— Ah, Hautesse ! Comment allez-vous ?
Assis sur l'un des phénix de pierre qui encadraient l'entrée du palais du Régent, le Chancelier se leva pour les accueillir avec chaleur lorsqu'ils quittèrent la jonque. An Hai, vêtu d'une robe bleu nuit, s'inclina.
— Je vais bien ; je vous remercie. J'espère que vous vous portez au mieux également.
— À merveille, à merveille ! Mais que dites-vous ; vous êtes blessé ?
Après un coup d'œil à Hayami et Wei Ku, en retrait, Iao Shin montra du doigt la tempe gauche du prince, sur laquelle il venait de remarquer le pansement à demi-masqué par les cheveux d'An Hai. Une fois n'était pas coutume, ce dernier avait en effet laissé pendre ses mèches devant ses oreilles afin de dissimuler cette addition.— Ah, non, ce n'est rien, je vous assure. Juste une égratignure.
— Hmm. Cela ne devrait en tout cas pas vous handicaper pour le duel. Le Régent est impatient d'échanger quelques coups avec vous. Manier l'épée est sa passion, vous savez. Il a entendu dire, lorsqu'il s'est renseigné à votre propos avant de vous choisir pour succéder à Jung Chu, que vous vous débrouilliez vous-même plutôt bien.
— J'espère ne pas le décevoir.
— Je suis sûr que non, répondit le Chancelier avec un sourire. Mais venez.Il précéda le roi, lui-même suivi par Roen, Hayami et les deux pages, à l'intérieur du bâtiment de pierre gemme bleu pâle — le seul de la Cité Royale à ne pas être blanc.
— Le Régent s'entraîne déjà sur l'esplanade arrière. C'est dire son impatience ! rit Iao Shin en se tournant vers An Hai.
Le visage du Chancelier était rarement sérieux : l'homme souriait presque en permanence d'une façon amusée, comme si son existence était une succession de blagues légères. Pourtant, ses yeux demeuraient étonnamment pénétrants, vifs d'intelligence et de recul non émoussés par son côté désinvolte.Xong Nong, en contraste, alignait son expression sur son regard — les deux coupaient, sérieux, scrutateurs, aiguisés et pointus comme les épées qu'il paraissait tant affectionner.
— Bienvenue chez moi, Hautesse, dit le Régent en venant accueillir le roi à la porte menant vers le jardin, épée à la main.
An Hai le salua.
— Je vous remercie pour votre invitation.
Le Régent fit de même avec un signe de tête poli.
— C'est un honneur pour moi de recevoir le roi de Linru dans ma maison. Avant toute chose, voulez-vous un rafraîchissement ?
— Non, merci ; je n'ai besoin de rien, répondit le prince.
Les yeux de Xong Nong se plissèrent, plus incisifs encore tandis qu'ils sondaient l'apparence de son vis-à-vis de la tête au pied, comme s'il avait l'espoir qu'elle lui révèle les entrailles du roi.
— Êtes-vous toujours barbouillé de votre voyage en dirigeable ?
— Non, c'est passé. Je vous remercie de votre sollicitude. Mais j'ai mangé et bu chez moi à l'heure du déjeuner et comme je viens de vous le dire, je n'ai besoin de rien pour l'instant.
— Très bien, Hautesse.Le prince suivit Xong Nong un peu plus loin et reprit :
— Il y a quelque chose d'important que je dois vous transmettre avant tout.
— Ah, vous avez pu vous entendre avec le roi de Harjiba sur un lieu et une date ?
Le Régent, d'un geste de la main, invita An Hai à s'asseoir à ses côtés sur un banc de pierre dans l'ombre de la façade. Iao Shin resta debout, les mains dans les poches de sa robe brodée.
— Non, je n'ai pas encore reçu de réponse à mon message. Mais il y a tout un océan à traverser pour les faucons.
— Qu'est-ce, alors ? Des nouvelles des ambassadeurs ?Le prince acquiesça et fit un signe de tête à Roen. Le garde du corps, qui se tenait à quelques pas de distance, s'avança vers les dignitaires avec les télégrammes à plat sur les paumes.
— Le prince Chizen Hashigawa Itushi de Kashiô prend note, mais la princesse Moonlai Keechaya Geeyani d'Awanongwan refuse d'accepter ces nouveaux termes. Elle a refoulé les ambassadeurs à la frontière où elle les a rencontrés alors qu'elle revenait d'une visite de courtoisie à Lhadrak.Le Régent se saisit des papiers et les lut sur-le-champ, le front creusé de plusieurs plis.
— Pour qui se prend cette petite fille...
— Pour l'héritière de la dynastie Geeyani, peut-être ? suggéra Iao Shin avec ironie.
Xong Nong lui jeta un regard courroucé.
— La dynastie Geeyani a juré fidélité à la dynastie Ijin il y a des siècles. Cette jeune fille vient seulement de remplacer son père à la gouvernance d'Awanongwan et n'a aucun droit de remettre cela en cause.
— Nous anticipions de toute façon qu'il y aurait des mécontents parmi les princes, répondit le Chancelier en haussant les épaules.
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Le venin des étoiles
FantasíaSoudain propulsé à la tête du royaume de Linru après la mort de son oncle, An Hai doit tout combiner : la découverte d'une capitale aux coutumes différentes de celles de ses montagnes, les obligations liées à son statut, et ses « bizarreries » perso...