elle était la seule personne à qui je pouvais me confier.

J'ai terminé mon histoire, et je lui ai donc demandé si elle pouvait « enquêter » sur Romain et sur Paul.
À ce moment précis, elle a brusquement relevé la tête et m'a jeté un regard noir. J'ai reculé sous la surprise et la peur.

J'ai quand même répété ma question, histoire d'insister un peu... Mais en plein milieu de ma phrase, elle m'a interrompu et m'a lancé : « Donc si je comprends bien, quand tout va bien, je te fais chier. Mais dès que Monsieur a un petit souci, alors je dois être là pour toi ? J'aimerais savoir ce que tu veux, Thomas. Moi je te considérais comme mon ami. Et les amis, ça reste dans les bons et les mauvais moments, c'est pas seulement quand ça t'arrange ! »

Puis elle s'est levée et est partie sans un mot, me laissant debout, les bras ballants, sous le choc.

Ça m'a fait un sacré coup...

J'ai compris à ce moment-là que je l'avais prise pour une moins que rien... Elle avait totalement raison : elle a toujours été là pour moi, quelle que soit la situation. Et moi, je l'ai jetée comme un vulgaire déchet une fois que je n'avais plus besoin d'elle...