LES OMBRES DU PASSE

chapitre 5

Quel plaisir de savoir que je pourrais dormir aussi longtemps que je le désire cette nuit. Je travaille seulement au Morning et, dès quinze heures, je pourrai me glisser sous mes draps. Rien que d'y penser, j'ai hâte !

Deux clients payent et je m'empresse de nettoyer la table pour que les prochaines personnes puissent s'installer. C'est la course à cette heure-ci. Bientôt, je ne sentirai plus mes jambes à cause des nombreux aller-retours que je fais.

« J'ai l'impression que c'est pire que d'habitude. »

Je jette le torchon sur le rebord du comptoir, soufflant alors que Sammy se moque de moi. Aah, la jeunesse... 

« Une virée shopping après le travail, ça te dit ?

— Une virée shopping ?

— Ce n'est pas ce que vous dites entre nana ?

— Peut-être les autres filles, mais pas moi. »

Finalement, après nos heures de travail, nous sommes en direction du centre commercial le plus proche. Il arrive rarement que mon petit protégé et moi fassions quelque chose après le travail. Bien souvent, c'est parce que Sammy a besoin de parler, de s'échapper durant un temps.

Nous passons de boutique en boutique, ne perdant pas une seconde pour se moquer d'un objet étrange. C'est après une bonne heure que nous nous posons dans un café.

« Ma mère divague complètement. Elle croit que mon père va pousser la porte de la maison un jour.

— Elle a besoin de faire son deuil à sa propre façon.

— Comment on peut espérer que son propre gourou revienne ? A croire qu'elle a oublié tout ce qu'il lui a fait subir.

— Comme on dit, l'amour rend aveugle. »

Je me retrouve en Sammy, en ce gosse complètement perdu qui essaye de comprendre comment toutes ces choses qui lui arrivent sont possibles. C'est lors de l'une de nos discussions au Morning qu'il s'est ouvert à moi. Il avait cette cicatrice au bras. Une nouvelle. J'ai bien assez vite remarqué qu'il avait souvent des bleus. Je n'ai jamais posé de questions, parce que je sais que trop bien que lorsque nous ne sommes pas prêts à en parler, nous ne le ferons pas. Ça doit venir de nous et de personne d'autre.

« Merde, je peux encore entendre sa voix dans toutes les pièces de la maison... Il m'arrive même de le voir à table avec nous. Je pourrais presque croire que je deviens fou.

— Le temps est ton seul ami. Tu t'en sortiras et ta mère aussi.

— Je sais que moi, oui, je pourrais passer à autre chose, mais je n'en suis pas aussi certain pour elle. Elle est complètement... brisée. »

Je n'ai pas été dans cette situation, mais je pense que lorsque la personne qui vous a toujours dit quoi faire et quoi dire disparaît du jour au lendemain, votre vie devient vide. Il n'y a plus personne pour vous dicter vos actes alors que vous y étiez habitué. Retrouver une vie normale doit prendre un certain temps.

Un café dans le ventre, nous quittons le centre commercial. Je laisse Sammy et rentre à l'appartement. Quel plaisir de pouvoir passer une soirée au calme, dînant devant une bonne série. Je pourrais passer mes journées entières ainsi si je le pouvais.

*  *  *

J'ai oublié à quel point une nuit sans interruption peut faire du bien. Malgré mes quelques heures de sommeil, je me suis réveillée aucune fois et cela faisait bien longtemps que c'était arrivé.

Mon moral est déjà bien meilleur que d'habitude. Je n'ai pas eu envie d'étrangler tous les clients qui se montraient odieux au Morning et j'ai ri aux blagues complètement nazes de Sammy. Dieu seul sait à quel point je ne rigole jamais à ce genre d'idioties.

C'est de bonne humeur que  je roule en direction du night-club. Nous sommes vendredi soir et autant dire que c'est lors de cette soirée qu'il y a le plus de personnes. Tout le monde vient fêter l'arrivée du week-end en profitant de la vue. Je suis presque certaine que parmi tout ces hommes d'affaires, certains ont dit à leur conjointe qu'ils devaient rester un peu plus longtemps en déplacement. Ça ne m'étonnerait pas, loin de là.

Je tape le code et le portail s'ouvre. Je gare ma voiture parmi les autres, entre une noire et une bleue avec à l'arrière un autocollant à l'effigie des Mariners, le club de baseball de Seattle. Je suis en avance et c'est, je crois bien, la première fois que cela arrive. Hormis lors de mon premier jour.

Lorsque j'ouvre ma portière, je parviens à entendre une voix que je connais que trop bien : Pablo. D'où je suis, je ne le vois pas, mais je devine qu'il est au téléphone et qu'il a une discussion bien animée.

Prise d'un élan de curiosité, je me fais toute petite et reste à côté de ma voiture, écoutant les paroles que mon patron échange avec son interlocuteur.

« Non, je t'ai déjà dit la semaine prochaine... J'ai les flics sur le dos, ils n'attendent qu'une chose, c'est de me prendre... Tu l'auras, arrêtes de t'inquiéter, Marcus... Tu ne seras pas déçu, crois-moi. Cette petite est une vraie pépite... Évidemment ! Pour qui tu me prends ?... Ouais, ouais, d'accord. Salut. »

Il lâche un juron et la porte de l'entrée des employés claque, signe qu'il est parti.

Merde, c'était quoi cette conversation ?

Pablo trempe vraiment dans des trucs pas nets, je m'en doutais bien, mais ce que je viens d'entendre me fait légèrement flipper. Non, ce n'est pas possible. Il ne peut pas faire ce que je pense. Impossible, je l'aurais remarqué. Ou je veux seulement croire ce que j'ai envie.

Purée, ma bonne humeur vient bien vite de disparaître.

Bonjour !
En ce dernier jour de confinement, je vous poste le cinquième chapitre. J'espère qu'il vous a plu !
On en apprend davantage sur Sammy qui est un personnage très secondaire, mais important pour Charlie

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Je vous dis à bientôt et surtout, prenez soin de vous ❤️