La saison de la chasse (suite)

9 2 4
                                    

       

                       Le lendemain de la discussion avec son père, Becca s'était réveillée avec un aplomb qui ne l'avait pas quitté depuis la veille. Sylvie, la gouvernante de maison l'avait encore une fois tirée du lit, pour qu'elle puisse prendre le petit-déjeuner avec son père. Elle s'était préparé convenablement avant de sortir, armée de ses affaires scolaires, de sa chambre. Elle descendait lentement les escaliers en pianotant bien trop concentrée sur le clavier de son téléphone et laissant le soin à qui pouvait la voir d'admirer sa personne et son accoutrement du jour qui consistait à : un chemisier blanc à rayures verticales vertes olives enfilé dans un short en jean effiloché le tout couvert d'une veste de blaser jaune et ses pieds étaient cachés dans des bottines à talon noires. Elle finit par s'attabler aux côtés de son père et prendre son repas dans un silence solennel. Bien que la situation avec son père se soit un tantinet améliorée, la discussion n'était pas dans leurs habitudes déjà bien marquées par un certain fossé, qu'il fallait absolument combler. Repus de leur repas matinal plus que savoureux, Aaron réitéra à sa fille l'offre qu'il lui avait fait le jour précédent mais, elle la déclina encore prétextant cette fois-ci : <<ça me ferait un peu honte que tu me déposes à l'école comme quand j'étais petite. C'est mieux que ce soit Luc. Au moins j'ai l'impression d'être une princesse avec chauffeur.>>  Il laissa tomber alors une bonne fois cette bataille là et préféra en entamer une autre.
- tu as quelque chose à faire ce soir ? (Lui demanda t-il)
- non pas du tout (répondit-elle, un peu confuse et perplexe par sa question)
- et bien,(commença t-il), j'aurais aimé qu'on essaie de faire un truc ensemble. Elle elle zieuta l'espace de gauche à droite, sans trop comprendre et finit par accéder à sa requête.

                        Arrivée au lycée, alors qu'elle descendait de la voiture, elle vit au même moment sortir d'une berline noire, le grand brun aux taches de rousseur. Elle l'attendit les quelques secondes que durèrent l'échange entre lui et l'individu au volant. Il finit par arriver dans sa direction avec le visage froissé de rides qui exprimaient clairement la contrariété, mais lorsqu'il aperçut Becca son expression changea en un battement de cils.
- hey! (Fit-il, enjoué, en s'approchant). Becca restait encore un peu perplexe face à son jeu d'acteur presque prodigieux, de passer d'une expression à une autre en une fraction de seconde, relevait du talent ou d'un don particulier. Elle ne lui en fit point la remarque et préféra répondre à sa politesse.
- bonjour. (Fit-elle, calmement). Ils entrèrent en s'échangeant quelques banalités et entrèrent dans le vif du sujet qui était le plus important à leurs yeux.
- bien (commença Andrade), il nous reste encore cinq personnes à identifier et nous sommes mercredi aujourd'hui. Alors qui veux-tu me présenter aujourd'hui ?
- en effet, il nous en reste cinq. Et je vais essayer de te présenter le maximum, pour qu'on puisse commencer à régler la question de : "qui a fait quoi?" Ensuite mettre en place des stratégies et leur faire payer leurs actes.
- ça alors tu t'es réveillés du bon pied aujourd'hui.
- tu n'imagines pas à quel point. Ils continuèrent de marcher jusqu'à arriver à l'angle du couloir qui sépare leurs deux bâtiments, l'un intégra sa classe, dans laquelle il jeta quelques coups d'œil discrets à leur cible numéro un : Baptiste. Et l'autre fit un saut rapide dans les vestiaires des garçons principalement utilisés par les équipes de basket, football et volleyball masculine. Elle se mit hâtivement à la recherche d'un casier. Au bout de quelques minutes de recherches, le graal apparut devant ses yeux, elle y enfuit une photo imprimée sur papier dans le casier par les interstices et sortit sur la pointe des pieds pourtant l'endroit était désert.

                          Quelques quatre heures plus tard, l'heure du déjeuner s'annonça et les deux comploteurs se retrouvèrent sur ce qui finira par devenir leur lieu de prédilection, autrement dit une sorte de quartier général : le toit du lycée. Andrade relata à Becca tout ce qu'il avait pu observer de Baptiste durant les cours et Becca l'écoutait d'une oreille en pianotant sur un téléphone.
- un nouveau téléphone ! (Remarqua Andrade)
- ouais.
- qu'est ce qui est arrivé à l'autre, il est déjà passé de mode?
- non,... Arrête de me prendre pour une fille snobe. Et d'ailleurs mon vrai téléphone, il est là (dit-elle en le lui brandissant sous le nez), celui-là, c'est pour ce que je prépare et je t'en dirai plus tout à l'heure.
- ok. Alors ces non-identifiés?
- ah oui ! Elle reprit son téléphone habituel, y fit quelques manipulations et la photo de la liste apparut.
- il nous reste : Amadeus, Philippe, Rahim, Robert.... Ah j'ai failli oublier, Ilan. (Annonça t-elle)
- bien! opération réfectoire?
- eh bien peut-être qu'on aura plus de chance qu'hier. Et sur ce, ils dévalèrent les étages jusqu'au réfectoire, firent un saut au comptoir pour se servir les soi-disants mets qu'on leurs présentaient. Becca regretta amèrement de ne pas avoir apporté son propre déjeuner. Ils s'avancèrent dans la salle et repérèrent par le plus grand des hasards la place qu'ils occupaient le jour précédent, ils s'y installèrent donc et commencèrent leur repérage mais leurs yeux ne recroisèrent que ceux qu'ils avaient déjà reconnus. À un moment, Becca vit un garçon solitaire, dont le visage titillait les braises de sa mémoire mais les flammes ne prirent pas et le garçon ne resta qu'un pressenti dans le cerveau de la jeune fille. Alors qu'ils continuaient leur examination de la salle, un garçon avec une veste verte aux manches blanches ornée du numéro <<41>> marqué sur le côté gauche s'approcha furtivement de Becca et s'assit juste à côté d'elle. Elle tressaillit lorsqu'elle sentit sa respiration dans son cou et se  tourna pour identifier le grossier personnage qui envahissait son intimité et s'apperçut qu'elle le connaissait, et lâcha sèchement :
- qu'est-ce que tu fous là ?
- oh rien juste profiter un peu de ton parfum agréable.
- dégage Chick!
- oh... Toujours aussi méchante. Et moi qui venait t'inviter à une super fête vendredi chez moi.
- va crever Chick! IL mit une main sur cœur et feignit une crise cardiaque.
- t'es sûre que tu veux pas venir ?
- aussi sûre que je m'appelle Rebecca Simonet. Andrade tiqua à l'évocation de ce nom et Chick reprit :
- cool je te réserve une danse alors. (Lui dit-il en lui faisant un clin d'œil.) Il se leva, près à partir et Becca l'arrêta;
- attend.
- je savais que t'allais craquer. (Dit-il, fièrement.)
- toujours pas, non. Est-ce que tu sais qui c'est ? (Demanda-t-elle, en pointant le garçon dont le visage faisait écho à sa mémoire)
- hum... Il t'intéresse ? (Dit-il avec un sourire intéressé aux lèvres)
- ne dis pas n'importe quoi ! (Cingla t-elle)
- ok. Chacun ses goûts de toute façon. C'est Ilan Moorea alias "le petit puceau", il est dans ma classe, si tu veux je t'arrange le coup.
- merci je n'ai plus besoin de toi.
- ok! Je t'attends vendredi, vingt-et-une heures !(dit-il en s'éloignant.) Becca fixait le dénommé  d'un air interrogateur, et Andrade la coupa dans son examen et prononça :
- laisse moi deviner, je parie que tu te demandes ce que ce garçon inoffensif a pu faire à Bella. Elle se tourna vers lui et le scruta un peu dépitée qu'il lise aussi facilement en elle.
- faudrait déjà s'assurer qu'il s'agit du Ilan qu'on recherche. (Répondit-elle simplement)
- rien de plus simple. Et comme pour donner un sens à ses mots, il se leva et alla s'installer en face du garçon solitaire ;
- salut, moi c'est Andrade. Je suis nouveau dans le lycée. Son vis-à-vis ne cilla pas une seule seconde, trop absorbé à jouer avec le contenu de son assiette, un air apathique sur le visage. Mais Andrade ne se laissa pas abattre et surenchérit en rentrant directement dans le vif du sujet :
- dis, tu sais qui c'était...(il feignit la réflexion et continua), ah oui Bella Assin ? Le nom maudit était prononcé, et son évocation avait clairement perturbé le garçon solitaire, détail qui n'échappa guère à celui qui l'avait provoqué. Alors, voyant que ce nom réveillait la mémoire et les sentiments du garçon, il continua sur sa lancée :
- Parce qu'en fait, comme je suis dans sa classe et tout... beaucoup de gens font des messes basses en disant que j'ai pris la place de la "morte"... Tu peux m'en dire plus ? Le garçon solitaire sembla s'étouffer, il respirait lourdement presque par à-coups. Il se reprit au bout de trois minutes de respiration saccadée, et il lança violemment à l'attention d'Andrade :
- J'AI RIEN À VOIR AVEC CETTE PUTE OK?! Sur ces paroles aussi audibles que virulentes, il jeta son plateau de nourriture sur le carrelage et prit la fuite. Andrade revint alors vers Becca, une expression victorieuse sur le visage et dit:
- je crois que c'est notre homme. Ils se décidèrent à engloutir un peu de ce qui se trouvait sous leurs nez et tout à coup, comme si un détail de la plus haute importance lui revenait fortement, il dit alors :
- tout à l'heure, tu as dit que tu t'appelais Rebecca Simonet, est-ce que... est-ce que ça un rapport avec l'ancien boxeur Aaron Simonet ?
- c'est mon père (l'informa-t-elle, aussi platement que possible.) Il agrandit ses yeux tellement qu'on eut dit qu'ils allaient abandonnés leurs orbites et balbutia à répétition : <<c'est ton père>>, ensuite il revint à lui et lança un cri aigu et perçant qui alerta l'assemblée entière qui se retourna dans leur direction. Il s'excusa et revint vers Becca.
- j'arrive pas à croire que je déjeune avec la fille de Aaron Simonet, mon idole ! Il étouffa un nouveau cri de sa main sous le regard blasé de Becca, bien trop habituée à ce genre de manège théâtrale de la part des gens qui recevait la même information.
- j'arrive pas à y croire. Le quintuple champion de boxe, c'est ton père. Trop dément !
- oui! Youpi ! Super ! (Lâcha t-elle d'un ton sarcastisque.) Il continua dans son euphorie encore quelque temps avant de reprendre contenance.
- je me souviens encore de son combat contre Ali Gizir (annonça t-il), à l'époque, j'avais sept ans et c'était carrément l'événement de la décennie, peut-être que j'abuse... Mais j'étais dans le public avec mes parents et c'était magnifique, sa façon de bouger, de cogner, d'esquiver... C'était juste sublime.
- oui moi aussi (se souvint-elle), c'était après ce combat que la presse l'avait surnommé "la Rafale" (elle sourit un peu et continua), on croyait qu'il allait perdre et moi je pleurais comme une madeleine quand je le voyais le visage gonflé et ensanglanté.
- ouais mais il a fini par remporter le combat contre un boxeur qui était le favori à cette époque, en six rounds, il s'est fait dérouiller mais il n'a pas abandonné. C'est lui qui m'a donné l'envie de faire de la boxe... Je suis dégoutée quand je pense qu'il était venu signer des autographes à la salle où je m'entraînais à la capitale.
- tu viens de la capitale ?
- oui madame. Dis...
- quoi ?
- tu crois que tu pourrais me le présenter ?
- il n'est pas là pour l'instant (mentit-elle.) Il parut déçu.
- alors peut-être que tu pourrais lui demander de me signer un autographe. Elle acquiesça et continuèrent d'échanger quelques autres anecdotes des combats du père de Becca, après ils entrèrent dans un débat de qui serait le gagnant entre tel boxeur et tel boxeur, débat qui souleva quelques contradictions entre les deux. Et sans remarquer le temps qui passait, il continuèrent ainsi jusqu'à la fin de l'heure du déjeuner. Ils se séparèrent sur quelques désaccords par rapport à leur débat, oubliant l'espace de plusieurs minutes leurs manigances.

prédateurs chassésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant