Bakarah, Harjiba, quelques mois avant Le venin des étoiles
Sitôt le pêcheur de l'autre côté de la porte, Afshan s'étira sur son trône. Il élongea sa colonne vertébrale, tendit les bras en arrière pour soulager ses épaules, puis lissa ses cheveux, avant de se pencher une nouvelle fois vers son aide.
— Quel est le sujet de la prochaine audience ?
Niyasha saisit le premier feuillet sur la pile qui restait, classée avec soin par le secrétaire en charge de l'enregistrement des demandes d'entrevues. À la lecture des lignes explicatives, elle eut une exclamation de surprise.
— Eh bien ?
— C'est Tahali Bousham, la compagne de Jeran Sahan.Au pseudonyme de l'étranger, le roi haussa un sourcil. Tout ce qui concernait cet homme, qu'il avait longtemps fait surveiller après l'avoir relâché de prison, piquait son intérêt.
— Ah ? Qu'est-ce qu'elle veut ?
— Elle vient se plaindre de lui. Il ne veut apparemment pas l'épouser.
Les yeux d'Afshan s'allumèrent d'amusement.
— Je ne sais pas pourquoi elle fait appel à moi pour ça, mais je sens que ça va être divertissant.Il claqua des doigts à l'intention de la servante en poste dans la salle.
— Apporte-moi tout de suite un verre d'eau. Et qu'on fasse entrer cette femme.
Sans perdre une seconde, le garde préposé à l'ouverture des portes tira le battant, tandis que Kinzi, qui s'était entre temps assise en tailleur sur le sol, reprenait sa posture de faction, un pas de côté devant le trône.Tahali s'avança avec aplomb sur le tapis qui menait jusqu'à son souverain. Son visage, tatoué sous les yeux d'une multitude d'oiseaux en vol, était résolu. La jeune femme fit une révérence élégante, puis mit un genou à terre lorsqu'elle arriva devant le monarque, qui ne put s'empêcher de l'admirer. Il la trouvait belle et racée et il se demanda vaguement pourquoi quelqu'un comme elle s'était entiché du seul immigré de Harjiba.
— Tu as demandé à rencontrer le roi Afshan. Tu es maintenant devant lui. Quelle question as-tu à soumettre à son jugement ?
D'un signe de tête, Tahali remercia Niyasha pour l'introduction. Elle braqua ensuite son regard vers le roi et, à nouveau, ce dernier fut saisi par sa beauté impétueuse, assurée, si différente de ses propres partenaires.
— Votre Majesté ! Je viens vous voir car mon compagnon, Jeran Sahan, refuse d'accepter de m'épouser.Afshan croisa les mains sous son menton avec un demi-sourire.
— On me l'a dit, mais il n'y a pas de loi sur Harjiba qui oblige qui que ce soit à se marier si la personne ne le souhaite pas. Que puis-je donc faire pour toi ?
— Vous allez comprendre. Je suis la compagne de Jeran depuis des années. Depuis qu'il est arrivé sur notre île. Et durant tout ce temps, je lui ai été fidèle. J'ai passé toutes ces années à ses côtés.
— J'espère que ça en valait la peine. Mais encore ?
— J'ai attendu qu'il demande ma main, en vain ! Il ne l'a jamais fait. J'ai donc pris le taureau par les cornes il y a quelques semaines et je lui ai demandé s'il voulait devenir mon mari. Et il m'a dit « non, jamais ! »
Tahali semblait furieuse à ce souvenir.Afshan haussa les épaules et interrogea, d'un ton léger :
— Et tu ne l'as pas supporté ?
Elle se redressa, les poings serrés.
— J'ai perdu toutes ces années. Il m'a fait lanterner, m'a donné des espoirs. Il m'a fait miroiter un avenir commun. Mais en réalité, cela n'a jamais été dans ses plans. Il a abusé de ma confiance. Et pendant que je patientais, j'ai raté bien des opportunités. J'aurais pu dire oui à quelqu'un d'autre, le quitter, aller construire une vie ailleurs !
— Qu'est-ce qui t'empêche de le faire maintenant ?
Le timbre du roi vibrait à présent de curiosité non déguisée.
— Rien. Mais rien ne ramènera les possibilités du passé. S'il avait été honnête, j'aurais pu faire d'autres choix. Et puis, surtout, il m'a menti. Est-ce acceptable sous votre règne, Votre Majesté, d'être malhonnête ?
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Le venin des étoiles
FantasySoudain propulsé à la tête du royaume de Linru après la mort de son oncle, An Hai doit tout combiner : la découverte d'une capitale aux coutumes différentes de celles de ses montagnes, les obligations liées à son statut, et ses « bizarreries » perso...